En marge de la Journée mondiale de l’aide humanitaire, la ministre de l’action humanitaire et de la gestion des catastrophes, a indiqué, le 19 août dernier, que le bilan global des inondations à la date du 17 août 2024, fait état de 191 personnes décédées, plus de 281.000 personnes sinistrées, des milliers d’habitations effondrées, plus de 3785 hectares de cultures inondées, un important bétail décimé par les eaux et plusieurs autres pertes considérables en biens matériels notamment les infrastructures routières sur plusieurs tronçons.
Les récentes inondations qui ont frappé le département de Tillia, dans la région de Tahoua et même celles enregistrées dans les autres régions du Niger, sont un tragique rappel de la nécessité d’une gestion coordonnée des risques des catastrophes naturelles.
En effet, du 12 au 13 août 2024, des pluies torrentielles sans précédent se sont abattues sur le département de Tillia. Deux véhicules de transport de passagers qui, étaient en route vers le marché hebdomadaire de Telemces, ont été surpris pendant qu’ils étaient embourbés en plein milieu d’un kori. En effet, le kori de Garin Dan Ali, qui constitue à la fois un passage pour rejoindre Telemces mais aussi un collecteur naturel des eaux de pluie pendant l’hivernage, a vu son niveau d’eau monter dangereusement et emporter tout sur son passage.
Malheureusement, ces véhicules, pris au piège par la force des eaux, ont été emportés par un courant rapide, entraînant un accident dont le bilan est tragique. On dénombre 52 passagers qui ont perdu la vie et plusieurs autres sont portés disparus. Cet incident met en lumière les dangers liés aux infrastructures routières dans des zones sujettes à des conditions climatiques extrêmes, soulignant la nécessité d’une meilleure planification et de mesures préventives pour garantir la sécurité des usagers de la route.
Ces événements tragiques ne sont pas des accidents isolés, mais le résultat d’une conjonction de facteurs aggravants, dont une mauvaise préparation aux risques d’inondations ; Ce, malgré les alertes émises par des forums spécialisés notamment celui de Prévisions Saisonnières des caractéristiques Agro-Hydro-Climatiques pour les zones Soudaniennes de l’Afrique de l’Ouest (PRESASS 2024), qui s’était tenu à Abuja, au Nigeria, en avril 2024, et qui a prévu des inondations dans les zones soudanienne et sahélienne de l’Afrique de l’Ouest. Pourtant, les actions nécessaires pour atténuer ces risques n’ont pas été suffisamment mises en œuvre.
Les recommandations formulées lors de ce forum que votre journal avait d’ailleurs rapporté dans ses colonnes en son temps, étaient claires : il s’agissait de renforcer la communication des prévisions saisonnières, sensibiliser les communautés sur les risques de potentielles catastrophes, et améliorer la capacité d’intervention des agences en charge du suivi des inondations. Malheureusement, l’inaction des autorités face à ces prévisions a conduit à une tragédie évitable. La nécessité de curer et de construire les caniveaux, de maintenir les infrastructures routières, et de déconseiller l’occupation anarchique des zones inondables n’a pas été suffisamment prise en compte. Le Niger, en particulier, semble avoir ignoré ces avertissements, et les conséquences sont aujourd’hui désastreuses.
Penser aux mesures de sauvegarde
Les inondations ne causent pas seulement des pertes en vies humaines, elles engendrent également des risques sanitaires majeurs. Les conditions propices aux maladies hydriques, telles que le choléra et la typhoïde, augmentent considérablement après des inondations. Le Ministère de la Santé doit impérativement mettre en œuvre des mesures préventives pour protéger la population. Cela inclut la mise en place de campagnes de sensibilisation sur l’hygiène, la distribution de traitements d’eau potable, et le déploiement d’équipes de santé pour surveiller et répondre aux épidémies potentielles.
En outre, la sécurité routière pendant la saison des pluies doit être une priorité. Les autorités doivent rétablir des systèmes de contrôle, comme les barrières de pluie, pour interdire l’accès aux routes à risque. L’accident tragique survenu à Garin Ali aurait pu être évité si des mesures de précaution adéquates avaient été mises en place pour interdire aux transporteurs d’emprunter des pistes dangereuses durant cette période critique. Cela souligne l’importance d’une coordination efficace entre les services météorologiques, hydrologiques et les agences de transport afin d’assurer la sécurité des passagers.
Il faut également s’interroger sur l’efficacité de la gestion des ressources en eau dans le pays. Le renforcement des digues et la maintenance des barrages sont des actions indispensables pour prévenir l’érosion des terres et la destruction des cultures. En outre, l’adoption de pratiques agricoles durables, comme la culture de plantes adaptées aux excès d’eau, est essentielle pour garantir la résilience des communautés face aux inondations récurrentes.
Le tragique bilan des inondations au Niger nous rappelle douloureusement que la prévention des catastrophes ne peut être une option, mais une nécessité. Nous ne pouvons pas ignorer les avertissements et les recommandations des experts. Comme le disait Victor Hugo : « La liberté commence où l’ignorance finit. » Dans le contexte actuel, cela pourrait se traduire par : « La sécurité commence là où la préparation et la sensibilisation prennent le pas sur l’inaction. » Il est grand temps que les autorités agissent avec la diligence requise pour protéger la vie et les biens de la population.
Mahamadou Tahirou
L’Autre Républicain du jeudi 22 Août 2024