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2 septembre, 2025
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Editorial : La parole… et l’acte !

Il y a la parole d’une part, et l’acte de l’autre. Entre les deux, il doit y avoir une interrelation selon la belle expression : dire ce qu’on fait et faire ce qu’on dit. Dans le cas du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), la parole c’est l’engagement, pris dans sa proclamation du 28 juillet 2023, de respecter les exigences de l’Etat de droit et les instruments juridiques internationaux, régionaux et nationaux en matière des droits humains fondamentaux. La charte de la Refondation, qui lui tient lieu de Constitution, a reconduit les mêmes engagements. Elle a rappelé les grands principes qui fondent un Etat de droit : à titre d’illustration, elle a fait une mention sur la non rétroactivité de la loi sauf lorsqu’elle accorde des avantages au citoyen, ce qui est un principe fondamental de droit.

Sur la base de la proclamation du CNSP et de la charte de la Refondation, le Niger, sous le règne du général Tiani, était appelé à être un Etat de droit, c’est à dire un Etat où la loi, qui, par essence, est impersonnelle et de portée générale, est égale tant pour les forts que pour les faibles, les riches que les pauvres, les gouvernants que les gouvernés. L’Etat de droit est un Etat gouverné par la loi. C’est un Etat où les droits et libertés des citoyens sont garantis et respectés.

A côté de la parole, il y a l’acte. Souvent, l’acte trahit gravement la parole. C’est ce qui est arrivé au CNSP qui a très vite oublié ses professions de foi de départ. Les droits et libertés des citoyens sont foulés aux pieds, la loi est devenue, comme par hasard, modulable. Depuis 25 mois, le président Mohamed Bazoum et son épouse sont retenus au palais de la Présidence, totalement coupés du monde extérieur en dehors de toute procédure judiciaire. Il y a 15 mois, l’immunité du président Bazoum a été levée. A cette date, aucun enquêteur, aucun juge ne l’ont interrogé sur ce que les autorités en place lui reprocheraient. Le ministre Hamadou Adamou Souley continue à garder prison alors qu’il y a un an, il avait bénéficié d’une liberté provisoire avant que le commissaire du gouvernement ne fasse appel. Il y a 5 mois, toutes les personnes arrêtées, suite au coup d’Etat, ont été libérées sauf le ministre Souley. Le secrétaire général de l’association Alternative Espace Citoyen, Moussa Tchangari, ne connait pas une fortune différente depuis 10 mois qu’il garde prison à Filingué.

Alors que dans sa toute première prise de parole publique, le général Tiani avait annoncé une transition n’excédant pas trois ans, voilà que des Assises qu’il a convoquées décident qu’il aura un mandat de 5 ans modulable.

Suivant une ordonnance adoptée le 14 août dernier avec effet rétroactif, portant sur la discipline des magistrats, le secrétaire général du Syndicat Autonome des Magistrats du Niger (SAMAN) et son adjoint ont été radiés du corps de la magistrature, et ledit syndicat dissous. Le chef de l’Etat a désormais, en tout cas durant toute la période de transition, le droit de sanctionner les magistrats pour des « fautes » qu’ils auront commises. Les libertés de manifestation et d’expression sont mises à mal. Aucune manifestation défavorable au régime n’a été autorisée depuis deux ans, la Maison de la Presse fermée depuis 20 mois, la presse croupit dans la précarité la plus crasse et les journalistes contraints à l’autocensure sauf à chanter les louanges des princes.

A l’épreuve des faits, les libertés sont confisquées. L’exécutif se confond au judiciaire, le juge n’est plus libre de dire le droit selon son intime conviction. Le Niger est en passe de devenir une République bananière. Seul un petit groupe tire profit d’une situation qui se complique de jour en jour. Derrière le discours populiste et souverainiste, les masques continuent de tomber : la Refondation rime avec violation des droits humains et les libertés fondamentales acquises de haute lutte par le peuple nigérien. Les promesses de la junte s’avèrent être un vœu pieux.

Pourtant, le régime n’avait rien à craindre en levant les pesanteurs sur l’espace civique tant il prétendait jouir de l’adhésion populaire. Certains de ses thuriféraires vont jusqu’à clamer qu’aucun régime auparavant n’avait bénéficié d’un tel soutien populaire.

En un mot comme en cent, les Nigériens attendent que les autorités en place joignent la parole à l’acte. Ce qui suppose le respect des engagements pris.

La Rédaction

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