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26 novembre, 2025
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Libération de Mohamed Bazoum et Khadija : leurs enfants appellent à la mobilisation de la communauté nationale et internationale

Deux ans et quatre mois après le coup d’État qui a porté Abdourahamane Tiani au pouvoir au Niger, l’ancien chef de l’État et son épouse sont toujours détenus arbitrairement dans la résidence présidentielle de Niamey. Face au refus des responsables du régime de les libérer, leurs enfants lancent un appel à la mobilisation de la communauté nationale et internationale.

Depuis deux ans et quatre mois, notre père, Mohamed Bazoum, et notre mère, Khadija, sont détenus arbitrairement par les autorités issues du coup d’État du 26 juillet 2023 [au Niger]. Les responsables de ce régime refusent obstinément de présenter notre père devant un tribunal. Et pour cause, les accusations portées contre lui sont sans preuves ni fondement. Ils l’accusent, quelle ironie, de complot contre la sûreté de l’État en s’appuyant sur trois événements supposés s’être déroulés le jour même du putsch.

Selon eux, notre père aurait, ce jour-là :

• publié un tweet appelant le gouvernement américain à « bombarder » la présidence pour le libérer ;

• passé un appel téléphonique au secrétaire d’État américain pour demander une intervention militaire ;

• appelé le président français pour la même demande.

Pour obtenir la levée de l’immunité de notre père, le gouvernement a transmis à la Cour d’État – qu’il venait de créer – les seuls éléments suivants :

• une simple feuille imprimée censée reproduire le contenu du fameux tweet, sans capture d’écran, sans lien, sans source ;

• deux clés USB supposées contenir les enregistrements de conversations de notre père avec le président français et le secrétaire d’État américain.

En vérité, le dossier envoyé à la Cour d’État est vide, et pour cause :

• depuis le coup d’État, un seul tweet a été publié à partir du compte de notre père, le 27 juillet 2023, dans lequel il appelait à la défense pacifique des acquis démocratiques ;

• les conversations téléphoniques alléguées n’ayant jamais eu lieu, les clés USB remises à la Cour d’État sont soit vides, soit mensongères.

Statu quo désastreux

Depuis la levée de son immunité, le 14 juin 2024, notre père attend d’être présenté à un juge. Mais cette attente a toutes les chances de s’éterniser, car l’inculper impliquerait d’organiser un procès public. Que pourraient présenter les autorités à l’occasion d’un tel procès ? Un faux tweet ? Des enregistrements fictifs de conversations imaginaires ?

Face à cette impasse, les autorités ont préféré maintenir un statu quo désastreux. Privés de contact avec l’extérieur, nos parents sont condamnés à l’ennui, à la solitude, à l’immobilité, avec tout ce que cela implique comme maladies. Pas une seule fois en vingt-huit mois nos parents ont eu accès à la lumière du jour. Pas une seule visite de leurs enfants ou de leurs proches.

Depuis le 17 octobre 2023, ils ont été privés de leurs téléphones. Appelée à quitter le lieu de leur détention le 16 août 2024, notre mère a choisi de rester, ne voulant pas laisser notre père tout seul. Et depuis un peu plus d’un an, on nous a autorisé une conversation téléphonique avec nos parents toutes les deux semaines. C’est notre seul lien qui nous permet de tenir.

Le 28 juillet 2023, dans leur toute première déclaration, les officiers qui ont trahi la confiance de notre père ont tenté de justifier leur geste en invoquant une prétendue dégradation de la situation sécuritaire. Mais les cinq « attaques terroristes meurtrières et traumatisantes » qu’ils ont invoquées ont toutes précédé l’entrée en fonction de notre père, le 2 avril 2021. La première remonte à juin 2016 et la dernière à février 2021. Comment peut-on lui imputer des faits qui se sont produits avant sa présidence ?

Justification non recevable

Cette justification est d’autant moins recevable qu’elle émane de militaires qui avaient protégé son prédécesseur contre toutes les tentatives de coup d’État survenues au moment où tous les événements invoqués avaient cours. Le bilan sécuritaire de notre père, dont nous sommes très fiers, était reconnu et salué par les responsables de l’armée eux-mêmes. En deux ans et quatre mois sous sa présidence, 59 soldats avaient perdu la vie dans des attaques jihadistes. En deux ans et quatre mois depuis le coup d’État, ce sont plus de 1 550 militaires qui ont perdu la vie du fait du terrorisme.

Mais la chose qui nous révolte le plus est de constater que le précédent président de la République, Issoufou Mahamadou, qui était en fonction au moment des événements qui ont servi de prétexte pour renverser notre père, n’a rien perdu de sa liberté et qu’il continue de jouir de la protection de 80 éléments de la Garde présidentielle. En dénonçant cette injustice, nous ne suggérons pas que M. Issoufou Mahamadou soit traité comme notre père. Nous demandons simplement que notre père aussi soit libre. Comme tous les autres Nigériens, nous revendiquons le droit de vivre en famille parmi nos compatriotes.

Cela fait 865 jours que nous endurons une épreuve insupportable qui nous met à bout de force et d’espoir, avec de douloureux moments d’inquiétude intense au cours desquels il nous arrive de nous demander si un jour nous reverrons nos parents. À chaque réveil, la première chose que nous ressentons, c’est cette lourdeur sur notre cœur qui nous rappelle notre malheur de ne pas pouvoir les voir.

C’est pourquoi nous lançons un appel à tous les Nigériens en leur disant que le traitement dégradant réservé à nos parents est une blessure faite à notre nation. Et une nation ne peut rester indifférente à de telles blessures. Aussi, nous lançons un appel à la mobilisation de toute la communauté nationale et internationale pour qu’elle mette fin à notre calvaire et à celui de nos parents.

Lucas, Zazia, Hinda, Haoua et Salem Bazoum

Source : Jeune Afrique

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