Le 11 décembre 2025, la salle de réunion d’ONU Femmes Niger a vibré au rythme d’une urgence majeure, celle d’outiller les journalistes pour comprendre et combattre les violences numériques faites aux femmes et aux jeunes filles. À l’initiative du REMAPSEN, une vingtaine de professionnels issus de la presse écrite, de l’audiovisuel et des médias en ligne ont pris part à un atelier de renforcement de capacités qui s’inscrit dans le cadre de la campagne mondiale des 16 jours d’activisme contre les Violences Basées sur le Genre (VBG). Une formation qui intervient dans un contexte où les violences en ligne explosent, et où la presse est appelée à jouer un rôle déterminant pour freiner l’hémorragie numérique qui frappe les Nigériennes.
Les travaux ont débuté par les mots de la présidente du REMAPSEN, Mme Fatima, qui a rappelé la pertinence de cette initiative rendue possible grâce à l’appui technique et financier d’ONU Femmes. Elle a souligné la responsabilité journalistique dans la lutte contre les VBG, invitant les participants à s’approprier pleinement les thématiques proposées.
Le représentant d’ONU Femmes a, à son tour, mis en lumière les défis contemporains liés au numérique. Alors que les violences en ligne se multiplient et se transforment, il a exhorté les journalistes à devenir des acteurs conscients et engagés capables de décrypter les enjeux, protéger les victimes et agir comme remparts contre les dérives numériques. Une photo de famille est venue immortaliser cette première étape chargée de symboles.
La série de communications a démarré avec l’analyse d’Alzouma Ibrahim Touré sur l’état des lieux des VBG dans le numérique au Niger. Il a dressé un constat alarmant à travers une présentation power point. Selon le conférencier, l’essor numérique du pays ouvre un espace de liberté… mais aussi de vulnérabilité.
À en croire au conférencier, les jeunes filles, étudiantes, femmes leaders et utilisatrices actives des réseaux sociaux sont les premières cibles du harcèlement en ligne, de l’extorsion, de l’usurpation d’identité et de la diffusion non consentie d’images. À cela s’ajoutent des défis structurels majeurs qui sont : la faible alphabétisation numérique, la méconnaissance des lois, l’absence de données nationales fiables, les tabous sociaux persistants et les capacités institutionnelles limitées. Il recommande à cet effet des actions fortes qui constitueront à renforcer l’arsenal légal, instaurer des mécanismes de protection, développer l’éducation numérique et mobiliser les communautés.
La seconde communication, assurée par Abdoul Karim Sy, a porté sur la citoyenneté numérique et la lutte contre le cyber harcèlement. Il a rappelé que ces actes ne relèvent pas seulement de l’incivilité, ce sont des délits graves, lourdement sanctionnés au Niger.
Selon l’ordonnance 2024-28 modifiant la loi sur la cybercriminalité, cyber harcèlement et diffusion non consensuelle d’images exposent les auteurs à des peines pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison et plusieurs millions de FCFA d’amende.
Face à cette réalité, le rôle des journalistes devient capital. Ils doivent protéger leurs propres données personnelles ; respecter le consentement dans le traitement des images ; éviter de relayer des contenus illicites ou dégradants ; et enfin couvrir les cas de cyber violences avec rigueur, empathie et responsabilité. Pour le conférencier, un cadre juridique clair est indispensable pour concilier protection des victimes, liberté d’expression et devoir d’informer.
La troisième intervention, menée par Assane Soumana, président de l’ONIMED, a plongé les participants dans le cadre juridique qui régit l’exercice du journalisme au Niger. Il a rappelé les textes fondamentaux qui, structurent la profession. Il s’agit de la Charte de la Refondation, l’Ordonnance 2025-29 créant l’Observatoire National de la Communication (ONC), l’Ordonnance 2010-035 dépénalisant les délits de presse, l’Ordonnance 2011-22 sur l’accès à l’information publique, et la Loi 2019-33 sur la cybercriminalité, très critiquée par les professionnels des médias pour ses entraves potentielles à la liberté de presse. Ces textes sont complétés par la Charte des journalistes professionnels et par les normes déontologiques supervisées par l’ONIMED devait-il souligner .
Concernant le rôle des journaliste dans la lutte contre les VBG, le conférencier s’est penché sur leur rôle essentiel celui d’informer, de sensibiliser, de dénoncer et enfin de déconstruire les stéréotypes et vulgariser les lois. Ce rôle devait indiquer, est partie intégrante du mandat journalistique. La presse doit devenir une force sociale capable d’éclairer, de protéger et de prévenir devait-il ajouter pour conclure
À noter que chaque présentation a donné lieu à des échanges nourris et fructueux , faits de questions, de contributions et de réflexions permettant aux participants d’affiner leur compréhension des enjeux. Sous la modération du membre du REMAPSEN Sahirou Youssouf, les débats ont permis de consolider les acquis et de dégager des pistes d’action concrètes, qui sont formulées sous forme de recommandations à l’endroit de tous les acteurs notamment les journalistes, les partenaires et l’État.
La journée s’est achevée dans un climat de satisfaction générale. Un atelier enrichissant, dense et salutaire, qui renforce la conviction que la presse nigérienne lorsqu’elle est outillée, informée et indépendante, elle constitue un acteur essentiel dans la lutte contre les violences numériques et toutes les formes de VBG. Parce que protéger les femmes, c’est aussi protéger l’avenir.
Mahamadou Tahirou





