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Niamey
4 décembre, 2025
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Au siège de Alternative Espace Citoyens : Une journée de soutien à Moussa Tchangari !

Mercredi 3 décembre 2025. Ils étaient nombreux à répondre à l’invitation de l’Association Alternative Espace Citoyens (AEC) pour une journée de soutien à Moussa Tchangari, secrétaire général de ladite structure, pour se souvenir de lui et de son combat pour la démocratie, la justice, les droits humains, un an, jour pour jour, après son arrestation. En effet, c’est le 3 décembre 2024, de retour d’un déplacement à l’extérieur, pour le compte de son organisation, que Tchangari a été arrêté, dans la nuit, à son domicile, en présence de sa famille. Il est actuellement détenu à la prison civile de Filingué, à 180 km de Niamey.

L’événement s’est ouvert sur une fathia dite par un participant, installant un climat de recueillement qui ne quittera jamais vraiment l’assemblée. À peine les bénédictions prononcées, un sketch a été joué, retraçant une interpellation, un jugement expéditif et la détention d’un activiste. Une mise en scène simple mais exutoire, qui a immédiatement rappelé aux participants les réalités que vivent nombre d’acteurs civils dans un contexte non démocratique. Les applaudissements nourris ont témoigné d’un public touché, conscient que l’art venait de traduire, en quelques minutes, une situation d’une complexité juridique et politique redoutable.

La modération a été assurée par l’activiste Kaka Touda, qui a tenu d’entrée de jeu à rappeler la raison d’être de ce rassemblement : célébrer, malgré la détention, l’intégrité d’un homme dont l’absence physique n’a jamais effacé la présence morale.

Le moment le plus poignant est venu de Marie et Falmata, les deux filles du militant. Très jeunes, mais déjà aguerries à la dureté de l’engagement paternel, elles ont pris la parole devant un public suspendu à leurs mots. Elles ont rappelé les cinq chefs d’accusation retenus contre leur père : apologie du terrorisme, complot contre l’autorité de l’État, association de malfaiteurs, intelligence avec une puissance étrangère ennemie, entre autres et souligné combien ces accusations sont perçues comme un contresens au regard de son parcours entièrement consacré à la défense des droits humains. Leur récit, à la fois digne et chargé d’une tristesse maîtrisée, a bouleversé la salle. Certains participants ont essuyé discrètement leurs larmes ; d’autres n’ont pas pu retenir des sanglots. C’était un moment d’une sincérité rare, où l’intime a rejoint le politique.

Vint ensuite l’intervention de Hamadou Boulama Tcherno, Directeur des programmes d’AEC et compagnon de route de Tchangari. D’une voix grave, il a rappelé que « cela fait douze mois que notre camarade est privé de liberté. Durant ces longs mois, nous avons gardé le silence. En Afrique, le silence est aussi une parole forte ». Il a évoqué la patience, la retenue et la dignité qui ont guidé l’organisation depuis l’arrestation, avant de conclure que la situation vécue par Tchangari révèle « combien le travail des défenseurs des droits humains est parfois ingrat et dangereux ».

Quant à Kiari Moustapha, membre du Conseil d’administration de AEC, il a indiqué que « le Niger a besoin de ses hommes de valeur et Moussa Tchangari est indéniablement de ceux-là », avant de citer Gandhi : « la vérité est un chemin solitaire, mais c’est le seul qui mène à la paix intérieure ». Selon lui, la force de Tchangari réside dans « sa liberté intérieure, qu’aucune cellule ne peut enfermer ».

Les témoignages plus détaillés de ses proches collaborateurs ont ensuite dressé un portrait complet du militant. Abdourahamane Ousmane, camarade de campus et de lutte associative, a rappelé que le parcours de Tchangari s’articule autour de cinq engagements majeurs à savoir : le mouvement syndical estudiantin, la société civile, les médias, les mouvements altermondialistes et l’engagement politique. « À chaque étape, Tchang a assumé ses responsabilités avec une dignité sans faille », a-t-il affirmé.

Moustapha Abba Gana Lemine, qui le considère comme un frère cadet, a apporté une touche de mémoire personnelle. À travers des anecdotes de leur enfance et de leur vie adulte, il a montré un homme constant dans sa rigueur, son courage et sa fidélité à ses valeurs.

Invités pour évoquer la situation de la liberté de la presse en cette fin d’année 2025, les journalistes Boubacar Diallo et Souleymane Elhadji Mahamadou ont finalement consacré l’essentiel de leurs interventions à celui qu’ils ont interviewé et observé pendant des années. Ils ont rappelé son rôle dans la critique médiatique à travers le journal Alternative qu’il à co-fondé avec plusieurs camarades de lutte et dirigé ainsi que dans son leadership du secteur associatif des organisations socio-professionnelles des médias par son implication au rayonnement de l’Association Nigérienne des Editeurs de la Presse Indépendante (ANEPI). Plusieurs extraits de ses interviews ont été lus, donnant à entendre une voix ferme, qui « n’accepte pas la censure » et assume chaque mot comme un engagement, devait souligner Souleymane Elhadji Mahamadou.

La dernière série d’interventions a été menée par Maître Mahaman Rabiou Oumarou, membre du collectif d’avocats de Tchangari, et par le juriste et défenseur des droits humains, Diori Ibrahim. Sans violer le secret de l’instruction, l’avocat a affirmé qu’il était « à l’aise en défendant Tchangari », un homme « mentalement fort, droit dans ses bottes » et convaincu que la vérité finira par émerger puisqu’il « ne se reproche rien ».

Diori Ibrahim a apporté une analyse juridique plus large. Il a rappelé que la loi spéciale protégeant les défenseurs des droits humains, inspirée de la résolution de 1998 de l’ONU, aurait dû être invoquée dans ce dossier. « Elle est pourtant écartée au profit d’autres dispositions pénales afin de maintenir Tchangari en détention, ce qui place la procédure en conflit avec le droit », a-t-il dénoncé, tout en évoquant les échos et préoccupations internationales que suscite cette affaire.

L’activité s’est dispersée en groupes spontanés de discussion, comme si l’événement continuait naturellement au-delà du protocole. Dans la cour d’AEC, les débats se sont prolongés autour du rôle de la société civile, de l’avenir du Niger et de la figure centrale de Moussa Tchangari, dont la détention d’un an demeure un marqueur puissant des tensions actuelles entre défenseurs des libertés publiques et pouvoir.

En quelques heures seulement, AEC aura réussi à transformer une journée de soutien en un espace de réflexion, de mémoire et de mobilisation. Et même en l’absence de mots prononcés par Moussa Tchangari lui-même, sa voix a résonné dans chaque intervention, chaque souvenir partagé, chaque émotion exprimée. Comme l’a confié un participant à la sortie : « On ne peut pas enfermer une liberté qui se transmet de bouche à oreille et de cœur en cœur. »

Trois heures d’hommages, de récits, d’analyses et d’émotion, pour rappeler la figure et le combat d’un militant des droits humains. En dépit de son timing limité, l’activité aura concentré la densité d’une histoire collective qui dépasse de loin la seule trajectoire individuelle du militant incarcéré.

Mahamadou Tahirou

Mahamadou Tahirou

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