Une crise éducative silencieuse mais ravageuse. C’est la situation de l’enseignement secondaire général et technique dans notre pays. Les chiffres sont implacables : en l’espace de deux ans seulement, le pays a perdu près de 20 000 candidats au baccalauréat, un recul aussi brutal que symptomatique d’un système en pleine dérive. En 2023, sous le régime civil, plus de 92 900 candidats étaient inscrits à cet examen qui ouvre les portes de l’enseignement supérieur. En 2025, ils ne sont plus que 73 956. Cette chute de près de 21% en un laps de temps ne peut être regardée avec indifférence. Il s’agit là d’un signal d’alarme rouge vif, une alerte sur le naufrage progressif de l’école nigérienne.
Cette dégringolade n’est pas le fruit du hasard. Elle est le résultat d’une conjonction de facteurs structurels, politiques et sociaux. En effet, depuis le coup d’État du 26 juillet 2023, le pays est plongé dans une instabilité institutionnelle. Les priorités du régime ont changé : la sécurité a supplanté l’éducation, les discours de souveraineté ont étouffé les réalités pédagogiques, et les ressources budgétaires ont été réorientées. Le secteur éducatif est devenu la dernière roue du carrosse, relégué à une politique de survie, sans vision, sans stratégie, sans souffle.
Mais ce n’est pas tout. L’insécurité persistante empêche des milliers d’enfants d’accéder à une scolarisation régulière. Les établissements sont fermés, les enseignants mutés ou terrorisés, les élèves déplacés. À cela s’ajoutent la paupérisation croissante des familles, l’insuffisance de structures d’accueil, la surcharge des classes, la fuite des cerveaux enseignants, et une gouvernance éducative mal en point.
Pendant ce temps, les syndicats enseignants, les associations de parents d’élèves, les ONG du secteur éducatif semblent figés. Englués dans des luttes de positionnement, ou parfois intimidés par un contexte politique autoritaire, beaucoup restent silencieux, absents, voire complices de cette agonie. Pourtant, l’éducation n’est pas un luxe, c’est un droit fondamental et un levier incontournable pour sortir le pays de la pauvreté et du sous-développement.
À ce rythme, le baccalauréat risque de devenir un mirage. Si rien n’est fait, dans quelques années, le Niger n’aura plus de jeunesse éduquée, plus de médecins, plus d’ingénieurs, plus d’enseignants, plus de journalistes, plus de penseurs, plus de citoyens conscients, etc. Ce sera la mort lente d’une nation, trahie par son incapacité à investir dans l’avenir.
Faut-il attendre que la courbe s’effondre encore davantage pour réagir ? Les acteurs de la société civile doivent se lever. Le monde éducatif doit sonner la révolte. Ce n’est pas seulement une question d’examens, c’est la survie même du Niger en tant que nation souveraine, instruite et digne qui est en jeu.
Le Niger mérite mieux. Sa jeunesse mérite une éducation digne, stable, ambitieuse. L’heure n’est plus aux slogans patriotiques creux mais à des actes concrets pour sauver l’école nigérienne. Faute de quoi, c’est l’avenir du pays tout entier qui s’effondrera dans le silence des salles de classe qui se vident. Il est encore temps. Mais le temps presse.
Mahamadou Tahirou