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5 août, 2025
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Niger : Souveraineté de façade !

Dans un contexte où la souveraineté est constamment brandie comme une arme politique et rhétorique, une question cruciale s’impose : de quelle souveraineté parle-t-on réellement au Niger ? Depuis deux ans, les discours officiels martèlent la reconquête d’une autonomie nationale pleine et entière. Pourtant, dans les faits, cette souveraineté tant vantée ressemble davantage à un mirage qu’à une réalité.

Le principe de souveraineté, dans sa définition, désigne la capacité d’un État à décider librement de son avenir sans influence étrangère. C’est le socle de toute nation indépendante. Mais au Niger, cette notion semble vidée de son sens à mesure que les décisions prises s’alignent de plus en plus sur une logique de dépendance assumée, camouflée derrière un vernis nationaliste.

Comment comprendre qu’un pays qui fustige publiquement ses partenaires historiques notamment l’Union européenne, le FMI, la Banque mondiale et leur ouvre en coulisse les portes de la coopération ? Ces institutions, elles-mêmes, ne s’en cachent pas : si elles sont de retour à Niamey, c’est bien parce que les autorités de transition les y ont conviées. Elles viennent avec leurs boussoles : démocratie, Etat de droit, respect des libertés et des droits humains. Or, ce sont précisément ces principes que les autorités nigériennes prétendent vouloir redéfinir à leur manière, sous prétexte de souveraineté.

Cette contradiction n’est pas insignifiante. Elle expose un profond fossé entre la souveraineté proclamée et la réalité du terrain. Car pendant que l’on se gargarise de discours d’émancipation, la monnaie que nous utilisons est gérée hors des frontières, l’électricité est importée à coût de milliards, les ressources naturelles comme l’uranium, l’or, le pétrole sont soit hypothéquées, soit soumises au contrôle vigilant d’acteurs internationaux. Peut-on, dans ces conditions, parler de souveraineté économique ?

À cela s’ajoute une dépendance commerciale étouffante. Le Niger importe massivement tout ce qu’il consomme : produits alimentaires, biens de consommation, matériels de production. La fermeture de certaines frontières, présentée comme un acte de souveraineté politique, a eu pour seul effet d’accroître l’inflation, d’épuiser le pouvoir d’achat des citoyens et d’aggraver la précarité. C’est le peuple, au nom duquel cette souveraineté est revendiquée, qui paie le plus lourd tribut à cette illusion stratégique.

Cette situation met en lumière une vérité crue : la souveraineté ne se résume pas à des postures politiques. Elle se construit par des choix courageux, une vision claire, une gouvernance responsable. Elle exige un appareil productif autonome, une économie diversifiée, une gestion transparente des ressources, une politique sociale inclusive et des institutions crédibles. Or, force est de constater qu’aucune vision structurée n’est à ce jour proposée. La souveraineté reste cantonnée à un slogan, sans plan, sans calendrier, sans indicateurs concrets.

Il ne suffit pas de clamer l’indépendance ou de se détourner d’un partenaire pour en devenir véritablement maître. La souveraineté véritable ne se proclame pas dans des discours, elle se prouve par les faits, par l’action, par l’impact positif et mesurable sur la vie des citoyens. Elle ne consiste pas à rejeter les autres mais à s’imposer dans la coopération avec dignité, compétence et autonomie.

Coincé entre un discours de rupture et une pratique de supplique, le pays se retrouve piégé dans une souveraineté de façade. Pendant que les responsables politiques vantent une liberté retrouvée, les réalités économiques, diplomatiques et sociales dévoilent au contraire un État en quête de repères, dépendant, isolé, mais contraint de revenir vers ceux qu’il accusait hier d’ingérence.

Il est temps d’en finir avec les faux-semblants. La souveraineté doit cesser d’être un mythe. Elle doit être un chantier collectif, une ambition nationale fondée sur le travail, la compétence, la solidarité et le respect des droits fondamentaux. Car la véritable souveraineté, la seule qui vaille, est celle qui rend les peuples maîtres de leur destin, et non otages de discours creux ou de calculs à court terme.

Le Niger mérite mieux qu’une souveraineté en trompe-l’œil. Il mérite un projet de société digne de son histoire, de ses ressources et de l’intelligence de son peuple.

Mahamadou Tahirou

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