Transparency International Niger (TI-Niger) exprime sa profonde inquiétude suite à l’adoption des arrêtés n°00584/MISP/AT/SG du 07 aout 2025, portant dissolution du Syndicat National des Agents de la Justice (SNAJ), l’arrêté n°000586/MISP/AT/SG du 07 aout 2025, portant dissolution du Syndicat Autonome des Magistrats du Niger (SAMAN), l’arrêté n°00585 /MISP/AT/SG du 07 aout 2025 portant dissolution du Syndicat Indépendant des Magistrats du Niger, arrêté n°00588/MISP/AT/SG du 07 aout 2025 portant dissolution du Syndicat des Cadres et Agents du Ministère de la Justice et l’arrêté n°00587/MISP/AT/SG du 07 aout 2025 portant dissolution de l’Union des Magistrats du Niger. Ces décisions, prise par le Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité Publique et de l’Administration du Territoire, constituent une violation grave des principes d’État de droit, d’indépendance judiciaire et des libertés syndicales.
Un acte liberticide aux implications alarmantes
La dissolution de ces syndicats, fondée sur l’ordonnance n°84-06 de 1984, est une manœuvre politique inacceptable visant à museler la voix des magistrats nigériens et progressivement toutes les autres voix qui rejettent la pensée unique et qui aspirent à la liberté. De plus cette ordonnance ne régit pas l’exercice syndical au Niger.
TI-Niger rappelle que le SAMAN et les autres syndicats du secteur de la justice jouaient un rôle crucial dans la défense de l’indépendance du système judiciaire et la lutte contre la corruption au sein des institutions. Leur dissolution affaiblit délibérément les contre-pouvoirs nécessaires à toute démocratie et l’état de droit.
Violations des engagements nationaux et internationaux
– Le Niger a adhéré à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) qui dispose à son article 23 alinéa 4 : « Toute personne a droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. »
De plus, il a adhéré au Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques qui dispose en son article 22 : « Toute personne a le droit de s’associer librement avec d’autres, y compris le droit de constituer des syndicats et d’y adhérer pour la protection de ses intérêts. »
– Le Niger a aussi adhéré au Pacte International relatif aux droits Economiques Sociaux et Culturels. Il dispose en son article 8 alinéa 3 : « Aucune disposition du présent article ne permet aux Etats Parties à la Convention de 1948 de l’organisation internationale de Travail concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical de prendre des mesures législatives portant atteinte ou d’appliquer la loi de façon à porter atteinte aux garanties prévues par ladite convention. »
– Le Niger a ratifié la Convention 87 de l’Organisation International du Travail qui dispose en son article 4 : « les organisations des travailleurs et d’employeurs ne sont pas sujettes à la dissolution ou à suspension par voie administrative ». Le Niger a également ratifié la Convention 98 de l’OIT qui stipule en son article 2 : « les organisations des travailleurs et des employeurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes d’ingérence des unes à l’endroit des autres, soit directement, soit par leurs agents ou membres, dans leurs formation, leur fonctionnement et leur administration. »
-L’indépendance du pouvoir judiciaire est garantie par tous ces instruments juridiques internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme auxquels le Niger est souverainement partie et qui par conséquent l’engagent. Donc en dissolvant ces syndicats légalement constitués, les autorités méprisent ces engagements et fragilisent la confiance des citoyens envers l’État.
-Cette décision ouvre la voie à l’ingérence politique accrue dans le fonctionnement de la justice. Ce qui compromet l’impartialité et l’indépendance de la justice.
Contexte politique : un signal inquiétant
Ces décisions s’inscrivent dans une série d’actes répressifs sous le régime du CNSP :
1. Restrictions croissantes des libertés civiles depuis le coup d’État de juillet 2023.
2. Mise au pas des organisations syndicales, de la société civile et des médias.
3. Instrumentalisation des textes juridiques pour légitimer des atteintes aux droits de l’homme et libertés fondamentales.
TI-Niger alerte sur le risque très élevé d’une dérive autoritaire, où la lutte contre la corruption devient impossible du fait de l’anéantissement de l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Appels de TI-Niger
Face à cette situation, Transparency International Niger demande :
1. L’abrogation immédiate de ces arrêtés de dissolution illégale des syndicats SAMAN, SIMAN, SYNCAT, l’UMAN et SNAJ.
2. Le respect des libertés syndicales et la protection des magistrats contre toute pression politique telles que définies par les instruments juridiques internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme auxquels le Niger est partie.
3. La mobilisation de la communauté internationale pour rappeler au Niger ses obligations en matière de droits humains et des libertés fondamentales.
Enfin, TI-Niger appelle la communauté internationale, les partenaires techniques et financiers, les organisations de défense des droits de l’homme, les journalistes indépendants et les citoyens attachés aux valeurs républicaines à se mobiliser contre ce démentellement de l’Etat de droit et de la démocratie au Niger. La lutte contre la corruption ne peut prospérer sans une justice indépendante et sans voix libres (article 11 de la Convention des Nations Unies contre la Corruption).
Fait à Niamey, le 11 Août 2025
Pour le CEN, le Président
Maman WADA