La hache de guerre est déterrée. Six jours après l’arrêté controversé du ministre de l’Intérieur dissolvant le Syndicat Autonome des Magistrats du Niger (SAMAN), et cinq jours après la tentative du ministre de la Justice de « justifier l’injustifiable » selon le SAMAN, les magistrats sortent l’artillerie lourde. Dans un communiqué au ton sans concession rendu publique le 13 aout 2025, le SAMAN accuse le pouvoir d’avoir franchi la ligne rouge, celle qui sépare l’autorité de l’arbitraire.
Pour les magistrats, la dissolution est non seulement illégale, mais surtout sciemment dirigée contre eux pour briser toute résistance au sein du corps judiciaire. Le syndicat fustige « une attaque frontale contre la liberté syndicale » et « un coup sévère à la séparation des pouvoirs», citant à l’appui les conventions 87 et 98 de l’OIT, la Charte de la refondation et le Code du travail.
Mais le communiqué va bien au-delà du juridique. C’est une véritable mise à nu du Garde des Sceaux, en rappelant son exclusion du SAMAN en 2003, et ses « échecs retentissants » à la tête du ministère, et en s’appesantissant sur ses rancunes personnelles nourries depuis deux décennies ajoute le communiqué … Le communiqué dépeint aussi un ministre plus obsédé par ses règlements de comptes que par la réforme de la justice, accusé de gouverner par la menace et la pénurie, laissant les magistrats crouler sous le travail sans moyens.
Le timing interroge. Quelques jours avant cette décision, des négociations étaient entamées avec l’État, avec un engagement de rencontres trimestrielles. Pour le SAMAN, cette dissolution brutale est la preuve d’une duplicité politique assumée et d’un agenda caché, à en croire le Saman.
Mais ce que le gouvernement pensait être un coup de force pourrait se transformer en boomerang politique. Le Barreau, les centrales syndicales, les OSC et des leaders d’opinion se rangent désormais aux côtés du SAMAN. Cette convergence inédite fragilise l’exécutif, qui risque une mise en minorité politique et sociale sur ce dossier brûlant.
Les magistrats préviennent que la justice « ne sera pas l’otage d’un pouvoir » et la dissolution « scélérate » sera combattue sur tous les fronts juridique, médiatique et syndical. La question n’est plus de savoir si le bras de fer aura lieu, mais qui pliera le premier car déjà engagé .
Dans un Niger déjà traversé par les tensions et où chaque erreur politique se paie au prix fort, l’exécutif joue gros. Céder, ce serait reconnaître un abus ; persister, ce serait assumer une fuite en avant autoritaire. Et pendant que les fronts se figent, l’opinion publique assiste, spectatrice et juge, à un affrontement qui pourrait redessiner les rapports de force entre l’État et ses contre-pouvoirs.
Mahamadou Tahirou