Niamey a accueilli, ce mercredi 24 septembre 2025, une visite aussi discrète que symbolique : celle du général de division Claude K. Tudor, commandant du Commandement des opérations spéciales américaines pour l’Afrique (SOCAF). Dans un communiqué laconique, l’ambassade des États-Unis à Niamey a affirmé que Washington « se réjouit de travailler avec le Niger pour continuer à promouvoir les intérêts communs en matière de sécurité et de commerce au Sahel ». Derrière ces mots convenus, une question brûle : que cache réellement cette visite de haut niveau ?
Il y a à peine quelques mois, la coopération militaire entre le Niger et les États-Unis s’était effondrée dans un climat de défiance. Le 16 mars 2024, Niamey avait dénoncé unilatéralement les accords de défense, accusant Washington d’« activités subversives » et d’« ingérence dans les affaires internes ». Cette rupture avait précipité le départ de près de 1 000 soldats américains stationnés notamment sur la base aérienne d’Agadez, une infrastructure stratégique construite à coups de centaines de millions de dollars et présentée naguère comme le pivot de la lutte antiterroriste au Sahel.
Cette fracture avait marqué la fin d’une décennie d’alliance militaire inégale, émaillée de tensions. Déjà, l’embuscade meurtrière de Tongo Tongo en 2017, qui avait coûté la vie à quatre soldats américains et cinq Nigériens, avait révélé au grand jour les zones d’ombre d’une coopération menée dans l’opacité. La suite, ce fut une méfiance grandissante, jusqu’à l’expulsion sèche des forces américaines, dans un contexte où Niamey cherchait de nouveaux partenaires stratégiques, notamment en diversifiant vers Moscou et Téhéran.
La venue du général Tudor relance donc les spéculations. Est-ce une tentative de réchauffer les liens militaires sous une autre configuration, après le divorce brutal ? S’agit-il d’une simple visite protocolaire, ou d’une mission exploratoire visant à redéfinir les bases d’un partenariat plus discret mais toujours stratégique ?
Le communiqué parle de « sécurité » et de « commerce », une manière de rappeler que les États-Unis ne veulent pas se contenter d’observer de loin les recompositions géopolitiques du Sahel. Pour Washington, le Niger reste une pièce maîtresse dans la lutte contre les groupes armés et un carrefour énergétique stratégique. Pour Niamey, en revanche, l’enjeu est de ne pas répéter les erreurs du passé, où la coopération militaire ressemblait plus à une tutelle qu’à un partenariat équilibré.
Cette visite pourrait marquer les prémices d’un nouveau chapitre, mais elle laisse surtout planer des zones d’ombre. Le Niger, désormais engagé dans une recomposition de ses alliances, acceptera-t-il de renouer avec Washington ? Et si oui, à quelles conditions ?
Les prochains jours diront s’il s’agit d’un simple geste diplomatique, ou des premiers jalons d’un retour progressif de la coopération militaire américaine au Niger, sous une « nouvelle formule ».
Mahamadou Tahirou,
Source : Ambassade des États-Unis au Niger, communiqué du 24 septembre 2025