Téra s’est réveillée, le jeudi 13 novembre 2025, jour de sa foire hebdomadaire, dans une atmosphère inhabituelle : c’était une atmosphère des grands jours avec le lancement officiel des travaux de réhabilitation de la Route Nationale n°4 (RN4). Les rues, habituellement calmes, vibraient d’une effervescence particulière. Très tôt, les foules ont pris la direction du site de la cérémonie officielle, en face de la Préfecture du département. Sous un ciel clair, les autorités locales, les chefs coutumiers, les leaders religieux, les organisations de la société civile et une population nombreuse convergent vers ce rendez-vous que tous attendaient depuis longtemps.
La cérémonie a été présidée par le ministre de l’Équipement et des Infrastructures, le Colonel-Major Salissou Mahaman Salissou, accompagné du ministre délégué chargé du Budget, M. Mamane Sidi, du gouverneur de la région de Tillabéri, le Lieutenant-Colonel Maina Boukar, des préfets des départements de Téra et de Gothèye, des administrateurs délégués des communes, des responsables des entreprises attributaires du marché et des cabinets de contrôle, des responsables des services techniques et leaders communautaires. L’hymne national, suivi de celui de l’AES, donne au moment une solennité appuyée, avant qu’une fatiha n’invoque la bénédiction divine sur les chantiers qui s’ouvrent.
Les premières allocutions, prononcées par les autorités locales, dressent un constat partagé : la RN4 est bien plus qu’une simple voie bitumée. Elle est une artère stratégique, indispensable à la vie économique et à la cohésion sociale dans cette région charnière de la zone des trois frontières, où vivent plus de 551 000 habitants répartis dans cinq communes. L’administrateur délégué et le préfet de Téra, ainsi que le gouverneur de la région de Tillabéri décrivent les difficultés d’une route fortement dégradée, devenue un frein à la mobilité, au commerce et même à la sécurité.
Dans son discours de lancement des travaux, le ministre de l’Equipement et des Infrastructures a rappelé d’abord le contexte qui confère à la RN4 une importance nationale. En effet, devait-il souligner, avec les sanctions survenues après les événements du 26 juillet 2023, le corridor Lomé–Ouagadougou–Niamey est devenu le principal poumon d’approvisionnement du pays, avec un trafic massif de 2 000 à 3 000 camions toutes les trois semaines. Cette pression logistique exceptionnelle a accéléré l’usure du tronçon Téra–Dargol–Farié, rendant urgente sa réhabilitation. Le ministre annonce également que la section Niamey–Farié, longue de 58 km, sera, elle aussi réhabilitée sur instruction des plus hautes autorités. Le ministre n’a pas manqué d’appeler enfin les populations à soutenir les entreprises chargées des travaux, à accompagner les Forces de Défense et de Sécurité et à multiplier les prières pour la paix et la réussite des chantiers.
Le moment fort survient lorsque le ministre actionne un imposant engin de chantier. Le grondement du moteur arrache applaudissements et cris de satisfaction. Pour beaucoup, ce geste symbolique marque le début d’un nouveau cycle pour toute la région.
Pour prendre la mesure de ce tournant, nous sommes allés à la rencontre des premiers concernés, que sont les usagers. Hassan, chauffeur de camion poids lourd, raconte les péripéties d’une route devenue un parcours du combattant. « Chaque voyage est un risque », dit-il, expliquant que les camions s’embourbent, se renversent parfois et que certaines sections deviennent impraticables après les pluies. De son côté, Abdou, conducteur de transport passagers, confie que les pannes à répétition grèvent leur activité : « On change les amortisseurs trois fois plus vite que la normale. La route nous ruine ». Pour eux, la réhabilitation n’est pas un luxe mais une nécessité vitale.
Au marché de Téra, en plein jour de foire, Aïssata, commerçante, exprime une joie simple : « Quand la route souffre, le commerce aussi souffre. Tout arrive cher, tout arrive en retard. Si la RN4 revient à la vie, nos affaires revivront aussi ». Adamou, jeune agriculteur de Dargol, y voit une opportunité depuis longtemps attendue : « Une bonne route, c’est une porte ouverte pour écouler nos produits. Enfin, on pourra vendre loin et mieux ».
Derrière cette mobilisation populaire, le projet repose sur une structure administrative rigoureuse. Le maître d’ouvrage est le Ministère de l’Équipement et des Infrastructures, appuyé par le Projet Corridor Économique Lomé–Ouagadougou–Niamey. Les travaux sont réalisés par le groupement MOREY/EGBTP, pour un montant total de près de 37 milliards de FCFA TTC répartis sur deux lots, financés grâce à un prêt et un don de la Banque mondiale (Crédit IDA-6965 NE et Don IDA-8900-NE). Le contrôle est assuré par un groupement de cabinets très expérimentés et rigoureux : LAMCO INGÉNIERIE /TECHNI-CONSULT/KAHBY INGENIERIE, pour une rondelette somme de 989 millions de FCFA, sur une durée de 17 mois, tandis que les travaux eux-mêmes sont programmés sur 14 mois à partir du 13 novembre 2025.
Ainsi, en un seul jour, Téra n’a pas seulement assisté à un lancement de chantier. Elle a vu se rouvrir un horizon longtemps fermé par la dégradation de la route, les défis sécuritaires et la fragilité économique. Entre espoirs populaires, engagement institutionnel et témoignages d’usagers longtemps éprouvés, ce 13 novembre marque une étape décisive.
À travers la RN4, c’est tout un souffle nouveau qui traverse la région : celui d’une route qui renaît… et d’une population qui retrouve le sourire et l’espoir.
Mahamadou Tahirou





