Transparency International Niger (TI-Niger) a pris connaissance avec une profonde inquiétude de l’Ordonnance n° 2025-27 du 14 août 2025, dite « relative à la discipline des magistrats pendant la période de la Refondation ». Cette ordonnance, publiée au Journal Officiel, confère au Président de la République le pouvoir discrétionnaire de prendre « toutes mesures qu’il juge opportunes » à l’encontre des magistrats en cas de « faute grave ou flagrante » ou de tout comportement « de nature à jeter le discrédit sur les institutions de l’État », et ce, en suspendant délibérément les garanties prévues par le statut de la magistrature.
TI-Niger exprime sa plus vive préoccupation quant aux implications graves de ce texte pour l’État de droit au Niger :
1. Atteinte flagrante et grave à l’indépendance de la justice : En plaçant la discipline des magistrats sous l’autorité exclusive du Chef de l’État, cette ordonnance anéantit le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. Elle institutionnalise la subordination de l’autorité judiciaire au pouvoir exécutif, réduisant les juges à l’état de fonctionnaires soumis à l’arbitraire politique.
2. Instrumentalisation de la justice : Les notions de « faute grave » et de « discrédit sur les institutions » sont volontairement vagues et extensibles. Elles créent un instrument de pression et de rétorsion contre tout magistrat qui oserait rendre une décision indépendante ou contradictoire avec les intérêts du pouvoir en place. Ce flou juridique ouvre la voie à des poursuites arbitraires et à l’épuration de la magistrature.
3. Violation du principe de non-rétroactivité : L’article premier dispose que cette mesure s’applique rétroactivement ; ce qui constitue une violation grave des principes fondamentaux du droit. Cette disposition, extrêmement rare et dangereuse, semble conçue pour permettre de sanctionner a posteriori des juges pour des actes commis avant même l’existence de ce texte, dans un pur but d’intimidation et de règlement de comptes.
4. Absence de garanties procédurales : L’ordonnance balaye les procédures disciplinaires existantes, qui offraient aux magistrats un minimum de garanties et de droit à la défense. Elle les remplace par une procédure extra-judiciaire où l’exécutif est le seul juge. Pire, la décision de radiation du Secrétaire Général du Syndicat Autonome des Magistrats du Niger et de son Adjoint a été fondée sur ce texte avant même qu’il ne soit publié.
Cette ordonnance ne vise pas à « discipliner » la magistrature, mais à la museler et à la caporaliser pour l’asservir. Dans le contexte actuel de transition, il est plus que jamais crucial de préserver une justice indépendante, capable de lutter contre l’impunité et la corruption, et de protéger les droits fondamentaux des citoyens. Ce texte fait exactement le contraire.
Transparency International Niger exhorte par conséquent les autorités de la transition à :
- Abroger immédiatement l’Ordonnance n° 2025-27.
- Respecter et garantir l’indépendance de la justice, pilier indispensable de tout État de droit.
- S’engager à faire respecter les procédures disciplinaires légales et équitables prévues par le statut de la magistrature.
TI-Niger appelle :
- la société civile notamment les organisations syndicales et de défense des droits de l’homme, les médias et les citoyens soucieux du respect de l’indépendance de la justice, des droits et des libertés à rester vigilants face à cette dérive autoritaire et à se mobiliser pour la défense des principes de l’Etat de droit au Niger.
- La communauté internationale, les partenaires techniques et financiers du Niger, les organismes internationaux de défense des droits de l’homme à se mobiliser afin d’aider le Niger contre le démantèlement du pouvoir judiciaire et la destruction de l’Etat de droit en cours au Niger
Fait à Niamey, le 22 Août 2025
Le Président
Maman WADA
