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30 septembre, 2025
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Contribution: L’ESS, un levier pour accélérer l’atteinte des ODD

« On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré » Albert Einstein

Dix ans jour pour jour après l’adoption de l’Agenda 2030 et à cinq ans de l’échéance fixée pour l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD), des questions s’imposent : quels résultats ont été obtenus ? quelles avancées peuvent être saluées ? et surtout, comment accélérer la mise en œuvre de cet agenda ambitieux pour l’humanité ?

Pour rappel, les ODD structurés autour des 17 objectifs constituent un cadre universel de décisions et d’engagements visant à améliorer les conditions de vie actuelles sans compromettre les ressources indispensables aux générations futures. Ils reposent sur trois piliers fondamentaux : mettre fin à l’extrême pauvreté, lutter contre les inégalités et l’injustice, et régler le problème du dérèglement climatique.

Le dernier Rapport sur le développement durable 20241 met en lumière plusieurs constats préoccupants mais aussi quelques avancées, qui permettent de dresser un bilan global de la décennie écoulée. De manière non exhaustive, voici quelques points :

  • En moyenne, seules 16 % des cibles des ODD sont en passe d’être atteintes au niveau mondial d’ici 2030. Les 84 % restantes affichent des progrès limités, voire des régressions. En réalité, aucun des 17 ODD ne sera pleinement atteint d’ici 2030.
  • Le rythme de progression varie fortement : les pays nordiques restent en tête, les BRICS réalisent des avancées notables, tandis que les pays pauvres et vulnérables sont nettement à la traîne.
  • L’écart d’investissement reste considérable : les besoins sont estimés entre 5 400 et 6400 milliards de dollars par an pour atteindre les ODD 2. Or, selon le Rapport sur l’investissement dans le monde 2023 de la CNUCED, les pays en développement font face à un déficit annuel supérieur à 4 000 milliards de dollars, rendant la réalisation de ces objectifs encore plus incertaine3.

Le cas du Niger4

En termes de performance, le Niger se classe 160ᵉ sur 167 pays, avec une moyenne de 49,9/100, en deçà de la moyenne africaine (50,1) et bien inférieure à la moyenne mondiale (69,9). Il faut noter que parmi les sept pays qui se situent derrière le Niger, à l’exception du Tchad, la majorité de ces Etats sont en guerre depuis plusieurs décennies (Afghanistan, Somalie, Soudan du Sud, etc.).

Le pays reste en effet confronté à des défis structurels majeurs dans les domaines fondamentaux du développement humain et social, notamment en matière de santé, d’éducation, de lutte contre la pauvreté, de sécurité alimentaire et des infrastructures. Pour illustrer l’ampleur de cette réalité, près de 48 % de la population vit encore sous le seuil de pauvreté extrême, avec moins de 2,15 dollars par jour.

Malgré ce constat alarmant, plusieurs atouts méritent d’être soulignés :

  • Une contribution négligeable au dérèglement climatique, avec un taux d’émissions de gaz à effet de serre parmi les plus bas au monde.
  • Un patrimoine naturel préservé, comprenant d’importantes aires protégées essentielles à la conservation de la biodiversité.
  • Une relative équité économique, marquée par des inégalités de revenus moins prononcées que dans de nombreux pays en développement.

Un système mondial en crise :

Les grands bouleversements que traverse le monde (urgence climatique, insécurité, guerres, conflits, inégalités croissantes) sont en grande partie les fruits d’un système capitaliste fondé sur la course à l’accumulation des richesses, au pouvoir et au contrôle des matières premières.

Ce modèle s’accompagne également d’une gouvernance mondiale devenue inadaptée, héritée du système mis en place à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, donc du siècle dernier. Or, ce système multilatéral, qui devait garantir paix, sécurité et coopération, se révèle aujourd’hui largement en déphasage pour répondre aux défis contemporains et accompagner la transition vers un développement durable et équitable.

Il est donc illusoire, voire dangereux, de croire que la gouvernance actuelle du monde et surtout le système capitaliste puisse résoudre les crises qu’il a lui-même engendrées. Ce modèle est désormais en profond décalage avec les urgences actuelles et les exigences de durabilité et de soutenabilité de la planète.

Comme le rappelait Albert Einstein, « on ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré ».

Il devient donc urgent d’opérer un double changement (i) sur le plan de la gouvernance mondiale, en réformant le multilatéralisme et notamment l’architecture actuelle des Nations-unies, héritée de l’après-Seconde Guerre mondiale, (ii) et sur le plan du système économique dominant, afin de construire un modèle plus juste, équitable et respectueux de l’environnement.

Accélérer l’atteinte des ODD

Pour accélérer la réalisation des Objectifs de Développement Durable (ODD) et concrétiser les 5P (Populations, Planète, Prospérité, Paix, Partenariats), il est nécessaire de changer de schéma de réflexion, d’inverser la logique capitaliste, et bâtir de nouveaux modèles économiques et de gouvernance fondés sur la solidarité, l’équité et la responsabilité collective.

Dans l’édification d’un système économique mondial durable, l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) se présente comme une alternative crédible. Elle ne doit pas être réduite à de simples structures locales (coopératives, associations, mutuelles). Elle incarne aussi un cadre de pensée politique et philosophique capable de répondre aux défis contemporains.

L’ESS promeut :

  • Des coopérations et échanges internationaux fondés sur la solidarité, qui privilégient les besoins essentiels, les circuits courts, les producteurs locaux et la protection de la biodiversité
  • Une économie du partage, plus équitable et solidaire, à l’opposé d’un système où 1 % de la population possède près de la moitié de la fortune mondiale5.
  • Des entreprises qui placent au cœur de leur mission le bien-être des employés, lajustice sociale, une forte responsabilité sociétale et environnementale, et qui agissent comme moteurs d’inclusion ;
  • Une gouvernance responsable et sobre, tournée vers l’intérêt collectif, la durabilité, l’humanité et la démocratie.

Cependant, Il nous faut piloter ce système avec intelligence et responsabilité, pour tous et avec tous, en mobilisant toute la puissance des technologies et des ressources disponibles. La solidarité n’est ni une générosité à sens unique, ni un système de dons, et elle n’exclut nullement la puissance et la richesse. Elle est avant tout un système d’entraide mutuelle, fondé sur la conscience de notre interdépendance et de notre responsabilité collective. C’est là notre force vitale pour relever les défis auxquels l’humanité est confrontée.

Opérer un changement spontané à l’échelle mondiale semble difficile : le capitalisme, en tant que système de privilèges, génère nécessairement des résistances. Cependant, nous pouvons initier cette transformation dès à présent dans nos pays en développement, en agissant à plusieurs échelles, afin de démontrer qu’il existe une alternative crédible à l’impérialisme. 

A Makera Institute et au sein de l’Association des Jeunes pour l’Environnement et l’Éducation Civique au Niger, nous sommes convaincus de cette urgence mais aussi de la force qu’incarne un modèle bâti et inspiré par l’ESS. C’est pourquoi, nous avons créé la Fabrique de l’Économie Sociale et Solidaire, une structure d’accompagnement dédiée aux porteurs de projets à impact, afin de favoriser la transformation et d’accélérer la réalisation des ODD.

Au-delà, nous disposons aujourd’hui d’experts capables d’accompagner l’État du Niger, et plus largement les pays en développement, dans la réflexion sur leur modèle de développement. Cet accompagnement peut notamment passer par l’élaboration d’une politique et d’une stratégie en matière d’économie sociale et solidaire (ESS), adaptées aux défis actuels.

ALLAHI BIZO ISMAËL

Directeur de Makera Institute et de la Fabrique ESS

1 Selon le rapport 2024 du SDSN, l’atteinte des ODD dans le monde reste un véritable défi  – Pacte mondial de l’ONU – Réseau France

2 La réalisation des ODD estimée à plus de 5.000 milliards de dollars par an entre 2023 et 2030 (CNUCED) | ONU Info

3 Rapport sur l’investissement dans le monde 2023 | ONU commerce et développement (CNUCED)

4 sustainable-development-report-2024.pdf

5 Les 1% plus riches possèdent plus de richesses que 95% de l’humanité.

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