22.2 C
Niamey
9 septembre, 2025
spot_img

Liberté de la presse au Niger : Case prison pour le journaliste Ali Soumana

Tout est allé très vite : le dimanche 7 septembre, Ali Soumana, directeur de publication de l’hebdomadaire Le Courrier est interpellé très tôt dans la matinée. Il est conduit à la Police Judiciaire de Niamey. La garde à vue n’aura pas duré longtemps. Ce lundi 8 septembre, Ali Soumana est entendu au parquet. Ce que tous redoutaient se réalise : il est placé sous mandat de dépôt à la maison d’arrêt de Say. Que lui reproche-t-on ? Qui le poursuit ? Dans la foulée, on apprend qu’il serait poursuivi pour « diffamation, complicité de diffusion par voie de presse et voie électronique… ». C’est une plainte du Premier ministre Ali Lamine Zeine qui est à l’origine des déboires judiciaires du journaliste.

Selon diverses sources, l’incrimination porte sur un article paru dans l’édition du 28 août 2025 du journal Le Courrier, intitulé : « Fraude et transaction douanière : une affaire de transaction secoue la Douane nationale ». En effet, dans cet article, il a été rapporté une affaire dite de fraude de cigarettes de plusieurs milliards de francs CFA « qui aurait été transigée par la hiérarchie en octobre 2024 ». Dans cette affaire, selon le journal, il serait constaté « des infractions qualifiées de soustraction des marchandises sous douane et fausses déclarations de valeur s’assimilant à des importations sans déclaration de marchandises prohibées ».

Que cherche le nom du Premier ministre dans une affaire qui est traitée par la douane ? Zeine, qui est par ailleurs ministre de l’Economie et des Finances, donc tutelle administrative des services des douanes, est cité par Le Courrier comme ayant apposé sa signature sur le procès-verbal de transaction dressé par la directrice des enquêtes douanières. Sans doute que Zeine a réagi, 10 jours après la publication de l’article, en raison de l’évolution qu’aurait connu cette affaire. Diverses sources non officielles annoncent des arrestations dans les rangs des douaniers. Il y en a même qui ont annoncé la mise aux arrêts de l’ex directeur général des douanes, le colonel Abou Oubandawaki, sans doute en lien avec cette affaire. Zeine voudrait démontrer qu’il n’a rien à voir dans ce dossier sulfureux qui défraie la chronique depuis quelques temps.

En tant que citoyen, le Premier ministre a le droit de porter plainte s’il se sent lésé. Est-ce pour autant une raison suffisante pour jeter un journaliste en prison en violation des dispositions pertinentes de l’ordonnance 2010-035 portant régime de la liberté de la presse au Niger ? Cette ordonnance, adoptée sous la transition militaire du général Djibo Salou, en 2010, a consacré la dépénalisation des délits de presse. Au terme de la loi, le juge n’a aucune possibilité de décerner un mandat de dépôt contre un journaliste pour délit de presse. En d’autres termes, on ne va pas en prison pour un délit de presse. La loi a fait des aménagements : en lieu et place de la prison, les journalistes payent une amende. C’est cela le principe des peines de substitution. C’est donc une mesure disproportionnée contre le journaliste qu’on peut lier très facilement à la position de pouvoir du plaignant.

Curieux qu’un régime militaire arrache une liberté fondamentale consacrée par un autre régime militaire. L’emprisonnement de Ali Soumana pour délit de presse est un test de crédibilité pour les journalistes et leurs organisations socio-professionnelles quant à leur capacité à protéger les espaces de libertés sans lesquels il n’y a pas de métier de journaliste, à faire valoir l’ordonnance qui dépénalise les délits de presse. Au nom de la liberté d’informer. Car rappelons-le, le journalisme est un métier de liberté.

La Rédaction

Related Articles

Stay Connected

0FansJ'aime
3,912SuiveursSuivre
0AbonnésS'abonner
- Advertisement -spot_img

Derniers Articles