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7 septembre, 2025
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Une délégation du FMI au Niger : Mission d’assistance ou illusion de sortie de crise ?

Les 4 et 5 septembre derniers, une délégation du Fonds Monétaire International (FMI) a séjourné à Niamey. Elle a été reçue par le Premier ministre Ali Lamine Zeine et son staff. Face à la presse, la cheffe de mission a affirmé que la présence de son institution répond à une demande des autorités nigériennes, pour « assister le pays dans sa gouvernance ». Mais quelle assistance réelle peut espérer le Niger dans un contexte économique et politique aussi fragilisé comme celui du Niger ?

En rappel, le FMI a pour mission globale de promouvoir la stabilité monétaire internationale, d’accompagner les États en difficulté économique et de faciliter la coopération financière mondiale. En Afrique, il agit fréquemment comme « pompier financier », proposant des plans de redressement qui combinent appuis techniques et conditionnalités rigoureuses. Mais derrière l’aide promise, les populations découvrent souvent un prix social élevé, comme l’austérité budgétaire, la réduction des subventions, les privatisations et hausse des impôts.

Deux ans après l’avènement du CNSP au pouvoir, le Niger traverse une crise sans précédent. L’économie, déjà vulnérable, a été frappée par les sanctions régionales, la suspension de l’aide budgétaire internationale, la fuite des investisseurs étrangers et la fermeture prolongée de la frontière stratégique, celle avec le Bénin. Tout cela a comme conséquence, la croissance à l’arrêt, l’inflation incontrôlable sur les produits de première nécessité, la chute des recettes publiques et l’asphyxie du secteur privé. La population vit dans la précarité, avec un chômage accru, une baisse du pouvoir d’achat et des services sociaux fragilisés.

Dans ce contexte, l’intervention du FMI soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Avec un tel cocktail de défis, l’institution pourra-t-elle offrir une assistance technique, améliorer la transparence budgétaire ou conseiller sur la gestion des finances publiques ? Sans oublier que son rôle réel s’accompagne généralement par de mesures impopulaires notamment la réduction des dépenses sociales, la suppression des subventions aux produits de première nécessité, la hausse des taxes. Autant de décisions qui, sous couvert de «rigueur », aggravent souvent la pauvreté. Doit-on s’attendre encore à d’autres sacrifices dans les jours et les semaines à venir ?

Sur le plan financier, les marges du FMI sont aussi limitées face à l’isolement diplomatique du Niger et à la méfiance persistante des investisseurs qui ont déserté dès 2023, tandis que les rares financements régionaux notamment ceux de l’UMOA-Titres s’arrachent à prix d’or, assortis d’un taux d’intérêt supérieur à 10 %, preuve de la frilosité des marchés.

Le ministre des Finances et son équipe, en poste depuis août 2023, n’ont pas su enrayer la spirale négative. Malgré leurs discours se voulant rassurants, aucune politique efficace n’a permis jusqu’ici de relancer véritablement la croissance ni de restaurer la confiance des partenaires. La situation reste précaire et le quotidien des Nigériens de plus en plus difficile.

Dès lors, la question centrale demeure : le FMI peut-il réellement changer la donne dans un Niger isolé, où la diplomatie est en panne et où l’investissement privé s’effondre ? Son « assistance » ne risque-t-elle pas de se traduire par un nouvel ajustement structurel, imposant sacrifices et restrictions aux citoyens, sans perspectives claires de relance économique durable ?

Le Niger doit tirer les leçons de son histoire récente. En effet, aucun plan dicté de l’extérieur ne peut sauver un pays sans volonté politique interne forte. L’heure n’est plus à la dépendance aveugle envers des institutions financières internationales, mais à l’invention de solutions endogènes : miser sur l’agriculture locale, valoriser les ressources naturelles dans l’intérêt du peuple, renforcer la gouvernance et restaurer la confiance avec les acteurs régionaux en établissant la transparence et l’ordre constitutionnel. Voilà les chantiers urgents. Faute de quoi, les promesses du FMI resteront de simples pansements sur une plaie béante.

Mahamadou Tahirou

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