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Niamey
12 octobre, 2025
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23ᵉ Journée mondiale contre la peine de mort : Le plaidoyer des Organisations de la société civile nigérienne

10 octobre 2025, c’est la date retenue pour célébrer la Journée mondiale contre la peine de mort, instaurée en 2003 par la Coalition mondiale contre la peine de mort. Chaque année, cette journée rappelle qu’au-delà de la sanction, c’est la valeur suprême de la vie humaine qui se joue. Plus de deux tiers des pays du monde ont déjà tourné la page de la peine capitale, mais d’autres dont le Niger continuent de porter ce lourd héritage juridique malgré près d’un demi-siècle sans exécution. Actuellement, 14 personnes sont sur la liste des condamnés à mort au Niger, apprend-on.

C’est dans une atmosphère d’espoir et de réflexion que la Coalition Nigérienne Contre la Peine de Mort (CONICOPEM) a organisé, à son siège national de Niamey, une journée d’information et de sensibilisation. Objectif : vulgariser les traités internationaux ratifiés par le Niger et raviver le débat national sur l’abolition. L’événement a réuni magistrats, juristes, acteurs de la société civile, défenseurs des droits humains et journalistes dans un même élan, celui de faire du droit à la vie une réalité irréversible.

Dans son discours d’ouverture, M. Garba Illou Almoctar, Coordonnateur national de CONICOPEM, a donné le ton d’un plaidoyer fort et sans équivoque. Saluant les progrès enregistrés par le Niger en matière des droits humains, il a cependant dénoncé la persistance d’un vide juridique qui empêche le pays d’intégrer pleinement la communauté des États abolitionnistes.

« Le Niger n’a exécuté personne depuis 1976, mais il n’a toujours pas aboli la peine de mort. C’est une contradiction morale et politique », a-t-il martelé, sous les applaudissements du public. Il a exhorté les autorités à ratifier le deuxième protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et adopter les nouveaux Code pénal et de procédure pénale remplaçant la peine capitale par la réclusion à vie.

Son appel à la mise en place effective de l’Observatoire National des Droits de l’Homme prévu par la Charte de la Refondation et à la reprise des activités des Organisations de la Société Civile (OSC) dans les prisons a suscité une adhésion immédiate dans la salle. Plusieurs participants ont salué la clarté de son discours et sa détermination à transformer le plaidoyer en action. M. Garba a conclu en rappelant que la peine de mort, loin de dissuader, « ne protège personne et contredit les valeurs spirituelles et humaines du Niger ».

Trois communications de haut niveau ont été animées au-cours de cette journée, chacune soulevant un intérêt particulier et provoquant de vives réactions du public.

M. Ali China Kourgueni, Substitut du Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey, a ouvert les débats avec une présentation sur la sacralité de la vie humaine. S’appuyant sur les dispositions de la Charte de la Refondation et du Code pénal, il a démontré avec rigueur que la justice ne peut être rendue par la mort. Son argumentaire, précis et humaniste, a captivé l’auditoire. À la question d’un participant sur la « légitimité morale de la peine capitale face à certains crimes », il a répondu avec pertinence en ces termes : « La justice ne doit pas être une vengeance institutionnelle. Elle doit corriger, pas supprimer. » Une réponse applaudie, qui a donné le ton du débat.

La deuxième communication, présentée par le Directeur général des droits de l’Homme au Ministère de la Justice, a porté sur les enjeux du nouveau Code pénal en attente d’adoption. Avec tact et pédagogie, il a expliqué les innovations prévues, notamment la suppression de la peine capitale et la création de nouvelles formes de réclusion. Les participants ont exprimé leur impatience de voir ce texte adopté. À leurs préoccupations, le conférencier a assuré que le gouvernement reste engagé dans la réforme, mais que « le processus législatif doit être participatif pour être durable ».

Enfin, M. Almoustapha Moussa Idé, Président du Conseil d’administration de CONICOPEM-Niger, a clôturé les échanges avec un exposé sur le rôle des OSC dans la lutte abolitionniste. Ancien commissaire aux droits humains, il a partagé des exemples concrets de plaidoyers réussis tout en invitant les OSC nigériennes à intensifier la sensibilisation communautaire et la pression citoyenne. Car, a-t-il affirmé, « l’abolition viendra de la société avant de venir de la loi », appelant les jeunes et les médias à s’impliquer davantage. Son intervention, ponctuée d’émotion et d’optimisme, a galvanisé l’auditoire.

Les discussions se sont prolongées bien au-delà du programme prévu, signe de l’intérêt et de la passion suscités par le thème. Les participants ont salué la qualité des interventions et la liberté de ton des conférenciers. Pour beaucoup, cette 23ᵉ journée mondiale a ravivé un espoir concret : celui de voir, enfin, le Niger rejoindre le camp des pays qui refusent de tuer au nom de la loi.

La cérémonie s’est achevée par une photo de famille, symbole d’un engagement collectif renouvelé. Un engagement fort, sincère et nécessaire car au-delà des mots, c’est bien une promesse de civilisation qui se joue : celle de défendre la vie, toujours et partout.

Mahamadou Tahirou

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