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9 décembre, 2025
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      Point de vue : Les lumières de la ville

Titre d’un des films les plus beaux et les plus connus de Charlie Chaplin. Film muet de 1931, écrit, produit, réalisé et interprété par Chaplin. Les lumières de la ville raconte avec une douceur poignante l’histoire d’une jeune fleuriste aveugle qui, grâce à l’aide financière du protagoniste, retrouve la vue. Le film se termine par l’épisode où la jeune fille reconnaît son bienfaiteur grâce à une poignée de main. La main qu’elle avait pu, bien qu’aveugle, sentir et apprécier comme un instrument de bonté à son égard.

Sous prétexte commercial de la Nativité nos villes sont inondées de lumières. Des lumières artificielles qui se veulent festives, joyeuses et insouciantes. Elles se proposent ainsi de compenser les innombrables ténèbres qui semblent prospérer non loin de là. Les lumières de nos villes semblent fausses et peu crédibles car, au lieu d’éclairer, elles aveuglent les yeux, les mots et même une fête aussi innocente que celle de Noël. Il s’agit de lumières qui, en réalité, trahissent la lumière.

Elles font partie du spectacle qui, comme sur une scène, s’allument et attirent l’attention sur ce que l’on veut souligner. Mais les choses vraies et authentiques se trouvent ailleurs, dans l’ombre, dans l’obscurité, dans les tranchées qui sont creusées un peu trop souvent entre un cimetière et un autre. Au lieu de lumières aveuglantes, ce sont des silences lourds de souffrances, d’humiliations, de peurs et d’interminables files de personnes déplacées qui, protégées par l’obscurité, tentent d’escalader les barbelés des frontières. Les lumières des villes cachent, complices, les ténèbres.

Ceux qui, comme l’auteur, ont eu le privilège de vivre quelques années en Afrique occidentale, se souviendront des coupures d’électricité ou des black-out soudains, surtout pendant la saison chaude de l’année. Dans l’obscurité des capitales et des villes, on entendait clairement le bruit produit par les générateurs électriques. De différentes tailles et pour tous les budgets, ils créaient une atmosphère presque magique, fatalement interrompue par les cris de joie des enfants lorsque le courant était rétabli. Dans ces régions, les lumières de la ville étaient pauvres et authentiques.

Des lumières moqueuses, trompeuses, excessives, arrogantes et mensongères par rapport au monde et à la vérité de l’événement que les lumières voudraient mystifier. Dans les villes, il vaudrait mieux déclarer l’obscurité, la pénombre, le couvre-feu dès le coucher du soleil et jusqu’à l’aube du premier jour de la semaine. Afin de mieux entendre le cri « sentinelle, combien reste-t-il de la nuit », car « le matin arrive, puis la nuit revient », répondrait la sentinelle. L’obscurité serait plus sincère.

De quel droit et comment oser mettre les illuminations les plus effrontées dans les villes quand on fait la propagande des guerres et que les meilleurs d’entre nous meurent, loin des lumières. Les chercheurs d’utopies, les fabricants de rêves, les dessinateurs de nouveaux chemins, les funambules des frontières inventées, les mineurs de mots libres et les poètes aux mains nues ne fleurissent que dans la nuit. Il faudrait éteindre les lumières superflues et laisser briller les étoiles pour ceux qui naîtront cette nuit-là. Tous entendront alors un chant le matin.

  Mauro Armanino, Casarza, 7 décembre 2025

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