Le rapport d’inspection des 114 boulangeries de Niamey, récemment publié par l’Agence Nigérienne de Normalisation, de Métrologie et de Certification (ANMC), jette une inquiétude sur un secteur stratégique de notre alimentation quotidienne. Sous couvert d’une mission officielle visant à garantir la qualité et la salubrité du pain, produit de base pour la majorité des Nigériens, cette enquête révèle un constat alarmant. Les boulangeries inspectées présentent un état d’insalubrité et de non-conformité réglementaire qui interpelle tant sur la sécurité sanitaire que sur le respect des droits fondamentaux des consommateurs.
Selon ce rapport, à peine 2% des boulangeries disposaient d’un certificat de salubrité valide, tandis que 100% d’entre elles n’appliquent pas la formule réglementaire de fabrication du pain. Plus inquiétant encore, les locaux, dans leur grande majorité, sont décrits comme insalubres, avec des planchers crasseux, des plafonds dégradés, des moisissures visibles, des toiles d’araignées, ainsi que la présence d’insectes nuisibles tels que cafards et araignées dans les zones de production.
Ces conditions sont loin d’être banales. Elles sont autant de vecteurs de contamination microbiologique et chimique pouvant entraîner des intoxications alimentaires sévères. La manipulation de la pâte sans tenue de travail adaptée, voire même avec des bijoux, expose le pain à des microbes dangereux, notamment les streptocoques et staphylocoques, responsables d’intoxications alimentaires majeures.
Le rapport précise également une absence quasi-totale de documents administratifs en règle : seuls 11,92% des établissements ont présenté un registre de commerce valide. Plus grave encore, aucun dispositif d’étalonnage des balances, outil fondamental pour garantir l’équité dans la vente, n’est appliqué, exposant les consommateurs à des fraudes potentielles sur le poids et donc le prix.
Cette négligence administrative et technique reflète un dysfonctionnement structurel du secteur, où les normes élémentaires sont méconnues, ignorées ou volontairement contournées.
Il est paradoxal que le pain, aliment de première nécessité, soit produit dans un environnement aussi précaire, mettant en danger la santé des consommateurs. Le poids et la taille des baguettes, très variables, traduisent aussi un manque de standardisation préjudiciable à la confiance du public.
Pour garantir un produit sûr et conforme, il est impératif que les boulangeries respectent rigoureusement les prescriptions de l’Arrêté N°053/MCI/N/DNQM du 28 octobre 2008, qui réglemente la fabrication du pain au Niger. Cela passe par la formation du personnel, l’amélioration des locaux, la mise en place de procédures d’hygiène strictes, et la mise à jour des documents réglementaires.
L’ampleur des défaillances constatées dans ce secteur fondamental pose la question de la santé publique dans d’autres industries et commerces nécessitant également une hygiène rigoureuse : pâtisseries, charcuteries, boucheries, restaurants, marchés alimentaires, et même les commerces de denrées périssables.
Il est urgent que le ministère du Commerce et de l’Industrie, en collaboration avec l’ANMC, étende cette démarche d’inspection et de contrôle à l’ensemble des secteurs alimentaires. La mise en place d’une base de données actualisée, la formation continue des acteurs, et surtout des sanctions effectives en cas de non-conformité, doivent être les piliers de cette politique.
La santé des Nigériens ne saurait être sacrifiée sur l’autel de la négligence et de l’irresponsabilité. L’inspection des boulangeries de Niamey révèle un secteur qui vacille sous le poids de ses manquements, mettant en péril un aliment aussi essentiel que le pain.
Garantir un pain sain, accessible et conforme aux normes n’est pas seulement un impératif sanitaire, c’est un devoir d’État envers ses citoyens. Le temps est venu de faire de l’hygiène et de la qualité des produits alimentaires une priorité nationale, avec des actions élargies à tous les maillons de la chaîne alimentaire.
Si vous êtes consommateur, exigez la transparence et la rigueur ; si vous êtes acteur du secteur, engagez-vous à respecter les normes ; si vous êtes autorités, intensifiez vos contrôles et sanctions. L’avenir de notre santé en dépend.
Mahamadou Tahirou
