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9 novembre, 2025
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Un sondage aux relents d’arnaque médiatique : l’AES face à la tentation des artifices

Un récent sondage, réalisé par un média international dans six pays d’Afrique francophone, affirme que plus de 70 % des sondés « apprécient » la gouvernance en cours dans les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES). À première vue, le chiffre semble flatteur et pourrait être brandi comme un gage de légitimité pour des régimes en quête de reconnaissance. Mais à y regarder de près, cette enquête ressemble davantage à un appât qu’à une photographie sincère de l’opinion africaine.

En réalité, ce sondage soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Comment comprendre que des citoyens vivant dans des États où la pauvreté atteint des niveaux criants, où la sécurité demeure fragile, où les services sociaux de base sont à l’agonie et où la liberté d’expression est sévèrement restreinte, puissent être érigés en modèles de gouvernance admirés au-delà de leurs frontières ? Ce paradoxe interroge.

Il ne faut pas être naïf. Depuis des décennies, certains médias internationaux ont bâti leur modèle économique sur la générosité, parfois complaisante, des dirigeants africains. Dossiers spéciaux, reportages « exclusifs », portraits flatteurs : autant de produits médiatiques achetés à prix d’or pour façonner l’image des régimes au pouvoir. Ce marché de l’image politique, où le journalisme se mêle dangereusement au marketing, a souvent servi de vache à lait pour ces grandes maisons de presse.

Dans ce contexte, il est fort probable que le fameux sondage ne soit qu’un prélude. Une stratégie subtile pour « déblayer le terrain » et se rapprocher des autorités de l’AES, dans l’espoir d’accéder à leurs ressources financières. Derrière la façade scientifique du pourcentage, il pourrait s’agir d’une manœuvre de séduction intellectuelle destinée à ouvrir les portes du Trésor public de ces États.

Or, pendant que l’on vante cette gouvernance hors frontières, les citoyens de l’AES prient chaque jour pour retrouver la paix, mettre fin aux massacres terroristes et espérer un avenir meilleur. La crise sécuritaire, loin d’être maîtrisée, continue de saigner les villages et d’endeuiller les familles. Les infrastructures éducatives et sanitaires sont insuffisantes, l’économie patine, et l’isolement diplomatique accentue la précarité. Voilà le quotidien que vivent réellement les populations.

Dès lors, peut-on croire que d’autres Africains aspirent à vivre une telle ambiance d’incertitude et de privation de libertés ? Rien n’est moins sûr. Ce contraste met en évidence le caractère douteux du sondage et les arrière-pensées de ceux qui l’ont commandité ou diffusé.

Il serait dangereux pour les autorités de l’AES de tomber dans ce piège. En croyant trouver dans ce sondage une validation internationale, elles risqueraient de s’ouvrir à une machine médiatique bien rodée, dont l’objectif n’est pas de promouvoir le développement, mais de tirer profit d’États fragiles. Le danger est réel : transformer la misère d’un peuple en vitrine politique, monnayée au profit de grands médias en quête de financements.

L’AES n’a pas besoin de sondages biaisés pour écrire son avenir. Elle a besoin de stabilité sécuritaire, de gouvernance transparente, d’investissements sincères et productifs. Les dirigeants doivent rester lucides : aucun média étranger ne leur offrira une légitimité durable. Seule la capacité à répondre aux attentes de leurs citoyens, à restaurer la paix et à relancer l’économie peut fonder une crédibilité véritable.

En définitive, ce sondage ressemble moins à une analyse qu’à une arnaque intellectuelle. S’il s’agit d’un ballon d’essai pour séduire les régimes militaires du Sahel, il gagnerait à être ignoré. Car la légitimité ne se mesure ni en pourcentages douteux ni en reportages payés, mais dans la dignité et le mieux-être des populations.

Mahamadou Tahirou

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