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Niamey
8 décembre, 2024
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Déclaration de Niamey sur le panafricanisme: L’illusion de la solidarité face aux défis réels du Sahel

L’Organisation des Peuples de l’Afrique de l’Ouest (WAPO) et Pan Africanism Today (PAT) regroupent divers mouvements qualifiés de « souverainistes, progressistes, africanistes, anti-impérialistes, révolutionnaires et populistes ». Ces groupes, venus des quatre coins du monde, se sont réunis du 19 au 21 novembre 2024 au centre des conférences internationales Mahatma Gandhi de Niamey. Cette rencontre, organisée pour exprimer leur solidarité envers les peuples du Sahel, a abouti à l’adoption d’une déclaration appelée « Déclaration de Niamey ».

Bien que la déclaration revendique une solidarité avec les peuples du Sahel, elle apparaît avant tout comme un exercice de rhétorique, sans véritable initiative face aux défis majeurs de cette région en crise.

En effet, le Sahel fait face à des crises multiples dont l’insécurité, la pauvreté écrasante et l’exode de sa population. Au lieu de se confronter à ces préoccupations urgentes, la Déclaration de Niamey semble cantonnée à une critique facile des puissances occidentales, désignant les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN comme responsables d’une prétendue crise mondiale. Si cet angle mérite d’être débattu, il ne doit pas occulter la réalité vécue au Sahel. Dans ce contexte, la solution n’est pas uniquement d’ériger des slogans contre l’impérialisme, mais d’engager un dialogue constructif et pragmatique sur les moyens de reconstruire des sociétés résilientes et prospères.

Le passage sur l’histoire coloniale, bien que pertinent dans son analyse, devient une mise en scène qui semble viser à galvaniser le soutien aux nouveaux dirigeants issus des coups d’État au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Ces événements sont présentés comme une rupture avec le néocolonialisme, néanmoins, il faut nuancer cette assertion. Les coups d’État ne représentent pas une « révolution » au sens noble du terme, mais plutôt un changement d’acteurs politiques. Force est de constater que les nouveaux dirigeants, tout en dénonçant le passé colonial, s’illustrent souvent par des pratiques de gouvernement tout aussi opaques et déplacées que celles qu’ils prétendaient combattre. En effet, les populations souffrent d’une précarité accrue, tandis que les promesses de justice et de transparence sont rapidement étouffées par un nouveau cycle de corruption et d’inefficacité.

La Déclaration de Niamey évoque la nécessité d’un soutien au développement souverain, mais reste muette sur les mécanismes concrets qui permettraient d’atteindre cet objectif. Rien n’est dit sur la mise en œuvre de programmes de développement SMART (Spécifiques, Mesurables, Atteignables, Réalistes et Temps-dépendants) qui s’attaqueraient aux racines des problèmes de pauvreté, de chômage, de santé, d’éducation et d’environnement dans le Sahel. Sans une telle approche, les discours sur la « souveraineté » résonnent comme des vœux pieux, vides de sens face à une population qui attend des résultats tangibles et des améliorations de ses conditions de vie.

En outre, cette déclaration semble cristalliser une vision manichéenne du monde, où les « bons » s’opposent aux « mauvais », sans la reconnaissance nécessaire des complexités géopolitiques et économiques qui définissent aujourd’hui les relations internationales. Les appels à l’unité anti-impérialiste, bien qu’attrayants, doivent être équilibrés par une compréhension pragmatique des nouvelles alliances et réalités qui émergent dans le monde. Ignorer cette dynamique, c’est risquer d’enfermer les nations du Sahel dans un discours archaïque qui peut leur faire perdre des occasions d’évolution vers un avenir meilleur.

En matière de démocratie il faut également rappeler que le respect des droits fondamentaux et des libertés publiques ne devrait pas être relégué au second plan au nom d’une prétendue lutte pour la souveraineté. Les récents événements au Sahel soulignent la nécessité d’un équilibre délicat entre sécurité, développement et respect des droits humains. La Déclaration de Niamey a glorifié les coups d’État au lieu de promouvoir la démocratie participative.

Bien que la Déclaration de Niamey vise à établir une solidarité avec les peuples du Sahel et à dénoncer les injustices héritées de l’histoire coloniale, elle tombe court dans sa capacité à offrir une réponse pragmatique et adaptée aux défis contemporains. Pour qu’elle ait un impact significatif, cette Déclaration aurait dû articuler une vision claire, des actions concrètes et des engagements solides envers les habitants du Sahel. La lutte pour la véritable indépendance de cette région nécessite un approfondissement de la réflexion stratégique et une véritable volonté d’écouter et d’honorer les aspirations des peuples. Ce n’est que par cette voie que le Sahel pourrait espérer se donner les moyens d’un avenir radieux et durable.

Mahamadou Tahirou

L’Autre Républicain du jeudi 28 novembre 2024

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