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16 avril, 2025
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Crise Algérie–Sahel : causes et scénarios selon l’ex-conseiller de Bazoum

Malgré l’escalade du discours politique hostile à l’Algérie dans la région du Sahel, encouragée par le pouvoir putschiste à Bamako, des voix raisonnables continuent de plaider pour l’importance de préserver les relations fraternelles et historiques entre l’Algérie et ses voisins sahéliens.

Parmi ces voix, figure le conseiller spécial du président nigérien renversé Mohamed Bazoum, et petit-fils du premier président du Niger indépendant, Ibrahim Abdoulaye Diori, qui a accordé un entretien exclusif à la plateforme «  Awras  ».

Il y a évoqué l’état des relations entre l’Algérie et le Niger en particulier, et la région du Sahel en général, à la lumière des récents bouleversements géopolitiques que connaît la région. Il y a également abordé les acteurs alimentant ce conflit et les scénarios possibles pour résoudre la crise.

Des relations historiques exceptionnelles

Ibrahim Abdoulaye Diori a affirmé que les relations entre l’Algérie et le Niger ont toujours été chaleureuses, respectueuses et fructueuses.

Il a mis en lumière des étapes importantes dans l’histoire des relations bilatérales, soulignant que le premier président du Niger indépendant, Hamani Diori, avait effectué trois visites en Algérie, la première en 1963, la deuxième en 1970 et la troisième en 1971, où il a rencontré les présidents Ben Bella et Boumediène. Il a précisé qu’en 1972, le président Boumediène avait lui aussi tenu à séjourner à Niamey avant de se rendre à Monrovia.

Le président Diori avait également participé à l’inauguration du premier tronçon de la route transsaharienne en 1973.

Chaque visite visait à renforcer les relations bilatérales, à favoriser la coopération économique et à discuter de questions liées à l’intégration africaine.

Il a ajouté : «  Le président Diori a entretenu de bonnes relations avec tous les voisins du Niger.  »

Et de poursuivre : «  Grâce à son amitié avec le roi du Maroc Hassan II et sa proximité avec le président Boumediène, il a contribué discrètement à apaiser les tensions entre le Maroc et l’Algérie autour de la question du Sahara occidental.  »

Une coopération stratégique à tous les niveaux

Diori a ensuite évoqué la coopération stratégique entre l’Algérie et le Niger sur les plans politique, économique et sécuritaire.

Sur le plan politique, il a cité comme principale initiative le projet de la route transsaharienne, qui traverse une grande partie du désert nigérien, et dont les présidents Diori et Boumediène étaient de fervents défenseurs.

Il a également évoqué la contribution importante au niveau religieux, tant sur le plan bilatéral que multilatéral, les deux pays étant membres de l’Organisation de la coopération islamique.

Sur le plan économique, les échanges entre les deux pays ont concerné des produits alimentaires et agricoles, l’Algérie étant un fournisseur important de produits comme les pâtes, les fruits, les dattes, les huiles, et autres.

Au niveau diplomatique et sécuritaire, les présidents Boumediène et Hamani Diori ont déployé d’importants efforts pour résoudre plusieurs conflits en Afrique. L’Algérie a également formé un grand nombre d’étudiants nigériens à travers des bourses d’études, dont beaucoup sont devenus de hauts fonctionnaires de l’administration nigérienne.

Dans le domaine de la défense et de la sécurité, de nombreux officiers de l’armée nigérienne ont bénéficié de formations et de renforcement des capacités en Algérie.

Concernant la lutte contre la contrebande transfrontalière, Diori a affirmé que la coopération entre les deux pays est franche et efficace.

Quel impact de la crise avec le Mali sur le Niger ?

Le conseiller spécial du président déchu Mohamed Bazoum estime que cette crise avec le Mali n’aurait jamais dû avoir lieu.

Il considère que la solidarité affichée par le Niger et le Burkina Faso envers le Mali n’est pas appropriée, car elle ne contribue pas à l’apaisement des tensions et place le Niger en position de partie prenante au conflit.

Il a ajouté : «  J’aurais préféré que le Niger propose une médiation et appelle à la retenue afin d’éviter cette escalade diplomatique qui ne sert pas ses intérêts.  »

Pourquoi les putschistes du Sahel s’en prennent-ils à l’Algérie ?

Interrogé sur les raisons pour lesquelles les putschistes de la région du Sahel adoptent une position hostile à l’égard de l’Algérie, Diori a cité une déclaration de l’ancien ministre de l’Intérieur français Charles Pasqua : «  Quand tu es dans le pétrin à cause d’un problème, crée un problème dans le problème, et s’il le faut, un autre problème encore, afin que personne n’y comprenne rien.  »

Partant de cette logique, Diori a expliqué que les putschistes du Sahel sont confrontés à une réalité difficile, soulignant que les trois pays concernés sont plongés dans une crise sociale, diplomatique, politique et sécuritaire profonde, qu’ils gèrent en accusant successivement leurs voisins de tenter de les déstabiliser.

Il a rappelé que ces mêmes putschistes ont déjà accusé le Bénin – dont la frontière avec le Niger reste fermée – ainsi que le Nigeria, la Côte d’Ivoire, la France et d’autres pays.

«  Ce comportement reflète tout simplement leur incapacité à gouverner des États qui étaient auparavant stables et en paix avec leurs voisins.  »

Des puissances régionales derrière cela ?

Concernant les puissances régionales potentiellement impliquées, Ibrahim Abdoulaye Diori considère que le principal danger vient de la Russie à travers ses agents, notamment le groupe Wagner, sans citer d’autres parties.

Il estime que les alliances actuelles entre les putschistes du Sahel traduisent leur volonté de rester indéfiniment au pouvoir.

D’importants intérêts économiques en jeu

Diori a également évoqué d’importants intérêts économiques entre l’Algérie et le Niger. Dans le domaine énergétique, les deux pays ont récemment signé des accords dans le secteur des hydrocarbures, en plus de plusieurs projets qui étaient sur le point de démarrer, comme la construction d’un complexe pétrochimique.

Il a souligné que le gouvernement du président Bazoum avait déjà engagé une démarche diplomatique envers l’Algérie, avec une visite effectuée en juillet 2021.

Une coopération sécuritaire urgente

Le conseiller spécial de l’ex-président Bazoum a insisté sur la nécessité urgente de renforcer la coopération dans le domaine du renseignement, affirmant que la clé de toute guerre – qu’elle soit conventionnelle ou asymétrique – réside fondamentalement dans l’information.

Il a ajouté : «  L’Algérie, forte de son expérience de plus de dix ans dans la lutte contre le terrorisme, peut faire bénéficier le Niger de son expertise, voire même d’un soutien logistique.  »

Scénarios de résolution de la crise

Diori a affirmé que le dialogue est le seul scénario pour résoudre la crise actuelle.

Il a appelé à désigner un médiateur extérieur ne faisant pas partie des quatre pays actuellement en crise diplomatique, dans le cadre de l’Union africaine ou des Nations unies, les deux seules institutions à bénéficier de la neutralité nécessaire.

Il a également suggéré qu’un comité de sages dirigé par d’anciens chefs d’État reconnus pour leur expérience en matière de résolution de conflits pourrait jouer un rôle de médiation.

Quant aux relations entre l’Algérie et le Niger, Diori estime que le dialogue n’est pas un choix mais un devoir, soulignant que l’Algérie est un pays frère, et qu’il existe plusieurs communautés (Touaregs, Arabes, etc.) vivant ensemble le long de la frontière commune.

Conséquences d’une rupture des relations

Il a averti qu’un effondrement des relations entre l’Algérie et le Niger aggraverait la situation sécuritaire, réduirait le contrôle du trafic transfrontalier, notamment de drogues, et entraînerait l’arrêt automatique de tous les projets industriels en cours, qualifiant une telle rupture de coup dur pour la diplomatie.

Source : www.awras.net

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