La météorite Northwest Africa (NWA) 16788, découverte dans la région de Kefkaf (Agadez), est un spécimen d’exception. Pesant 24,67 kg et mesurant près de 40 cm de long, elle est environ 70 % plus grande que le plus gros fragment martien jamais trouvé auparavant. Elle représente à elle seule près de 7 % de toute la masse martienne répertoriée sur Terre. Officiellement, la base scientifique de référence, le Meteoritical Bulletin, indique qu’elle a été découverte le 16 juillet 2023, tandis que la fiche de Sotheby’s mentionne le 16 novembre 2023. Cette divergence sur la date exacte de découverte interroge déjà sur la transparence des informations entourant cet objet hors du commun. Aucune source fiable ne mentionne le nom du découvreur, seulement un « chasseur de météorites » anonyme. Mais au lieu de rejoindre un musée national ou un laboratoire, cette pièce rare s’est retrouvée sur le marché international : de l’erg d’Agadez, elle a fini sa course dans les enchères new-yorkaises.
Comment une météorite aussi précieuse a-t-elle quitté le Niger ? Aucune preuve publique ne confirme qu’elle ait été exportée légalement avec l’assentiment des autorités. Le manque de cadre juridique clair et la vigilance parfois limitée sur les découvertes isolées dans le désert laissent place aux réseaux de trafics internationaux. Les chasseurs de météorites, souvent en lien avec des intermédiaires privés, trouvent rapidement preneur auprès de collectionneurs ou de maisons de ventes aux enchères.
Avant sa mise en vente, NWA 16788 aurait été exposée dans des musées étrangers et dans des galeries en Italie, gagnant en notoriété et en valeur commerciale. Le 17 juillet 2025, elle a été vendue par Sotheby’s à New-York pour près de 5,3 millions de dollars US, un record pour une météorite martienne. Pour le Niger, cette transaction a un goût amer : non seulement un trésor scientifique a quitté le pays, mais il a été valorisé sans aucun bénéfice pour la recherche nationale ni reconnaissance du patrimoine d’origine.
Cette situation soulève une question cruciale : combien d’autres météorites ou objets rares sont ainsi subtilisés au Niger, pays dont le sous-sol et même le ciel regorgent d’immenses richesses naturelles ? Comment se fait-il que les autorités nigériennes n’ont pas eu l’information pour réclamer la restitution de cette météorite avant sa vente aux enchères ? Sans politique stricte de conservation et de protection, le risque est grand de voir s’évaporer un patrimoine scientifique d’une valeur inestimable.
Un combat juridique et politique en perspective
Le Conseil des ministres du 18 juillet 2025 a ordonné des investigations pour faire la lumière sur cette affaire. Quatre ministères – Mines, Enseignement supérieur, Sécurité publique et Justice – sont mobilisés pour examiner les conditions de la sortie de la météorite du Niger. L’objectif est double : identifier d’éventuels responsables et explorer les voies juridiques pour récupérer cet objet ou, à défaut, obtenir un partage scientifique de ses échantillons.
Mais le combat est loin d’être gagné. Une fois qu’un objet entre dans le circuit des ventes internationales, la restitution devient un parcours complexe, nécessitant à la fois des preuves juridiques irréfutables et des négociations diplomatiques. Les autorités nigériennes devront prouver que l’exportation de NWA 16788 a été illégale, ce qui suppose une traçabilité quasi inexistante aujourd’hui.
Cette affaire doit servir de leçon. Le Niger doit élaborer une stratégie claire pour protéger ses ressources scientifiques et naturelles : établir une législation stricte sur la propriété des météorites, sensibiliser les populations locales et les forces de sécurité, et créer des partenariats avec des laboratoires internationaux pour conserver les découvertes majeures dans le pays. NWA 16788 ne devrait pas être un objet de spéculation mais un symbole national et un vecteur de connaissance scientifique.
Mahamadou Tahirou
PS :
Une météorite est un fragment de roche ou de métal provenant de l’espace, qui survit à sa traversée de l’atmosphère pour atteindre le sol. Contrairement aux roches terrestres, elle conserve une signature chimique et minéralogique unique, offrant une véritable capsule temporelle sur la formation du système solaire et des planètes. Les météorites martiennes, rarissimes, permettent de comprendre l’histoire volcanique, les conditions climatiques passées et l’évolution chimique de Mars.
NWA 16788 appartient à la famille des shergottites (olivine-microgabbro), un type de roche martienne formée lors de coulées de lave. Sa composition et sa taille exceptionnelle ouvrent des perspectives uniques pour la recherche scientifique : analyses isotopiques, étude des inclusions minérales, datation des épisodes volcaniques de Mars et compréhension de son histoire géologique.