Par Elh. M. Souleymane
Cette semaine, une vidéo d’un proche d’Issoufou Mahamadou a eu un effet viral sur les réseaux sociaux et les fadas au Niger comme à la diaspora. C’est des révélations qui mettent à mal la posture de l’ancien président et sa ligne de défense qui vise à nier d’être l’instigateur ou parrain du putsch perpétré par son homme de main, le général Abdourahamane Tiani. Le président du Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS), Papou Hamza, pour ne pas le nommer, en mission de sensibilisation de la diaspora en Cote d’Ivoire, a cru bon de réunir les nigériens pour leur annoncer la bonne nouvelle à savoir les vérités d’Issoufou Mahamadou et la donne qui s’imposerait à Tiani si tant est qu’il voudrait assurer ses arrières. Regard sur cette scandaleuse bourde de la stratégie à vau-l’eau d’Issoufou Mahamadou alias T3 et ses communicants qui veulent apparemment le beurre et l’argent du beurre.
A Abidjan, face à un public apparemment composé essentiellement des ‘’adarawas’’ (les ressortissants de la région de Tahoua), le “chargé de mission » de T3 a confié à ses auditeurs les raisons du coup d’Etat de Tiani et la suite des évènements selon leur grille de lecture. A l’en croire, son mentor n’a aucune responsabilité dans la survenue du putsch contre Mohamed Bazoum. Bien au contraire, selon lui, Issoufou aurait cherché vainement à utiliser son influence sur les putschistes pour un dénouement de la situation. “Ce n’est pas à Bazoum qu’on a fait le putsch mais plutôt à Tarayya donc au propriétaire de Tarraya (mai tarayya ce ake wa juyin mulki)’’, a martelé Papou Hamza qui se croyait en terrain conquis.
Dans un discours exécrable, en langue Hausa, sur fonds de régionalisme et d’ethnocentrisme, Papou Hamza a jugé et condamné le président Bazoum comme étant responsable du coup d’Etat contre lui-même. Par ricochet, il a disculpé Issoufou Mahamadou qu’il présente comme une victime en ce sens qu’il serait le plus grand perdant du putsch ! Mais le passage le plus curieux, c’est quand ce sbire de T3 a insinué que si Tiani voudrait assurer ses arrières, il n’a pas un autre choix que de remettre le pouvoir à Issoufou Mahamadou. Selon Papou Hamza, Tiani aurait emprisonné beaucoup de militaires et il n’y a qu’Issoufou qui pourrait le protéger. Pour ce faire, il n’y a pas 36 solutions : Tiani doit organiser les élections pour remettre à Issoufou ‘’sa chose’’. Telle est la vision simpliste et pouvoiriste au sein de la galaxie T3.
Mais la principale contradiction des communicants de T3, même s’ils nient la responsabilité de leur mentor, ils donnent pourtant des arguments tendant à justifier que Issoufou a intérêt dans la survenue du coup. Leur argumentaire se résume à l’accusation de terrorisme et son financement par le président Bazoum, sa démarcation du parti pendant son règne, son mépris voire l’ingratitude vis-à-vis des militants opérateurs économiques de la région de Tahoua. Selon Papou, l’un d’entre eux aurait investi 7 milliards dans la campagne de Bazoum. Des leaders politiques comme Seini Oumarou et Albadé Abouba ont également été trainés dans la boue par ce garçon de course de dame Malika. Seini Oumarou aurait démenti les allégations contre lui et dit ne pas connaitre Papou Hamza ni d’Adam ni d’Eve.
Au delà de la communication épidermique de Papou Hamza, mu par une sorte d’instinct grégaire, pour ceux qui lisent entre les lignes, le discours tenu à Abidjan est conforme à la version officielle du commanditaire des évènements lâches du 26 juillet 2023. Plusieurs sources nous ont confié que ce sont les mêmes éléments de langage que Zakari Oumarou a développés à Tahoua et aux coordinations d’Illéla, Konni, Malbaza, Bouza, Madaoua et Keita lorsque Issoufou Mahamadou l’a envoyé préparer une déclaration de soutien au CNSP. Et on le sait, Issoufou avait besoin que sa version des faits soit partagée à la diaspora nigérienne en Côte d’Ivoire qui a opté majoritairement pour la légalité, la justice et la fidélité à Bazoum victime d’un complot et de lâcheté de ses camarades roses.
Mais comme le manitou a vu la tournure des évènements et la catastrophe sur sa stratégie de reconquête du pouvoir, Papou a été vite instruit de se rétracter en assumant lui seul la responsabilité de ses propos. On peut lire sur son compte Facebook : “En tant que Président du Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS), je tiens à préciser que les propos que j’ai tenus en lien avec les événements du 26 juillet 2023, qu’ils soient bons ou mauvais, n’engagent que moi personnellement. Lors de mon séjour dans ma seconde patrie ma Côte d’Ivoire, j’ai jugé utile d’éclairer notre diaspora de ma propre initiative sur les choses qui se racontent depuis la prise du pouvoir par les militaires. Je veux être clair : mes déclarations n’engagent en aucun cas le PNDS ni l’ancien Président Issoufou Mahamadou”.
Dans tous les cas, les analystes savent qu’il y a anguille sous roche. La trahison à l’origine des événements du 26 juillet a plongé T3 et son clan dans une impasse communicationnelle.
La stratégie à vau-l’eau de T3 …
Depuis le 26 juillet 2023, ceux qui suivent la ligne de défense d’Issoufou Mahamadou savent bien que les propos de Papou Hamza ne sont que des éléments de langage conçus et dictés par T3 lui-même. Papou Hamza est en mission en Côte d’Ivoire comme Zakari Oumarou à Tahoua. Le narratif ne varie pas selon les porte-paroles de T3. C’est une constante : nier toute responsabilité de T3 dans la forfaiture du 26 juillet, juger et condamner Bazoum comme étant responsable de son sort et ressasser les preuves de culpabilité de ce dernier. Aujourd’hui, les communicants de T3 font le travail en lieu et place du procureur de la République pour réunir les éléments de culpabilité de Mohamed Bazoum. Pour cause : Issoufou Mahamadou serait en insécurité avec Bazoum libre de ses mouvements et de sa parole. Comment ne pas être hanté par la présence de l’otage Bazoum et son épouse Hadiza à quelques mètres des lieux luxueux où Issoufou Mahamadou mène sa vie de pacha ? Est-il devenu si amnésique au point de considérer que l’Histoire n’est qu’une répétition de crimes ?
Qui plus est, constatant que les choses les quittent progressivement, ils ne savent plus à quel saint se vouer. On comprend aisément lorsque Papou Hamza dit à son auditoire à Abidjan que ‘’sodji ba su da amana’’ autrement dit les militaires ne sont pas dignes de confiance. Leur petite logique de voir leur champion rempiler comme sur des roulettes a fait flop. C’est dire que T3 et son petit monde feignent d’ignorer cette loi cosmique ou disons ce hadith du prophète Mohamed (SAW) : “Kama Tadin Toudan “ (Comme tu as fais on te fera). Si Issoufou a trahi l’homme qui lui a voué une confiance absolue, comment peut-il s’attendre à la droiture absolue du genre humain à son égard ? Très malheureusement, T3 doit faire face au destin, à la amana qui constitue le champ divin pour paraphraser cette expression en langue Haoussa : “amana gona Allah”.
De proche en proche, du déni de la réalité à la revendication de la forfaiture, c’est sans conteste ce qui traduit l’attitude d’Issoufou Mahamadou du 26 juillet 2023 à aujourd’hui. Autant dire que le très fier d’être surnommé ‘’lion’’ est finalement aller à Canossa, disent les militants du PNDS fidèles au président Bazoum. Il a longtemps nié les faits mais comme les criminels ont tendance à revenir sur le lieu du crime, l’ex président Issoufou a franchi le Rubicon en s’affichant avec la junte le jour de la fête de Ramadan. A la fête de Tabaski, lui étant absent du Niger, on a vu ses comparses roses au palais pour faire allégeance à Tiani. Au moment où leur camarade qu’ils ont contribué à faire élire président de la République au prix de mille et un sacrifices est pris en otage par la junte, il est malséant que ces soi-disant socialistes flirtent avec les auteurs du coup d’Etat contre Bazoum.
N’est-ce pas le même Issoufou Mahamadou qui a tenu tête au général Baré et aux putschistes de la sous-région ? Après tant de gâchis et de perte de dignité, Issoufou Mahamadou s’enfonce dangereusement dans les bas-fonds de l’Histoire. Il n’a pas tort de dire de façon prémonitoire, dans une interview accordée à Jeune Afrique qu’il allait tout perdre. Déjà son héritage politique s’effondre comme un château de cartes. Il observe impuissant la déconstruction de sa fameuse Renaissance du Niger. Il a beau nié sa posture infâme, les Nigériens ont finalement tout compris. Abraham Lincoln disait : “On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps.”
C’est dire que de la bourde de Papou Hamza, les analystes lisent la construction d’Issoufou Mahamadou exprimée par le fou du roi. Ce dernier a même annoncé la libération de l’espace politique comme d’autres communicants de T3 comme si c’était lui qui déciderait en lieu et place de la junte. Mais il faut comprendre ces incohérences de T3, il lui fallait un ballon d’essai. Il voudrait sortir du bois pour annoncer sa candidature. Il a besoin de jauger l’opinion publique. Ce n’est pas par hasard qu’au même moment où Papou Hamza haranguait la diaspora d’Abidjan, un autre porte parole de T3 faisait la même chose au Cameroun.
A sa récente sortie de prison, le cybermilitant, patron de Wikileaks, Julian Assange, a été interrogé : « quelle est votre plus grande déception ? »
Julian Assange a répondu : « apprendre que même les gens intelligents peuvent être des lâches et que le courage est une qualité bien plus rare que l’intelligence ». Ce trait d’esprit n’est qu’une parfaite illustration du paradoxe d’Issoufou Mahamadou. L’homme à mille et une intrigues.
Elh. M. Souleymane
L’Autre Républicain du jeudi 4 juillet 2024
