Le 5 septembre 2024, le Niger a procédé à une émission de Bons et Obligations Assimilables au Trésor sur le marché des Titres de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) pour un montant total de 20 milliards de francs CFA. Les résultats de cette adjudication, révélés récemment, soulèvent des inquiétudes quant à la confiance des investisseurs envers l’économie nigérienne. En effet, parmi les 12 pôles d’investisseurs ayant participé aux 21 soumissions, seulement 10 milliards 125 millions ont été retenus, mettant en lumière des disparités notables dans l’engagement des investisseurs.
Le Togo se distingue en tête de liste avec plus de 5 milliards de soumissions retenues, suivi par le Niger lui-même avec 2 milliards, le Burkina Faso avec 1,8 milliard et le Bénin avec 1,1 milliard. Les contributions des investisseurs ivoiriens, sénégalais et maliens, quant à elles, sont très modestes, totalisant moins de 200 millions pour les trois pays. Cette situation mérite une analyse approfondie pour comprendre les dynamiques en jeu.
Tout d’abord, l’engagement massif du Togo en faveur du Niger peut être interprété comme une stratégie économique calculée. En effet, le port de Lomé, principal point d’entrée des importations du Niger, confère au Togo un intérêt stratégique dans cette adjudication. En plaçant une soumission significative, le Togo s’assure non seulement un retour sur investissement, mais aussi un rôle prépondérant dans les échanges commerciaux avec le Niger. De même, le Burkina Faso, pays de transit, profite également de la situation actuelle, surtout en raison de la fermeture de la frontière avec le Bénin, qui limite les alternatives pour le Niger.
En revanche, la situation des investisseurs maliens est révélatrice des turbulences politiques qui secouent le pays. Les sanctions imposées par la CEDEAO et l’UEMOA ont engendré une méfiance palpable, affectant la capacité d’investissement. Ce constat soulève des questions sur la stabilité politique sous régionale et son impact sur les flux financiers au sein de l’UMOA.
Les soumissions relativement modestes de la Côte d’Ivoire et du Sénégal, malgré leur statut d’investisseurs les plus nantis de la zone, interrogent également. La prudence de ces investisseurs pourrait être attribuée à une appréhension face à la situation politique et économique du Niger, qui peine à rassurer. En effet, la confiance des investisseurs est un capital précieux, souvent difficile à restaurer une fois ternie.
Un point particulièrement surprenant est la participation active des investisseurs béninois, qui ont soumis un montant honorable malgré la décision du Niger de fermer sa frontière avec leur pays. Cela pourrait indiquer un intérêt stratégique à long terme, ou une volonté de maintenir des relations économiques malgré les tensions diplomatiques actuelles. Cependant, cette participation ne doit pas masquer les enjeux plus larges concernant la confiance envers les émissions de titres nigériens.
L’analyse des résultats de cette adjudication révèle un manque de confiance généralisé envers les titres nigériens. Pour le trésor nigérien, la priorité doit être celle de restaurer cette confiance afin d’assurer un accès continu aux financements nécessaires à la transition économique du pays. Cela passe inévitablement par un retour à l’ordre constitutionnel. La stabilité politique est essentielle pour attirer les investissements étrangers et régionaux, sécuriser les investissements et rassurer les partenaires économiques sur la pérennité des engagements pris.
Le résultat de l’adjudication du 5 septembre 2024 souligne la nécessité pour le Niger de prendre des mesures significatives pour regagner la confiance des investisseurs de l’UMOA. C’est la deuxième fois en moins de deux mois que le Niger n’arrive pas à lever les fonds à sa convenance. La voie à suivre semble claire : le rétablissement d’un cadre politique stable et transparent est vital pour attirer les capitaux nécessaires à la relance économique du pays. Les autorités nigériennes doivent agir rapidement pour éviter que la situation actuelle ne se transforme en une spirale de méfiance durable, avec des conséquences néfastes pour l’économie nationale.
Mahamadou Tahirou
L’Autre Républicain du jeudi 12 septembre 2024