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31 octobre, 2024
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  Point de vue :  Militarisation de poussière au Sahel

Les bulletins d’information quotidiens ressemblent à s’y méprendre à des bulletins de guerre. Par un phénomène bien connu d’accoutumance, cela fait partie du décor de l’actualité. Nous glissons vers ce qu’il y a de plus terrible dans la vie, à savoir la « normalisation » de la violence armée comme seul système de résolution des conflits entre citoyens, classes sociales, pays, religions, cultures et intérêts.

À chacun sa guerre, pourrait-on dire. L’un des signes indéniables de ce phénomène est la croissance des dépenses militaires dans tous les pays qui peuvent se le permettre. Après une légère contraction des dépenses à la suite de la fin de la guerre froide et de la disparition temporaire de l’Union Soviétique, on s’est rendu compte qu’il était encore plus difficile d’être sans ennemi que d’en avoir un. La guerre globale contre le terrorisme, l’axe du mal, les Etats voyous et surtout la remilitarisation justifiée par cette guerre sans fin, ont entraîné une nouvelle ruée pour armer plus, mieux et surtout avant l’ennemi. Ce dernier, c’est bien connu, est partout et surtout là où on veut le créer. Les armes, la guerre et la peur sont de bons ingrédients pour relancer l’économie, contrôler les mouvements « dangereux » et se justifier d’être au pouvoir pour des décennies.

La guerre dans le Nord global, l’Occident civilisé, l’infame guerre au Moyen-Orient, les guerres sur le continent africain, parfois loin des regards indiscrets des médias, et la guerre au Sahel, dont les racines les plus proches sont la destruction intentionnelle de la Libye en 2011. De ce pays, alors doté d’un des systèmes sanitaire, éducatif, agricole et économique parmi les plus performants d’Afrique, on a exporté des armes, de la rage et des groupes armés bien formés par des années d’entraînement. D’autres causes étaient concomitantes et en rapport avec ce qui s’était passé auparavant en Irak, en Afghanistan, en Syrie et ailleurs. Des groupes armés financés par ceux qui y avaient intérêt se sont progressivement implantés dans la région du lac Tchad et dans la partie occidentale du Sahel. Les anciennes revendications autonomistes, l’arrivée de groupes formés par des idéologies salafistes exportées d’Arabie Saoudite, le Qatar et d’autres entités affiliées, les troubles locaux et les divisions latentes ont créé un mélange qui s’est avéré « explosif ». En effet, les intérêts idéologiques, religieux, politiques, commerciaux et de pouvoir ont trouvé un terrain fertile dans l’absence de l’État, la crise économique et le démantèlement des structures culturelles de gestion des conflits. Le sentiment de frustration des groupes ethniques et des jeunes a organisé le reste.

C’est ainsi qu’est née, en cours de route, l’opération française Serval, remplacée ensuite par l’opération Barkhane et soutenue plus tard par la Cédéao, les Nations Unies et l’Union européenne. La conséquence de cette saturation d’armes, d’argent, de militaires, d’intérêts divergents a été la multiplication des groupes armés et des économies de guerre. L’argent et les guerres font bon ménage. Au milieu de tout cela, les peuples, les civils, ceux qui, habitués à se battre pour leur survie quotidienne, se sont vus encerclés, menacés et dépossédés de leur avenir. C’est ainsi que les militaires, forts de leur poids économique et politique accru ces dernières années, avaient de bonnes chances de s’installer au pouvoir. Non sans la promesse de protéger les citoyens et de débarrasser définitivement les pays des forces obscures du mal qui gangrènent la vie politique et sociale de tous et les intérêts de ceux qui comptent. Nous ne connaissons pas l’avenir, mais le contexte nous laisse penser que ce processus ne sera pas aussi rapide et efficace que prévu. La conséquence la plus palpable dans la vie quotidienne des villes est la présence visible de la militarisation de la vie sociale. Les affiches, la propagande des réseaux sociaux et la rhétorique du langage font la Une.

… »Des mots comme combat, libération, mobilisation populaire citoyenne, engagement patriotique, dignité, souveraineté non négociable, indépendance totale… la patrie ou la mort ». En plus, la présence de militaires armés et non armés, dans les hôpitaux, l’aéroport, les routes et le contrôle du trafic, ont militarisé la vie politique et civile de la Région. Heureusement, avec l’arrivée imminente du vent du désert appelé « Harmattan », la militarisation, comme tout le reste au Sahel, n’est que poussière.

Mauro Armanino, Niamey, octobre 024                                                                                                             

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