Dix compatriotes ont été inscrits au fichier des personnes, groupes de personnes ou entités (FPGE) impliqués dans des actes de terrorisme au Niger, le 28 octobre dernier. Même si cette mesure n’emporte pas immédiatement déchéance de leur nationalité nigérienne, elle est porteuse de graves préjudices contre les personnes indexées.
On se rappelle que le 10 octobre dernier, neuf personnes ont été déchues provisoirement de leur nationalité nigérienne, en application de l’ordonnance n°2024-43, promulguée le 27 août 2024, qui a établi un cadre légal pour la gestion de ce fichier
Il est à remarquer que, pour l’essentiel, les personnes déchues de la nationalité nigérienne tout comme celles inscrites sur le fichier sont proches du président Mohamed Bazoum, en dehors de trois chefs rebelles. A regarder de très près, certaines personnes désormais fichées ont eu le tort d’exprimer leurs opinions à travers divers canaux de communication. En quoi le fait d’émettre des opinions même virulentes pourrait être constitutif d’acte de terrorisme ? Quant aux ministres Massoudou Hassoumi et Alkach Alhada dont les noms se retrouvent dans le fichier, ils observent depuis bien longtemps une obligation de réserve dans leurs pays d’accueil. Certains fichés sont simplement soupçonnés. Peut-on sanctionner un citoyen sur la base de simples soupçons ?
Dans l’ensemble, cette ordonnance fait un pied de nez à la liberté d’opinion. Pourtant, dans l’ordonnance n°2023-02 du 28 juillet 2023 portant organisation des pouvoirs publics pendant la période transition, le CNSP a pris l’engagement de garantir « …les droits et libertés de la personne humaine et du citoyen tels que définis par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 et la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des peuples de 1981 ».
Par ailleurs, le CNSP « garantit la restauration du processus démocratique engagé par le peuple Nigérien ». Or, la restauration du processus démocratique suppose que les gouvernants tolèrent des opinions dissidentes, et créent les espaces nécessaires pour leur pleine expression. Il est nécessaire d’oxygéner la vie publique pour permettre l’éclosion des idées qui pourraient permettre au Niger de faire des bonds en avant.
C’est aussi la condition pour garantir et préserver l’unité nationale et la cohésion sociale que le CNSP s’est engagé à faire dans l’ordonnance citée ci-haut.
C’est dire qu’inscrire des citoyens sur ce fichier est contre-productif, et pourrait éloigner le CNSP de l’engagement qu’il a pris pour préserver le pays de tout péril qui pourrait menacer l’unité nationale et la cohésion sociale. Il y a lieu de rappeler que la lutte contre le terrorisme ne peut se faire au détriment des droits fondamentaux.
En un mot comme en cent, une crise politique se règle par la décrispation, le dialogue politique et non pas à coup de décrets ou ordonnances. Simple avis.
La rédaction
L’Autre Républicain du jeudi 7 novembre 2024