Le dialogue national inclusif est-il devenu l’horizon qui s’éloigne à mesure qu’on s’y approche ? Annoncé dans les premières déclarations du général Tiani, notamment son message à la Nation du 19 août 2023, le dialogue national inclusif peine à se tenir.
Il y a presque un an déjà que le processus des assises régionales a été lancé. On se rappelle que le Premier ministre Ali Lamine Zeine avait présidé le forum régional d’Agadez. Il était prévu qu’il fasse le tour des sept autres régions du pays pour le même exercice. Curieusement, depuis le forum d’Agadez, plus rien. Il a fallu le message à la Nation du général Tiani, le 25 juillet dernier, à l’occasion du 1er anniversaire de l’avènement du CNSP au pouvoir, pour apprendre que le chef de la junte a mis en place, depuis deux mois, un comité technique. Son mandat est de faire la synthèse des documents reçus des régions, organiser les assises de la diaspora et le dialogue national inclusif.
De nouveau, plus rien jusqu’au courrier du ministre des Affaires étrangères en date du 27 septembre dernier, adressé aux représentations diplomatiques du Niger à l’extérieur, leur demandant de bien vouloir organiser les assises de la diaspora. Dans plusieurs pays, les Nigériens de la diaspora ont tenu des assises locales et régionales, presque à la va-vite compte tenu du temps qui leur a été imparti par les différentes chancelleries. Les discussions ont tourné autour de quatre thématiques à savoir la gouvernance, l’économie et les finances, les secteurs sociaux et le programme de la transition.
Le dialogue national inclusif, un mystère
Au Niger, la tenue du dialogue national demeure un mystère. Personne ne sait quand est-ce qu’il va se tenir et suivant quelles modalités. Officieusement, on apprend que ce dialogue pourrait se tenir d’ici la fin de cette année. Ce dialogue est censé proposer des orientations stratégiques pour la transition dans le cadre de la « refondation » de l’Etat. Avant la tenue de tout dialogue national inclusif, il va falloir résoudre certaines questions préalables. Le dialogue ne suppose-t-il pas des parties divergentes, appelées à prendre langue ? Peut-il y avoir de dialogue national inclusif alors que le président Mohamed Bazoum, son épouse, plusieurs ministres de son gouvernement, des hauts responsables de l’Etat qu’il avait nommés ainsi que nombre de ses collaborateurs sont en prison ? Le dialogue peut-il être inclusif alors que beaucoup de proches du président Bazoum sont en exil et pour certains déchus de leur nationalité ou inscrits sur le fichier de personnes, groupes de personnes ou entités impliqués dans des actes de terrorisme (FPGE) ? Le dialogue peut-il être inclusif avec des partis politiques interdits d’exercer leurs activités ? Si tous les participants sont des soutiens de la junte, s’agira-t-il d’un dialogue ou d’un monologue ?
« L’œuvre de reconstruction ne peut se faire qu’avec le concours de tous et en faisant ensemble le diagnostic des errements du passé pour parvenir à l’administration des remèdes conséquents et adaptés et à la prévention de la délinquance économique », avait déclaré le général Tiani, dans une de ses adresses à la Nation. Sur la base de cet engagement, on peut préjuger que le dialogue national se fera avec toutes les sensibilités politiques sans restriction aucune. Le Niger a besoin de cohésion, d’unité de ses enfants pour affronter les différents défis auxquels il fait face.
Pour le moment, on note qu’aucun organe de transition prévu par l’ordonnance portant organisation des pouvoirs publics pendant la période de transition à savoir le Conseil consultatif national, qui fera office de parlement de la transition, le Conseil constitutionnel, l’Observatoire National de la Communication et l’Observatoire National des Droits Humains n’a été mis en place 15 mois après le coup d’Etat. Conformément aux délibérations des chefs d’Etat de l’AES au sortir de leur sommet de Niamey, c’est au cours de ce mois de novembre que les parlements des trois pays vont se réunir à Ouagadougou. Or, Le Niger n’a toujours pas son parlement de transition.
Les dialogues nationaux au sein de l’AES
Au niveau de la confédération de l’AES, on relève que le Mali et le Burkina Faso ont déjà organisé des dialogues nationaux. Au Burkina, par exemple, le forum qui s’est tenu en un temps éclair a proposé entre autres de proroger la transition en cours de cinq ans, et de conférer au capitaine Ibrahim Traoré le titre de président du Faso, en d’autres termes président de la République.
Au Mali, le dialogue inter-maliens, tenu en avril-mai derniers, a réuni 3.000 participants, et abouti à 300 recommandations. Entre autres, on retiendra que le forum a recommandé d’engager le dialogue avec tous les mouvements armés maliens y compris les chefs terroristes Iyad Aghali et Ahmadou Kounfa, qui sont de nationalité malienne, instaurer une journée nationale du pardon, organiser le retour des réfugiés et des déplacés maliens, etc.
Trois recommandations phares retiennent l’attention. Il s’agit de la prorogation de la transition de trois à cinq ans, la possibilité offerte au chef de la junte Assimi Goïta de se présenter à la prochaine élection présidentielle moyennant la modification de l’article 9 de la charte de la transition, et l’élévation au grade supérieur des principaux responsables de la transition. Ces dernières recommandations ont été traduites en actes parce que le colonel Goïta est devenu général d’armée, le grade le plus élevé de l’armée malienne, et d’autres compagnons du chef sont promus généraux de corps d’armée et de division. Et la durée de la transition en cours a été prorogée de cinq ans. N’est-ce pas là les principaux enjeux du dialogue inter-maliens ?
Fort malheureusement, ce dialogue était intervenu alors que les partis politiques ont été suspendus. La mesure de suspension de leurs activités n’a été levée qu’en juillet dernier.
La tendance pour ne pas la tradition au sein de l’AES, c’est l’uniformisation des pratiques politiques. Doit-on s’attendre à ce que le dialogue national du Niger aboutisse à des recommandations semblables à celles du Burkina et du Mali ? Le temps nous édifiera.
La rédaction
L’Autre Républicain du jeudi 7 novembre 2024