Suite aux inondations de la saison pluviale 2024, l’Union européenne (UE) a décidé d’apporter un appui aux sinistrés d’une enveloppe de 1,3 million d’euros. D’autres pays de la sous-région comme le Nigeria, le Tchad, le Burkina Faso, le Mali, ont également bénéficié de ces appuis.
Il n’en fallait pas plus pour que le gouvernement nigérien dénonce la répartition de ce fonds à trois ONG internationales comme un mépris pour un Niger qui tient à sa souveraineté.
Le 22 novembre 2024, le Ministère en charge des Affaires Étrangères a publié un communiqué dénonçant l’aide humanitaire de l’Union européenne en faveur des sinistrés des inondations sans que le gouvernement nigérien en fasse la demande. Une telle décision de l’UE a immédiatement été perçue par les autorités du Niger comme une ingérence dans les affaires internes du pays, notamment en raison du mode de répartition de l’aide, qui n’a pas été concerté avec le gouvernement.
Dans ce communiqué, les autorités nigériennes expriment leur mécontentement face à la gestion unilatérale de cette aide, qui a été répartie entre trois ONG, à savoir le Comité International de la Croix-Rouge (CICR), le Danish Refugee Council (DRC) et Cooperazione Internationale (COOPI), sans consultation préalable. Le gouvernement accuse l’UE d’avoir agi en dehors des principes de transparence et de collaboration, en procédant à une répartition des fonds qui semble avoir été faite de manière arbitraire, en fonction des régions bénéficiaires.
La critique du Niger repose sur deux points essentiels : d’abord, l’absence de demande officielle d’aide humanitaire de la part du gouvernement ; ensuite, la gestion unilatérale de cette aide, qui se fait sans aucune coordination avec les autorités nigériennes. Le ministère des Affaires Étrangères a même exigé un audit sur l’utilisation des fonds afin de s’assurer que l’aide soit utilisée de manière conforme aux besoins réels des populations touchées par les inondations.
Face à ces accusations, l’Union Européenne a réagi en publiant un communiqué, dans lequel elle exprime son profond désaccord avec les allégations avancées par les autorités nigériennes. L’UE rappelle que l’aide humanitaire est essentielle et doit être fournie de manière neutre, impartiale et indépendante. Selon Bruxelles, l’assistance apportée par l’UE ne doit en aucun cas être instrumentalisée à des fins politiques. L’UE insiste sur le fait que cette aide a été mise en œuvre par des agences des Nations Unies et des ONG internationales, dans un cadre strictement humanitaire.
L’UE souligne également que, malgré la situation politique du pays, son objectif est de continuer à soutenir les populations vulnérables. Elle a ainsi décidé de rappeler son ambassadeur à Niamey pour des consultations à Bruxelles, une démarche qui montre l’ampleur du désaccord entre les deux parties.
Dans un deuxième communiqué, daté du 24 novembre 2024, le gouvernement du Niger a réaffirmé sa position et a précisé que l’aide humanitaire de l’UE n’avait pas été sollicitée. Le gouvernement rappelle qu’il avait décidé de prendre en charge les dégâts causés par les inondations sur fonds propres, en toute souveraineté. De plus, il souligne que l’annonce de l’aide de l’UE avait été faite via les réseaux sociaux avant même que les autorités nigériennes ne soient informées officiellement, ce qui, selon le gouvernement, constitue une violation des usages diplomatiques.
Dans ce contexte, le ministre des Affaires Étrangères a exigé le remplacement de l’ambassadeur de l’UE à Niamey, M. Salvador Pinto Da França, estimant que sa présence au Niger était devenue incompatible avec les relations diplomatiques entre les deux parties.
Pourquoi une telle réaction du gouvernement nigérien face à une aide humanitaire pourtant essentielle pour les victimes des inondations ? Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce différend.
Tout d’abord, dans un contexte post-coup d’État, les autorités nigériennes cherchent à affirmer leur autonomie et à éviter toute forme d’ingérence, même si celle-ci est supposée être humanitaire. En refusant cette aide non sollicitée, le gouvernement cherche à marquer sa souveraineté et à éviter la perception d’une quelconque manipulation politique par les puissances extérieures.
Ensuite, la gestion de l’aide par des ONG internationales sans coordination avec les autorités locales semble avoir créé la méfiance du gouvernement.
Enfin, la question de la transparence est cruciale. Le gouvernement du Niger a exprimé sa volonté de superviser les actions humanitaires sur son territoire et de garantir qu’elles soient alignées avec les priorités nationales. Cette répartition non concertée de l’aide par l’UE a donc été perçue comme une violation de cette volonté de contrôle et d’organisation des interventions.
Au-delà de la question humanitaire, ce différend entre le Niger et l’Union européenne a des répercussions diplomatiques. L’UE va-t-elle nommer un nouvel ambassadeur ? Va-t-elle jouer la règle de la réciprocité en expulsant l’ambassadeur du Niger à Bruxelles ? Va-t-elle demander le départ d’une partie du personnel diplomatique de notre pays ? Demandera-t-elle à ses pays membres de déclarer les chefs de missions diplomatiques du Niger persona non grata ?
Mahamadou Tahirou
L’Autre Républicain du jeudi 28 novembre 2024