Aujourd’hui, 26 novembre, cela fait seize mois jour pour jour, qu’un beau matin de juillet, les Nigériens apprirent qu’une nouvelle junte devait désormais présider aux destinées de leur pays. Nullement des inconnus, les mutins étaient logés à bonne enseigne, puisqu’ils occupaient de hautes fonctions militaires et stratégiques, dont celle de la sécurité même du Président. Une élite prétorienne, longtemps républicaine, mais qui, fidèle à l’habitus du militaire – politicien que décrivait un politique nigérien, n’a pas manqué de revêtir l’uniforme de la sédition sous couvert de salut du peuple : cachez cette espèce de démocratie que je ne saurais voir, et même les hommes et femmes qui en avaient la charge suprême ! Et il en fut ainsi littéralement.
Depuis 489 jours, le couple présidentiel se morfond dans les souterrains du Palais, nonobstant une condamnation judiciaire lui conférant logiquement le statut, non plus d’otage, mais de détenu politique, susceptible d’être transféré dans une geôle publique. La vie de château n’est pas toujours ce qu’on croit !
Des dizaines d’autres acteurs sont, pour leur part, disséminés dans les différentes prisons du pays, sans qu’ils ne soient jusque-là traduits devant les juridictions. Bannis par décret de la terre qui les a vus naître ou grandir, d’autres Nigériens encore devraient, eux, connaître les affres de l’exil et la nostalgie des êtres chers.
Ainsi donc, l’on a changé une partie notable de la classe dirigeante, fait incarcérer nombre de figures politiques et de cadres techniques, déchoir de leur nationalité certains d’entre eux comme un jeu d’enfant.
Peut-on dès lors prétendre faire le bonheur du peuple, renforcer l’unité nationale et l’amour du pays en incarcérant durablement une partie de ses enfants ? De surcroît, sans jugement aucun, et surtout en rendant apatrides des hommes et des femmes en raison des divergences politiques ou de suspicion d’actes « anti patriotiques » , en réalité d’une velléité de pérennisation au pouvoir. La détention, non de la légitimité politique, mais de la force militaire seule suffit-elle à décider du sort et de l’avenir de milliers de citoyens, parents, enfants, amis ou proches de ceux et celles qui sont martyrisés depuis seize mois ?
Il faudrait donc craindre que ces actes d’une extrême gravité ne fassent le lit des règlements de comptes futurs, de toutes natures, d’autant plus que nous vivons dans une société d’interconnaissance, où l’honneur et la fierté demeurent encore des valeurs fortes, sur lesquelles nul ne saurait transiger. C’est bien là une épée de Damoclès qui pèse sur l’avenir du pays, sa stabilité et sa paix sociale.
L’opportunité reste cependant d’ôter le ver du fruit en convoquant un collège de sages afin de passer au peigne fin toutes les mesures porteuses d’exclusion, d’injustice, et de discrimination, susceptibles de saper la fraternité et le développement du pays. Étant donné que nul n’est éternel, comme dans la Bible, il peut arriver que les derniers soient les premiers et les derniers les premiers. Étant donné que nul ne souhaiterait certainement un éternel recommencement, la sagesse recommanderait, qu’à un certain moment, l’on s’arrête pour se regarder les yeux dans les yeux, pour parler, si tant est que le Niger est réputé être un pays de dialogue et de palabres.
Alea Jacta Est !
Dr Souley Adji