Le secrétaire général de la Confédération Nigérienne du Travail (CNT), Mounkaila Halidou, a animé un point de presse, ce 24 décembre 2024, d’une rare intensité, abordant des questions essentielles de la vie politique et sociale du Niger. Cette intervention, qui s’inscrit dans un contexte particulièrement sensible de transition, a permis à la CNT de se prononcer sur les préoccupations socio-économiques des travailleurs et la défense des libertés fondamentales, notamment la liberté syndicale. Cette sortie musclée pourrait, sans nul doute, marquer un tournant décisif dans les relations entre le CNSP et les syndicats.
Le premier point soulevé par Mounkaila Halidou concernait le message à la Nation livré par le président du Conseil National de la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), le général Abdourahamane Tiani, à l’occasion du 66ème anniversaire de la proclamation de la République du Niger. Si la CNT n’a jamais cessé de marquer son soutien aux autorités du CNSP, notamment dans la lutte pour la souveraineté nationale qui a conduit à la fermeture des bases militaires étrangères, elle a cependant exprimé une déception marquée quant à la non évocation des préoccupations des travailleurs. En particulier, le SG a dénoncé l’oubli de la question cruciale du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) qui devrait être rehaussé pour soulager les petits salariés, des recrutements dans la fonction publique, ainsi que de la régularisation des arriérés de salaires des fonctionnaires.
La transition actuelle, dont l’objectif affiché est de renforcer la souveraineté nationale et de restaurer la cohésion sociale, aurait dû, selon la Centrale syndicale, donner une place de choix au dialogue national inclusif. Or, cette dimension, qui semble être une priorité pour une large portion de la population, n’a pas été abordée dans le message du chef de l’État. La CNT s’interroge sur l’absence de mesures concrètes en matière de réconciliation nationale et sur la non mise en place d’organes de transition, tels que l’Observatoire National de la Communication (ONC), le Conseil constitutionnel ou encore le parlement de transition. Autant d’insuffisances qui nourrissent une inquiétude légitime quant à l’engagement des autorités actuelles à mener à bien le processus de réformes nécessaires à la stabilisation du pays.
La liberté syndicale, un défi
Le second point abordé par la CNT a porté sur le respect de la liberté syndicale, gravement mise à mal, selon le Secrétaire général, par l’attitude de l’Administrateur Délégué de la ville de Niamey. Le retrait d’un récépissé par voie de presse délivré à un syndicat légalement constitué, en l’occurrence le Syndicat Autonome de la Météorologie Aéronautique et Civile (SYAMAC), a été vivement dénoncé par la CNT. Mounkaila Halidou a rappelé que la liberté syndicale est un droit fondamental, et que les syndicats, contrairement aux autres associations, n’ont pas besoin d’une autorisation préalable pour exister. Cette atteinte à un droit fondamental constitue un signal inquiétant sur la manière dont les autorités actuelles perçoivent la démocratie et les libertés publiques. En dénonçant cette ingérence, la CNT a réaffirmé son engagement à défendre la liberté syndicale et a appelé le gouvernement à respecter ses engagements internationaux en matière des droits du travail.
Au-delà de ces points, le SG de la CNT a également dénoncé des pratiques de gestion opaque par certaines autorités de la transition. Il a notamment mis en lumière que les mêmes acteurs dont leurs noms ont été cités dans les différents scandales et autres « Gates », raflent des marchés publics sur fond de favoritisme. Cette situation est, selon lui, passée sous silence par le président du CNSP dans son message. Dans cette logique, la Commission de Lutte contre la Délinquance Economique, Financière et Fiscale (COLDEFF) à plus de transparence dans ses actions, afin d’éviter que des scandales financiers ne viennent ternir l’image d’une transition qui se veut exemplaire, a-t-il précisé.
Au total, la sortie médiatique de la CNT apparaît comme une prise de position ferme destinée à attirer l’attention sur les manquements et les préoccupations profondes des travailleurs et de la population nigérienne en cette période de transition. C’est une alerte sur le fait que les syndicats, même s’ils ont soutenu le coup d’Etat, n’entendent pas servir de faire-valoir au CNSP.
Mahamadou Tahirou
L’Autre Républicain du jeudi 26 décembre 2024