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5 juillet, 2025
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Violences estudiantines à l’Université Abdou Moumouni

La terreur comme méthode, l’impunité comme bouclier ?

L’enceinte universitaire, sanctuaire présumé du savoir et du débat d’idées, a une nouvelle fois été souillée par la violence. La déclaration accablante du Bureau Exécutif de la section SNECS de l’Université Abdou Moumouni de Niamey (UAM), relatant les événements du 28 juin dernier au Centre d’Excellence Régional sur les Productions Pastorales (CERPP), dresse le constat implacable d’une dérive inquiétante. Sous couvert d’un syndicalisme étudiant dévoyé, l’Union des Étudiants Nigériens à l’Université de Niamey (UENUN), à travers sa milice, la CASO, impose un régime de terreur qui interroge profondément sur l’état de notre société.

Imaginez la scène : une cérémonie « Portes Ouvertes » d’envergure, placée sous le haut patronage du Ministre de l’Enseignement Supérieur, rassemblant recteur, doyens, enseignants-chercheurs, cadres ministériels de plusieurs départements, partenaires stratégiques nationaux et internationaux, dont la Banque Mondiale, et étudiants. Un moment de valorisation académique et de coopération. C’est ce rassemblement pacifique que la CASO, mandatée par le Secrétaire Général de l’UENUN sous le prétexte fallacieux de non-association, a choisi de prendre pour cible. Leur méthode ? Le vandalisme pur et simple des installations, les menaces lâches contre les participants terrorisés, et l’agression physique d’enseignants-chercheurs. Le point d’orgue de cette forfaiture : l’arrachage et le vol du téléphone d’un collègue, dans une tentative pathétique d’effacer les preuves de leur brutalité. Les partenaires, la presse, fuient, terrorisés. L’image du Niger universitaire, laminée.

Pourquoi de tels agissements ?La question brûle les lèvres. Pourquoi des responsables estudiantins, censés défendre les intérêts de leurs pairs, optent-ils systématiquement pour la violence, l’intimidation et la destruction ? Est-ce l’expression d’une frustration légitime détournée en rage aveugle ? Ou le symptôme d’une perversion profonde du rôle syndical, transformé en instrument de pouvoir coercitif ? Cette escalade répétée suggère surtout une chose : **un sentiment d’impunité totale**. La CASO agit en toute impunité, convaincue qu’aucune conséquence sérieuse ne suivra ses exactions. Cette certitude est-elle infondée ? L’histoire récente donne malheureusement raison à leurs calculs.

Sommes-nous dans une société indisciplinée en perte de repères et de bonnes valeurs ? L’université, microcosme de la nation, reflète souvent ses maux. La récurrence de ces violences ciblées, le mépris affiché pour le dialogue, le travail académique et les institutions, le recours systématique à la force brutale plutôt qu’à l’argumentation, tout cela ne peut que nous alarmer. Où est passée la culture du débat respectueux, du désaccord constructif, de la revendication légitime menée par des canaux appropriés ? La violence comme mode opératoire premier, surtout contre ceux qui incarnent la transmission du savoir, signe-t-elle une érosion inquiétante des valeurs fondamentales de respect, de civisme et de raison qui devraient fonder toute communauté, a fortiori estudiantine ? L’incapacité apparente à sanctionner efficacement ces agissements nourrit ce sentiment de déliquescence et envoie un message désastreux à la jeunesse : la force prime sur le droit.

Un précédent glaçant qui en appelle un autre. Car il serait malhonnête de considérer l’attaque du CERPP comme un incident isolé. Le SNECS rappelle, à juste titre, un précédent qui aurait dû sonner l’alarme : **en avril dernier, la même CASO avait fait irruption de manière tout aussi violente dans le dortoir des étudiantes de l’Université Islamique de Niamey.** Des jeunes femmes violentées, tout comme les responsables universitaires et enseignants présents sur place. Un scandale. Un traumatisme. Et pourtant, que s’est-il passé ? Où sont les sanctions exemplaires promises ? Le silence assourdissant et l’inaction qui ont suivi cet épisode ignoble ont sans aucun doute pavé la voie à la récidive de juin. L’impunité est le terreau de la répétition.

Le SNECS exige à raison une condamnation publique ferme du Recteur, la convocation immédiate de la commission disciplinaire et des sanctions conformes aux textes. Mais au-delà de l’enceinte universitaire, c’est aux pouvoirs publics compétents de « s’assumer », comme le syndicat le demande avec insistance. La justice doit impérativement s’emparer de cette affaire, comme le réclame le SNECS. Elle doit enquêter sans complaisance sur les agissements de la CASO, identifier et poursuivre ses commanditaires au sein de l’UENUN, et examiner le lien entre les événements d’avril et ceux de juin. L’attaque contre le dortoir des étudiantes ne peut rester une note en bas de page de l’histoire universitaire nigérienne. Ces violences sexistes et institutionnelles méritent une lumière crue et des comptes à rendre.

Les prochains jours seront édifiants. Tolérera-t-on une nouvelle fois que la terreur estudiantine triomphe de la loi et du bon sens ? Ou prendra-t-on enfin la mesure de ce précédent dangereux qui ronge le cœur même de notre système éducatif et, par là même, l’avenir de la nation ? La réponse des autorités universitaires et judiciaires sera un test crucial. Le Niger académique, et plus largement la société nigérienne, méritent mieux que le règne des casseurs et l’ombre portée de l’impunité. Il est temps que la raison, le droit et le respect reprennent leurs droits sur le campus. Avant la prochaine descente. Avant qu’il ne soit trop tard.

Mahamadou Tahirou

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