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5 juillet, 2025
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Conseil Consultatif de la Refondation : Une assemblée d’ombres et de silences

Le Conseil Consultatif de la Refondation (CCR) a été officiellement installé par le Premier ministre Ali Mahaman Lamine Zeine, ce samedi 28 juin 2025, au centre des conférences Mahatma Gandhi de Niamey. Dès ce dimanche 29 juin, les conseillers entameront une session de 15 jours.

Longtemps attendu, depuis la nomination des conseillers par décret présidentiel en date du 1er mai 2025, le CCR n’a fait parler de lui qu’à travers le silence, l’inaction et le flou. Son bureau, nommé, lui aussi par décret du général Tiani, le 8 mai, est resté cloîtré dans une inertie énigmatique en dehors de quelques rares audiences accordées par le président de l’institution et des réunions du bureau qu’il a convoquées. Ce long mutisme, dans un contexte national où chaque minute compte, interpelle sur les véritables objectifs de cette structure qualifiée ironiquement par certains d’« atchi acha ruwa », littéralement « la messe du ventre ».

Officiellement, le CCR découle des recommandations des Assises Nationales tenues en février 2025 à Niamey. Dans les faits, il incarne surtout un habillage institutionnel de la volonté du pouvoir militaire d’enrober son autorité d’un semblant de légitimité populaire. Mais le vernis craque vite. Aucun des membres n’a été élu. Aucun ne représente directement le peuple. Tous ont été nommés, à huis clos, pour leur loyauté inconditionnelle au régime en place. En somme, le CCR n’est rien d’autre qu’un cénacle d’alliés politiques triés sur le volet pour servir les desseins d’un pouvoir qui refuse tout débat contradictoire.

Comment comprendre alors le délai de près de deux mois entre la nomination du bureau et la convocation de la session inaugurale ? S’agit-il d’un simple retard technique ? S’agit-il d’un problème de trésorerie ? Ou bien est-ce là une manœuvre bien calculée pour détourner l’attention de l’opinion nationale des véritables urgences que traverse le pays ? Plusieurs analystes politiques y voient une diversion politique savamment orchestrée pour noyer les préoccupations brûlantes dans un faux débat institutionnel. L’installation du CCR intervient d’ailleurs dans un contexte marqué par des tensions sociales, une économie en berne, des libertés muselées et une inquiétude croissante face à l’avenir.

Le calendrier ne trompe pas. Il fait suite à une rencontre tenue secrète entre le chef de l’Etat et d’anciens présidents de la République et anciens chefs d’État, présidents d’Assemblée nationale et Premiers ministres. Cette réunion de haut niveau, dont les contours exacts restent flous, pourrait, selon certaines indiscrétions, bien avoir influencé l’agenda et la teneur des débats en perspective au sein du CCR. Quelle est la véritable mission de cette institution ? Refonder la République ou préparer les jalons d’un processus de consolidation autoritaire ? Difficile de ne pas pencher pour la seconde hypothèse, tant les signes d’une politique de confiscation de la parole publique se multiplient.

Le plus alarmant reste cependant le profil des membres de cette assemblée. En d’autres termes, le CCR n’est pas le reflet d’une volonté collective de refondation, mais le miroir d’un entre-soi politique assumé, destiné à occuper l’espace public pendant que les urgences sociales, économiques et sécuritaires continuent de ronger les fondements de la nation.

Et que dire de la diversité des opinions ? Aucune voix critique, aucune figure de la société civile indépendante, aucun intellectuel libre, aucun acteur des mouvements citoyens ne figurent dans cette liste soigneusement filtrée. Le CCR ressemble ainsi davantage à un organe de propagande institutionnalisée qu’à une instance de dialogue républicain. Il est à craindre que, sous couvert de « refondation », ce conseil ne serve qu’à avaliser des décisions déjà prises ailleurs, loin du regard du peuple.

Au fond, le CCR cristallise un paradoxe : il est censé refonder la République, mais il en trahit l’esprit. Il prétend écouter la nation, mais il la réduit au silence. Il se veut un lieu de débat, mais il est déjà un espace clos, verrouillé par une idéologie unique et une loyauté aveugle. Ce que l’on observe ici, ce n’est pas une refondation institutionnelle, mais bien une tentative de légitimation autoritaire, à peine maquillée.

« Atchi acha ruwa » : l’image est bien trouvée. Une messe du ventre. Une illusion de réforme qui ne fait que renforcer l’impasse politique actuelle. Si véritable refondation il doit y avoir, elle ne pourra jamais se faire sans le peuple, sans les voix discordantes, sans les regards critiques.

Mahamadou Tahirou

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