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12 octobre, 2024
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Face à la presse : De quoi le général Tiani a-t-il peur ?

Le chef de la junte commence à prendre goût à cet exercice de communication à travers une interview en langues nationales (Hausa et Zarma) … et en français la dimanche dernier. C’est sans doute une façon de sortir de l’ombre et de mieux affirmer son leadership au sein d’un CNSP qui donne l’impression d’être bicéphale voire même tricéphale. Il veut que les Nigériens retiennent qu’il est le véritable chef. En effet, depuis le coup d’Etat du 26 juillet dernier, c’est la 2è fois qu’il se livre à cet exercice pour parler de l’actualité nationale selon sa grille de lecture.

Ce dimanche 10 décembre, au même moment où se tenait le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO, une annonce a abondamment circulé sur les réseaux sociaux invitant les Nigériens à suivre le chef de l’Etat à 20h. On pensait à un message à la Nation consécutif aux conclusions du sommet d’Abuja et donc à des décisions fortes. Surtout que le même jour, presque à la même heure, le chef de la junte burkinabé devrait s’adresser à ses compatriotes. Non, il s’agit d’un entretien à sens unique qui a pris l’allure de justification face à certains événements. Il en est ainsi de la séquestration du président Bazoum et de sa famille.  Bazoum est comme un os dans la gorge de Tiani : il pensait en avoir fini avec le président de la République mais non. Même séquestré, Bazoum hante les journées de Tiani.

On est désormais sûr d’une chose : Tiani a peur de libérer Bazoum. Tiani ne veut pas libérer Bazoum. Pour lui, libérer Bazoum aurait été une opération dangereuse pour la sécurité nationale. A la vérité, elle aurait été dangereuse pour Tiani et ses amis car il s’agit du président démocratiquement élu, qui bénéficie encore de la légitimité populaire. Tiani prétendait avoir voulu libérer l’épouse du président et leur fils mais son offre s’est heurtée au niet du président Bazoum. Normal, parce que dans une de ses interventions, le chef de la junte avait laissé entendre qu’il n’avait pas les moyens d’assurer la sécurité de la famille Bazoum si elle venait à être libérée. A l’époque, il voulait maladroitement justifier la séquestration de la famille Bazoum. Le comble de l’incohérence, c’est que depuis plusieurs semaines, la justice avait ordonné de libérer Salim, le fils du président, mais Tiani n’y a pas donné suite.

La peur au ventre

Tiani laisse croire sans doute aux plus naïfs que Bazoum ne peut pas être libéré parce que la France préparait une intervention militaire contre la junte. Bazoum devient ainsi un bouclier humain en cas d’intervention de la France de connivence avec la CEDEAO ; la France était même présentée par le général Tiani comme celle qui alimente les groupes terroristes dans le Sahel, comme le sponsor d’un terrorisme importé. France et CEDEAO apparaissent comme les 2 souffre-douleurs que la junte diabolisait à volonté. En même temps, elles lui servaient de sujets de propagande pour mobiliser les foules, perpétuer l’euphorie de départ, afin que les populations ne s’intéressent pas à l’essentiel marqué par la cherté de la vie, les difficultés pour gérer le quotidien des familles, le chômage en hausse, etc.

Autre justification pour poursuivre la séquestration de Bazoum, c’est que selon Tiani, « …dans la même période, il y avait trois groupes d’hommes armés implantés dans le nord du pays et qui n’attendaient que sa libération pour nous attaquer ». Il veut présenter le président Bazoum sous un mauvais jour en le faisant passer pour un chef terroriste. Or, il est de notoriété publique que le président Bazoum, porteur de l’idéal démocratique dans notre pays, mène un combat démocratique, avec des armes démocratiques parce qu’il a une âme de démocrate qui reprouve la violence et le recours aux armes. Bazoum aime profondément son pays pour se laisser aller à la violence pour mener son combat politique.

Le général Tiani est apparu comme un homme qui a peur de l’imminence de l’intervention militaire de la CEDEAO qu’il dit en veilleuse, et de la présence des ministres et autres collaborateurs du président Bazoum à l’étranger. Il croit savoir qu’il y a un gouvernement de résistance installé à l’extérieur qui, une fois le président Bazoum libéré, revendiquera le pouvoir avec l’aide de la France. Encore la France.

Si le dialogue national annoncé, en grandes pompes, depuis longtemps, ne s’est pas encore tenu, cela est lié à la présence sur le sol nigérien de 1.500 soldats français.  En raison de l’hostilité de la France couplée à une menace d’intervention militaire de la CEDEAO et à l’activisme des groupes terroristes, c’était un risque de l’organiser, a estimé Tiani. Mais ce dialogue se tiendra bientôt.

Si le président Bazoum n’est pas libéré, cela prouve que la junte n’est pas dans une posture dialogique mais plutôt confrontationnelle avec la CEDEAO. Celle-ci aura alors toute latitude pour mettre en œuvre son train de sanctions complémentaires déjà énoncées comme l’intervention militaire contre la junte.

Autres points d’attention

Le général Tiani a aussi vanté sa nouvelle stratégie militaire dans la lutte contre le terrorisme. On a attendu de voir en quoi elle consiste véritablement et les premiers résultats qu’elle a donnés. Ce d’autant que l’opinion publique reproche au CNSP de manquer de transparence sur ce qui se passe sur les théâtres des opérations. Les réseaux sociaux rapportent des résultats plutôt mitigés avec des pertes en vies humaines sans que le CNSP ne communique effectivement pour informer les Nigériens sur le nombre de morts avancé. Nombreux pensent, en effet, que le terrorisme s’est développé depuis les évènements du 26 juillet. Peut-être que c’est encore la main de la France, comme le laissent croire les zélateurs de la junte.

On a attendu que le général Tiani soit convainquant sur des préoccupations majeures comme les réponses aux crises alimentaires et pastorales qui se profilent à l’horizon, dans bien de localités. Il a lui-même évalué le déficit céréalier à 39% et fourrager à 53%. Il en est de même de l’inflation galopante et de la vie chère qu’il a liée notamment à l’« embargo sauvage » de la CEDEAO. Quelle est la solution ? Il parle de multiplication de partenariats et de recherche de nouveaux corridors (Burkina Faso, Algérie, Guinée, Libye, Algérie). Mais en attendant que ces nouveaux corridors soient opérationnels, qu’y a-t-il lieu de faire ? On a eu droit à des lamentations pour dénoncer le blocage de l’approvisionnement en médicaments et en énergie électrique de la part de la CEDEAO, que Tiani a qualifié de terrorisme, dont la conséquence est la mort de plusieurs personnes. Il aurait fallu rappeler la cause de cet embargo, à savoir le coup d’Etat. S’il n’y avait pas eu de rupture de l’ordre constitutionnel, le 26 juillet, il n’y aurait pas eu de sanctions économiques et financières contre le Niger.

En définitive, on s’est attendu à entendre le chef de la junte décliner l’agenda de la transition pour que les Nigériens sachent vers quelle destination il les dirige. C’est aussi cela, entre autre, qu’attend la CEDEAO pour assouplir ses sanctions voire les lever. Au lieu de cela, on semble emprunter le chemin sinueux des juntes malienne et burkinabé qui tirent la transition en longueur, en faisant du dilatoire parce qu’elles n’ont pas envie de quitter le pouvoir de sitôt.

Ceux des civils qui ont sponsorisé le coup d‘Etat ou qui l’ont commandité doivent comprendre qu’ils sont en train d’être roulés dans la farine. L’ancien président Issoufou Mahamadou que certains doigtent comme le cerveau du coup d’Etat doit sans doute froncer les sourcils parce qu’il aura perdu sur toute la ligne : son pays, son parti et son aura personnelle aux plans national et international.

La rédaction

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