Un autre rendez-vous crucial raté. Des espoirs nourris par les Nigériens épuisés par les sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA, une fois de plus déçus. La sortie de crise au Niger est comme l’horizon qui s’éloigne à mesure que l’on s’y approche. Pendant ce temps, la précarité continue à faire son lit. Les Nigériens savent maintenant se passer le mot pour dire que le pays va mal : Labou sanni no.
L’échec de la mission des médiateurs mandatés par la CEDEAO attendus ce jeudi 25 janvier a été annoncé par le Premier ministre Ali Mahamane Lamine Zeine au cours d’un point de presse en fin de journée.
Faisons un petit rappel. La mission devrait être au Niger le 10 janvier. A la requête du Premier ministre qui a invoqué la tenue du forum sur le dialogue national, la date du 25 janvier qu’il a proposée a été acceptée par la médiation. C’était dans un courrier en date du 8 janvier qu’il a adressé au ministre togolais des Affaires étrangères dont le pays assure le leadership de la médiation.
On a été surpris par deux propos tenus par le Premier ministre au cours de son point de presse. Le premier propos est relatif à la date. En effet, on l’a entendu dire avoir proposé aux médiateurs la date du 25 janvier. Curieusement, il fait savoir que son gouvernement avait attendu la mission le 12 janvier mais elle n’était pas au rendez-vous. Comment ceux qui étaient attendus le 25 janvier pourraient-ils venir le 12 janvier ? On a du mal à comprendre cette gymnastique.
On se rappelle du doute créé dans les esprits par la Radio et Télévision du Niger (RTN) lorsqu’elle avait démenti le courrier adressé par le Premier ministre au ministre togolais des Affaires étrangères sur le report de la mission au 25 janvier. La RTN sait de qui tenir en faisant ce faux démenti destiné sans doute à satisfaire les désidératas de l’aile anti dialogique de la junte.
Deuxième propos : Le report au 25 janvier a été motivé par la tenue des assises nationales. Celles-ci n’ont toujours pas été convoquées. Mais lors de son point de presse, Zeine a indiqué que le report a été motivé par certains impératifs qui ont été réglés entre-temps. De quels impératifs s’agit-il alors que dans son courrier, il avait invoqué la tenue des assises ?
Ce 25 janvier, seul le ministre togolais des Affaires étrangères a fait le déplacement de Niamey. Les autres membres de la mission à savoir les ministres béninois et sierra-léonais des Affaires étrangères ainsi que l’ancien chef d’Etat du Nigeria, Abdul Salami Abubakar, n’étaient pas au rendez-vous.
Dans un communiqué en date du 25 janvier, la Commission de la CEDEAO a donné la raison de l’absence des autres membres de la mission en ces termes : « malheureusement, en raison de problèmes techniques de l’avion que la Commission avait affrété, le vol spécial devant conduire la délégation d’Abuja à Niamey n’a pu être effectué ». La Commission a présenté ses regrets aux autorités de Niamey et marqué sa détermination à reprogrammer la mission dans les plus brefs délais.
N’empêche. Le ministre togolais pourrait échanger avec la junte. On se rappelle qu’en décembre dernier, il était parvenu à faire bouger les lignes en s’accordant avec la junte sur une durée de la transition comprise entre 15 et 18 mois. Seul le second préalable relatif à la libération du président Mohamed Bazoum n’était pas réglé. On pensait qu’avec la mission de ce mois, tout sera finalisé pour permettre à la Conférence des Chefs d’Etat de la CEDEAO d’alléger voire de lever les sanctions qui frappent si durement les Nigériens.
Zeine ne s’est pas privé de jeter la pierre dans le jardin de la CEDEAO en dénonçant au passage sa « mauvaise foi ». Dans un contexte de dialogue, cette expression méprisante ne devait pas avoir droit de cité.
Toute autre chose : on continue à s’interroger sur la motivation des autorités à permettre à des Associations ouvertement engagées contre le dialogue avec la CEDEAO organiser des sit-in sur le trajet que devait emprunter la mission une fois à Niamey. Ce climat d’hostilité entretenu envers la CEDEAO par la junte n’est pas de nature à favoriser des échanges sereins qui permettent une sortie de crise rapide. La junte s’adosse sur ces extrémistes chauffés à blanc pour saborder le processus du dialogue, ce qui fait perdurer la précarité et les souffrances des Nigériens.
Les manifestants ont occupé les ronds-points Escadrille (à côté de l’aéroport international Diori Hamani), 6è et Palais des congrès. Curieusement, le sit-in n’a pas été autorisé au niveau du rond-point Nelson Mandela (rond-point Hôpital), non loin de la Présidence et de la Primature. Ce, pour des raisons de sécurité. Ces manifestants comptent vraiment pour la junte que le Premier ministre leur a rendu une visite de courtoisie à son retour du périple qu’il a effectué à Moscou, Dubaï et Téhéran.
La résilience des populations tant chantée a des limites. Et il faut en tenir compte car les Nigériens sont exténués par tant de sacrifices consentis depuis le coup d’Etat du 26 juillet 2023.
Dans la gestion de l’imbroglio nigérien, il faut savoir raison garder. Les autorités de fait doivent avoir un minimum de sens de l’Etat car comme l’a confié un diplomate contacté par nos soins : « Aucune personne respectable ne viendra vous rendre visite lorsque vous alignez des sbires pour lui huer dessus. Les gens se respectent. Et quoi qu’on dise, ce n’est pas la CEDEAO qui veut des pourparlers. C’est notre pays qui fait face à une crise politique. Et c’est notre pays qui subit les sanctions et l’autarcie ». En d’autres termes, c’est bien l’hôpital qui se moque de la charité.
La rédaction