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10 octobre, 2024
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 Liaison junte/Issoufou : La pomme de discorde ?

La polémique suscitée par le récent aller-retour Niamey-Addis-Abeba de l’ancien président Issoufou Mahamadou prouve à suffisance que la junte entretient une liaison suspecte voire dangereuse avec ce dernier. Du moins, elle peine à convaincre sur la sincérité de son action pour la sauvegarde de la patrie. Aux yeux des analystes, tout se passe comme si la junte serait à la solde de l’ex président. Ce qui, du coup, apporte de l’eau au moulin de ceux qui ont très tôt accusé Issoufou Mahamadou comme commanditaire du putsch contre Mohamed Bazoum.  Regard sur le deal faustien entre la junte et le mentor de Tiani.

Sur le principe du voyage d’Issoufou Mahamadou, avouons qu’il n’y a rien à redire en ce sens qu’il n’est ni inculpé ni mis en examen dans aucune affaire pour le moment. Une certaine opinion aurait voulu que la junte empêche à Issoufou de voyager. Sauf qu’il n’y a actuellement aucune procédure judiciaire contre lui. Soit.

Mais à bien comprendre la réaction des uns et les autres, ce n’est pas tant le voyage qui constitue un dilemme cornélien pour la junte. C’est bien la nature de la liaison que celle-ci entretient avec Issoufou Mahamadou qui serait à la fois le commanditaire du putsch pour les uns et le responsable N°1 de ce que la junte reproche au régime de Mohamed Bazoum voire les 12 ans de la Renaissance.

En décembre dernier, dans une tribune (Le Sahel face au péril militariste), Moussa Tchangari écrivait à propos de la junte : « (…) elle semble bien consciente que nombre de ses propres soutiens, civils comme militaires, attendent également des signaux clairs indiquant qu’elle n’est pas le bras armé de l’ancien président Issoufou Mahamadou qui cristallise toutes les rancœurs nées des 12 années de gestion du pays par son parti, le PNDS-Tarrayya. »

Et Moussa Tchangari d’avertir : « Les manifestations des mois précédents, dont le thème principal était le départ immédiat des forces françaises du Niger, ont été l’occasion pour certains de rappeler à la junte que leur soutien ne lui sera définitivement acquis que si elle prend ses distances d’avec l’ancien président, accusé d’être l’instigateur même du putsch du 26 juillet. »

Loin s’en faut. Issoufou Mahamadou continue plus que jamais d’être dans les bonnes grâces de la garde présidentielle (GP) comme s’il était le seul ancien président de la République. Où est-il logé et entretenu ? Qui assure sa sécurité ? C’est bel et bien la GP de sorte que même avant les évènements du 26 juillet, il était établi que Issoufou Mahamadou était plus sécurisé que le président Bazoum. Accompagné d’une délégation d’officiers et d’agents de sécurité, le voyage d’Addis-Abeba en dit long sur l’emprise d’Issoufou sur la junte.  Ce n’est pas surprenant avec toutes ces récriminations de désenchantement qu’on lit ça et là, à l’occasion de ce voyage. La junte a un grand défi à relever à savoir éclairer la lanterne des Nigériens sur le flou artistique qu’elle entretient avec Ie père fondateur de la Renaissance.  « De nos jours, d’autres langues commencent à se délier après moult hésitations, tellement la situation était invraisemblable. En effet, avec le temps et au fil des actes et faits, la croyance à un coup d’Etat ‘’salvateur’’ s’effrite tant du côté des opposants et autres acteurs sociaux naïfs que du côté des acteurs politiques ayant fermement espéré récupérer le mouvement», s’indigne cet analyste qui a requis l’anonymat.

Issoufou Mahamadou, un invité gênant au sommet de l’UA

A Addis, Issoufou qui aime tellement les honneurs et les frasques n’était pas la vedette de la rencontre comme il aimerait se faire passer au moment de sa gloriole de Chef d’Etat qui incarnait les valeurs de démocratie, de dignité, de panafricanisme et d’humanisme. Jeune Afrique l’a qualifié ‘’d’invité clivant du sommet de l’UA’’.  MondAfrique est encore plus sévère : « Ce déplacement d’Issoufou est gênant pour l’Union africaine – pourquoi inviter en grande pompe celui qu’on soupçonne d’être le cerveau du coup d’Etat qui a valu sa suspension de l’organisation au Niger ? Moussa Faki n’était pas obligé d’ouvrir cette brèche à Issoufou ni de lui envoyer un avion privé à Niamey. Cela affaiblit la cohérence des positions de l’organisation. Et semble consolider le camp Issoufou dans la bataille politique interne. »

 Selon une source, ‘’il était presque snobé par tout le monde, comme un pestiféré, personne ne voulait le recevoir’’ tant dans sa posture actuelle il se trouve aux antipodes de la marche actuelle du monde. En dehors du jeune Premier ministre du Tchad qui fait son baptême de feu et Umaro Sissoco Embalo qu’il a séduit lors de son installation à la présidence de la République dans un contexte difficile en Guinée Bissau, on n’a pas vu Issoufou Mahamadou s’afficher avec les grands leaders africains. Ses communicants et laudateurs très friands de partager ses prouesses ont désespérément manqué de la matière en dehors des images en conférence notamment lors de la présentation de son rapport. 

Adieu l’image du grand leader, du démocrate, du bâtisseur qu’il a voulu laisser à la postérité. Sorti par la grande porte, par sa boulimie, l’homme s’est trempé dans la poubelle de l’Histoire universelle. Dans un deal faustien avec Tiani, il fait le pari de tout régenter au Niger notamment les ressources du pays. D’aucuns voient sa touche dans le récent remaniement technique du gouvernement. S’il avait fait une guerre de pétrole à Mohamed Bazoum, ce n’est très certainement pas pour offrir sur un plateau d’argent la gestion des ressources à son Opposition. Il vient de forcer la main à Tiani pour arracher les Mines et l’Energie du lumaniste Mahaman Barké. Lamine Zeine pourra-t-il tenir face à l’agenda de T3 ? That’s the question.

A propos de sa liaison dangereuse avec Issoufou Mahamadou, la junte est ici interpellée par Mondafrique.com : « Mais le voyage d’Issoufou a surtout troublé les Nigériens. L’ancien président, qui est l’artisan de tout ce que la junte dit combattre – népotisme, mauvaise gouvernance, inféodation à l’Occident – se déplace donc en toute liberté. Est-il vraiment en résidence surveillée, comme on le dit ? Après tout, il continue sa vie dans les villas payées par l’Etat, sous la protection de la Garde Présidentielle, comme si de rien n’était. Seuls changements :  l’absence de sa femme Malika et de ses plus jeunes enfants et l’incarcération de son fils, Abba, le ministre du Pétrole du régime renversé, emprisonné à Filingué. »

S’il faut parler de pomme de discorde au Niger, la liaison junte/Issoufou en est véritablement une.

Elh. M. Souleymane

L’Autre Républicain N°002 du jeudi 22 février 2024

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