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12 octobre, 2024
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Tiani face à la presse : le bout du tunnel n’est pas pour demain !

Hier, dimanche 11 février, au moment où se tenait en Côte d’Ivoire  la finale de la coupe d’Afrique de football entre la Côte d’ivoire et le Nigeria, deux pays membres de la CEDEAO que la junte ne porte pas dans son cœur, le Général A. Tiani s’est confié aux journalistes de Télé Sahel en français, hausa et zarma. L’entretien s’est déroulé autour du retrait des juntes sahéliennes de la CEDEAO et des questions d’actualités. Sous un ton de disque rayé, le Général a laissé les Nigériens sur leur faim tant il manque de réponses à certaines questions essentielles pour rassurer ses concitoyens de la mauvaise posture dans laquelle se trouve le pays. Le moins qu’on puisse dire, le bout du tunnel n’est pas pour demain.

Lorsque les communicants de la junte ont annoncé l’interview du Général Tiani, les Nigériens avaient espéré entendre des annonces fortes dans le sens de l’amélioration du quotidien, la cherté de la vie, le problème de fourniture d’électricité, la perte d’emplois, le déficit céréalier et fourrager, l’insécurité, etc. de la vision claire du régime avec un programme alléchant pour faire face au Ramadan qui arrive dans un mois. Bref, tant de chocs qui attendent des réponses de la part de Tiani.  Loin de ces attentes existentielles, le Général s’est illustré dans l’apprentissage de la phraséologie populiste et la défiance à l’égard de la CEDEAO et de la France pour légitimer son arrivée au pouvoir par effraction.

Dans une posture magistrale et très à l’aise face à son conseiller en communication (une trouvaille maladroite et une méprise aux professionnels de la RTN), le Général Abdrahamane Tiani a, tour à tour,  survolé l’historique de la CEDEAO, décrypté le discours de La Baule, discrédité la démocratie et les démocrates convaincus dans l’optique de juger et condamner certains chefs d’Etat de la CEDEAO et la France. « Nous ne sommes pas ignorants ou analphabètes de l’histoire », a-t-il déclaré.

 Il fallait remobiliser la rue en lui disant qu’il y a toujours péril en la demeure. Cette rue qui semble déçue de son leadership, apprend-on. Pour amuser la galerie, le Général Tiani renseigne que les militaires français sont toujours à nos frontières (au Bénin, dans le lac Tchad, en Libye…) avec l’intention de nous attaquer.

Quatre chefs d’Etat ont été voués aux gémonies à savoir Allasane Dramane Ouattara, Bola Ahmed Tinubu, Patrice Talon et Macky Sall ; présentés comme des ennemis du peuple nigérien à la solde d’Emmanuel Macron.

Comme se trouvant en devoir de justifier son acte d’être au sommet de l’Etat par effraction, l’autre bouc émissaire c’est bel et bien le régime de Mohamed Bazoum qu’il fallait qualifier par tous les noms d’oiseaux sauvages. « Le 26 juillet nous avons mis fin au régime qui exécutait à la lettre les vœux du maitre, nous avons dit que nous avons suffisamment fait pour le maitre, il est temps que nous fassions pour le bien de nos peuples », a-t-il martelé. Et comme chacun le sait, l’alternative à la CEDEAO c’est l’AES.  D’ailleurs, le Général Tiani s’offusque d’entendre qualifier l’AES d’organisation ‘’fantôme’’ ou fantoche. Il a fait le pari que l’AES c’est du sérieux et que de toutes les façons les gens verront. 

L’annonce d’une dictature rampante au Sahel ?

« Trois raisons nous ont amené à quitter la CEDEAO. La CEDEAO menaçait le Niger d’une agression militaire, nous ne pouvons pas porter sur nos consciences le poids des massacres des nigériens. La deuxième raison, elle est morale et éthique. Le peuple nigérien a été dépourvu de tout : les produits pharmaceutiques, l’énergie électrique … et la 3ème raison est économique puisque c’est la volonté des pères fondateurs ».

A en croire l’approche historiographique de Tiani, nos Etats devraient sortir de la CEDEAO depuis 1991 où elle était passée sous le giron français. Selon lui, les conférences nationales n’avaient comme objectif pour la France que de régenter nos pays. A travers sa narration spéculative, le Général a fini d’absoudre les dictatures des années 90 tout en condamnant les conférences nationales et les démocraties comme étant d’inspiration satanique de la France.

Le multipartisme avec ‘’100 à 200 partis politiques’’ n’est qu’un stratagème de domination de la France qui choisit les dirigeants à sa guise pour mieux se servir de nos ressources naturelles. Et pour convaincre, selon le général, Macron aurait eu l’outrecuidance de dire à un de nos dirigeants que le Niger serait la propriété de la France !

Et comme pour dire aux Nigériens que la junte a définitivement tourné la page du dialogue pour désamorcer la crise politique au Niger, le Général n’entend plus parler de la libération du président Mohamed Bazoum. Elle serait de l’ordre de l’impossible en ce sens que ce serait ‘’se mettre le couteau au ventre’’, selon les termes du Général Abdrahamane Tiani.

Les soutiens de la junte pourraient se délecter de la rhétorique populiste mais il faudrait admettre qu’aucune annonce concrète n’a été faite par celui qui est censé indiquer la vision, la direction à suivre pour sortir de la nuit noire et l’incertitude dans lesquelles il a plongé le pays depuis le 26 juillet 2023.

Lorsqu’il disait ne pas vouloir libérer Bazoum, il confirme du coup ce que nombre de nigériens lui reprochaient : le président Bazoum est l’otage du général Tiani. Par ailleurs, on note l’absence d’un agenda qui donne un cap à la transition, en vue de rassurer les nigériens. Ce qui laisse croire que c’est un régime qui entend s’incruster au pouvoir, en tournant le dos à la démocratie et à l’Etat de droit. Au-delà des partis politiques, cette nouvelle donne doit interpeller les organisations de défense des droits humains et de la démocratie, les intellectuels et les nigériens de façon générale. C’est le système démocratique qui peut garantir et préserver nos droits fondamentaux.

En somme, l’intervention du général Tiani du 11 février est pratiquement une redite de celle qui l’a précédée. Il fait appel à l’émotion des Nigériens faute de faire face à leurs aspirations existentielles, à leur doute et à la peur du lendemain au regard des défis sociaux, économiques et financiers qui sont ceux du Niger version CNSP. On a vainement attendu des réponses à ces défis de la part du général Tiani.

D’ailleurs, il n’y a rien d’inédit sur le fait de s’adresser aux nigériens en langues nationales. C’est une recette bien connue, le sport favori du président Mohamed Bazoum chaque fois qu’il se trouve en immersion avec les populations loin du palais présidentiel.

On le sait, au Sahel depuis l’avènement de Goita au Mali, le populisme est devenu l’opium du peuple. Tiani a bien joué cette carte dans la quête de l’assentiment de ses concitoyens et bien au-delà puisque selon ses propres termes, il s’adresse aux populations de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) en particulier et africaines en général.

Quid du retour à l’ordre constitutionnel ? Toute la difficulté est là. Plus d’un démocrate doit se faire du souci car à bien saisir le message du Général Tiani, la démocratie a vécu au Niger et dans l’AES. Il a dit en haute et intelligible voix qu’ils sont sortis définitivement de la CEDEAO et tout le monde doit se mettre au pas. C’est dire que le rêve d’un retour de la démocratie pluraliste est remis en cause. Du moins, ce n’est pas demain la veille. Les leaders des partis politiques plongés dans un opportunisme béat n’ont que leurs yeux pour pleurer. La démocratie est loin d’être le terreau du développement. Bien au contraire… à en croire les idéologues du nouvel ordre de l’AES.

La Rédaction

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