Deux problèmes se sont agrégés pour n’en donner qu’un seul. En effet, le refus du Niger de rouvrir sa frontière avec le Bénin, et le niet de ce dernier pour embarquer le pétrole brut nigérien sur la plateforme de Sémé-Kpodji ont conduit à une crise politique et diplomatique entre les deux pays. Au regard de l’évolution de la crise, la désescalade n’est pas pour tout de suite.
Il y a une dizaine de jours, les autorités béninoises ont arrêté cinq ressortissants nigériens, agissant pour le compte de la West African Gas Pipeline Company (WAPCO Niger), officiellement en mission de travail à Cotonou. Sans tarder, deux d’entre eux sont libérés, et les trois autres placés sous mandat de dépôt. Ce lundi 17 juin, les trois prévenus sont passés en jugement. La justice béninoise est allée dans le sens de l’apaisement en laissant tomber le premier chef d’accusation et en prononçant un verdict qui évite aux trois prévenus de retourner en prison. En effet, nos compatriotes n’étaient plus poursuivis pour terrorisme mais pour « fausses attestations et usage de fausses attestations ». Pour ce chef d’accusation, ils ont été condamnés à 18 mois de prison avec sursis. Entre-temps, le navire qui doit transporter le brut nigérien attendait au terminal depuis le 1er juin, et les puits ont été fermés. Ce qui fait courir d’énormes risques au pipeline. Sur un ton d’humour, un spécialiste a rappelé que le pipeline n’est pas comme un tuyau d’arrosage. Sa fermeture peut, avec le temps, impacter sa fonctionnalité.
Balle à terre
Les accusations réciproques de terrorisme lancées par le Niger et le Bénin sont d’une gravité évidente. Lorsque le Niger annonçait que le territoire béninois servirait de centre de formation à des groupes terroristes sous commandement français, dans le but de l’attaquer, ou lorsque le procureur spécial de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) part vite en besogne pour accuser les cinq Nigériens de terrorisme, croyant à un acte d’atteinte à la sureté de l’Etat du Bénin, ce n’est pas pour arranger les choses.
Dans cette situation de ni paix ni guerre entre les deux pays, on identifie vite les gagnants et les perdants.
En effet, deux pays tirent leur épingle du jeu : le Togo et le Burkina Faso ; le premier parce que le port de Lomé est devenu le principal port du Niger au détriment de celui de Cotonou, et le deuxième parce qu’il fait transiter les marchandises provenant de Lomé en direction du Niger. On ne peut les montrer du doigt car l’une des vocations d‘un Etat, c’est de défendre son intérêt. Et ces deux pays le font sans complexe.
Les victimes de cette crise, ce sont les populations du Bénin et du Niger qui font face à la cherté de la vie et au blocage de leurs transactions commerciales. Dans les localités frontalières, les activités économiques sont en berne. Les opérateurs économiques nigériens qui utilisaient le corridor béninois n’ont eu de cesse de rappeler aux autorités compétentes la nécessité de rouvrir la frontière.
Si les choses perdurent en entretenant la polémique, la crise pourrait prendre de nouvelles dimensions. C’est pourquoi, il importe d’éviter l’escalade que certains esprits guerriers appellent de tout leur vœu.
« Les recherches de solution à la crise (NDLR : entre le Niger et le Bénin) devraient privilégier une approche holistique prenant en compte les appréhensions et les intérêts des différentes parties. En de pareilles circonstances, il est généralement recommandé de recourir aux services de médiation d’une tierce personne, physique ou morale, capable d’aider à surmonter les difficultés… », indique Juste Codjo, professeur de sécurité internationale.
Il faut alors que les deux Etats se fassent confiance pour le respect des engagements qu’ils auraient pris devant le médiateur, et évitent de prendre position sur la base d’informations fausses ou incomplètes.
Pour l’ancien Premier ministre du Niger, Dr Mahamadou Danda, interrogé par la Voix de l’Allemagne, « les gens doivent avoir l’intelligence des situations ». En d’autres termes, chacun doit considérer que le voisinage est si important que tous ceux qui sont en position de contribuer à l’apaisement de la crise doivent s’y investir, a-t-il expliqué. « Le Niger et le Bénin sont condamnés à vivre ensemble », a-t-il ajouté, avant de fonder l’espoir qu’il y aura une issue heureuse, et que les responsables reviendront à de meilleurs sentiments.
La désescalade, c’est ce qui est vivement attendu. Les anciens présidents béninois Nicéphore Soglo et Boni Yayi ont manifesté leur intérêt afin de rapprocher les positions des deux pays. En attendant d’autres offres de médiation. Pourvu que les médiateurs aient la confiance des parties en conflit.
La rédaction
L’Autre Républicain du jeudi 20 juin 2024