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11 octobre, 2024
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Libre tribune : Issoufou Mahamadou, un homme politique clivant !

Pourquoi Issoufou Mahamadou incarne-t-il l’image d’un homme politique clivant au sein de l’opinion publique ? C’est la question qui taraude l’esprit de plus d’un citoyen au regard de la chute fulgurante de l’image de l’ancien président. Si les opposants d’hier et les nouveaux issus de ses fans et camarades demandent la reddition des comptes sur sa gouvernance, ceci est en lien avec sa gestion chaotique et autocratique de l’Etat et son présumé rôle dans la démolition des institutions le 26 juillet 2023. Son sacrilège, c’est aussi le fait de sortir par la porte et revenir par la fenêtre.

Il n’a pas tort, ce docte musulman qui a conseillé de se garder de prendre comme modèle un homme tant qu’il est vivant. Issoufou Mahamadou est un exemple vivant qui illustre bien cette boutade. La postérité retiendra pour l‘Histoire, au lieu de se battre pour les valeurs démocratiques et républicaines, Issoufou Mahamadou a plutôt opté de ramer à contre courant de l’Histoire. Sa nouvelle posture prouve à suffisance qu’il est prêt à tout sacrifier pour sauver sa peau. Son héritage politique n’est que quantité négligeable. Son ami de 30 ans est victime d’un coup d’Etat, pris en otage depuis un an, pendant que Issoufou mène une vie de pacha et se pavane en grand seigneur. Mohamed Bazoum et son épouse pourraient mourir dans leur cellule au sein du palais présidentiel, cela ne fait ni chaud ni froid à Issoufou Mahamadou. Bien au contraire. Tout se passe comme si désormais la survie de ce couple constitue une menace pour l’ancien Zaki (lion) qui porte désormais la carapace et le caractère d’une hyène.  

Issoufou Mahamadou traine aujourd’hui l’image d’un personnage clivant à travers sa posture dans le cadre des différentes alliances politiques. Une rapide plongée à travers notre processus démocratique nous permet de survoler les faits les plus saillants. Mahamane Ousmane alias Nafarko a été la première victime sous l‘Alliance des Forces de Changement (AFC) où à travers diverses intrigues politiciennes, Issoufou Mahamadou a pu convaincre les autres alliés pour déconstruire la majorité AFC. C’est de bonne guerre ! Tous les coups sont permis en politique, dit-on. Non content d’avoir sabordé l’AFC, il crée une nouvelle majorité que des analystes avaient qualifiée d’‘’alliance contre nature’’ avec le MNSD contre Mahamane Ousmane jusqu’au coup d’Etat du général Baré, en janvier 1996. Aux élections de 1999 et 2004, Mahamane Ousmane avait pris sa revanche en s’alliant au MNSD de Tandja Mamadou. En 2004, l’on se souvient de cet épisode où Mahamane Ousmane avait tourné T3 en dérision en empochant un pactole à lui offert par Zaki en contrepartie de son soutien. Il amusa alors la galerie pour dire, lors d’un point de presse, que Issoufou s’était rendu à Zinder pour saluer sa mère et lui remettre la somme de 200.000 FCFA en guise de cadeau. Dégouté par le coup de Jarnac reçu de la part d’Issoufou depuis l’AFC, Mahamane Ousmane fut le plus grand opposant des 10 ans de la gouvernance de T3.

Après Nafarko, c’était le tour de Hama Amadou. Issoufou a réussi le coup de contribuer à la chute de Hama, alors tout puissant Premier ministre du président Mamadou Tandja. Le terrain étant miné, Hama Amadou était tombé comme un fruit mûr à travers une motion de censure où sa propre majorité ‘’sans âme’’ l’avait éconduit.

Hama Amadou, embastillé sur la base d’un dossier dit de détournement du fonds d’aide à la presse, a pu sortir de la prison de Koutoukalé, dans laquelle il a été déposé, grâce à un deal entre Issoufou Mahamadou et feu Moumouni Djermakoye Adamou alors Président de la Haute Cour de Justice. Entretemps, le coup d’Etat de Salou Djibou a eu raison de la 6ème République issue du « Tazarcé » du président Tandja. Après une courte transition, Salou Djibo a organisé des élections. Au second tour, Issoufou Mahamadou avait comme adversaire Seini Oumarou. Il a pu convaincre Hama Amadou pour le soutenir. Après sa victoire en 2011, Hama Amadou est passé Président de l’Assemblée nationale. Peu de temps après, Hama Amadou a dû prendre la poudre d’escampette pour ‘’sauver sa peau’’, selon lui.  Il s’ensuit un long exil pour lui jusqu’aux élections de 2016 où il était revenu battre campagne en prison. D’autres leaders politiques n’ont pas résisté à la fourberie de T3 dont, entre autres, Ladan Tchiana, Ibrahim Yacouba, Abdou Labo, etc.

Mais en plus de ces germes de désamour avec les hommes politiques et l’opinion, Issoufou s’est toujours attiré la colère des Nigériens pendant son second mandat. Les acteurs de la société civile, les activistes et tous les mal-pensants ont payé soit par la prison ou d’autres moyens de chantage. Placé dans une sorte de bunker, le président Issoufou était subitement devenu dogmatique : il n’accepte surtout pas d’être contrarié. Certains camarades ou conseillers l’ont appris à leurs dépens. Les plus libéraux d’entre eux ont pris leur distance de ce camarade ou ami politique devenu monarque. De scandale en scandale, les Nigériens étaient témoins des affaires sulfureuses : concours trafiqués aux ministères de la santé, des Finances; affaires Africard, uraniumgate, scandale du Ministère de la Défense jusqu’aujourd’hui où on parle de Mont-Greboungate. Le pire, c’est que cette gestion est émaillée de clientélisme et d’impunité. 

C’est surtout sous son second mandat que les libertés publiques ont pris un coup dur. L’opposition et la société civile étaient étouffées de sorte qu’à un certain moment d’aucuns ont eu recours à la violence comme seule arme pour s’exprimer. C’est peut-être la raison pour laquelle dès sa prise de pouvoir, Mohamed Bazoum a décidé d’avoir une approche dialogique pour civiliser les rapports avec toutes les forces vives de la société. La suite est connue, la politique d’ouverture de ce dernier était mal appréciée par son prédécesseur et ses laquais roses. L’on se souvient de la façon abrupte  dont ils ont fait débarquer le jeune Conseiller en communication Waziri Idrissa Dan Madaoua sous le fallacieux prétexte qu’il faisait la comparaison entre la gestion de T3 et celle de Bazoum. C’est le temps où certains ont voulu que le Présidium du PNDS dicte des orientations au Président de la République dans la gestion de l’Etat. Mais les plus lucides d’entre eux se sont ressaisis en disant que quand Issoufou Mahamadou était Président, on le laissait faire et pourquoi l’imposer à présent à Bazoum. Le diable est dans le détail, dit-on.  C’est justement depuis cet épisode que T3 et ses partisans avaient commencé à réfléchir sur l’équation à savoir comment déposer Bazoum et que le PNDS continue de gérer le pouvoir d’Etat sans accroc. Il y a des signes qui ne trompent pas même si les choses ne se sont pas passées comme prévues par ceux qui ont pensé qu’ils peuvent tout faire et défaire.

L’éclipse de raison chez Issoufou Mahamadou

Après le coup d’Etat, la simple hypothèse de l’implication d’Issoufou Mahamadou dans les événements du 26 juillet relève de l’impossible tant les esprits n’étaient pas disposés à accepter cette éventualité. Cette réponse de l’acteur de la société civile Aminou Laouali à notre question sur cette actualité à l’occasion d’une interview en dit long sur cette énigme. « A considérer même que Mahamadou Issoufou ait vraiment fomenté ce coup d’Etat militaire contre son « complice » et ami de 30 ans, je prétends qu’il s’agirait alors, comme on le dit en Hausa, d’une ‘’Batan Bassira’’, c’est-à-dire, d’une perte de bon sens qui arrive à quelqu’un lorsqu’une malédiction divine s’abat sur lui. » Et Aminou Laouali d’ajouter :  «D’une part, parce que son fils, qui n’a qu’une connaissance superficielle du Niger profond et de ses réalités, n’a pour l’instant, ni l’envergure, ni les aptitudes intrinsèques de gouverner ce pays ; mais d’autre part, parce que, informé par les leçons de l’histoire récente des combines politico-militaires au Niger, Mahamadou Issoufou aurait manqué de réfléchir mille fois aux deals avortés avec le général Baré Mainassara en 1996 et avec le général Salou Djibo en 2010. Cette histoire récente des combines politico-militaires enseigne que les « dealers » ne tiennent jamais leurs promesses. »

Et des sources bien renseignées, face à la junte de Tiani, c’est de deux choses l’une : Issoufou Mahamadou doit s’aplatir ou tenter de mobiliser son monde pour restaurer la démocratie. ‘’Un lion édenté et compromis par les affaires est très fragile pour opter pour la seconde hypothèse’’, nous a confié un analyste qui est bien renseigné sur le fait que le plan de T3 a fait flop.

On le voit, très peu d’esprits étaient disposés à admettre que Issoufou pourrait se retrouver au cœur du coup de Jarnac du 26 juillet 2023. Mais très malheureusement, ce qui était incroyable pour les esprits s’avère une réalité criarde et la posture d’Issoufou Mahamadou avant, pendant et après cette forfaiture corrobore la thèse selon laquelle il serait parrain ou commanditaire de ce complot contre son ami Mohamed Bazoum. 

Avez-vous vraiment analysé la posture de Issoufou Mahamadou depuis le 26 juillet 2023 ? Imagine-t-on Issoufou s’en prendre à la Cedeao si, en 2009, celle-ci avait décidé de prendre les mesures qu’elle a prises après le coup d’Etat du 26 juillet ?  Il en aurait été le plus ardent partisan parce qu’il aurait considéré ça comme allant dans le sens de ses intérêts. Mais en juillet 2023, ses intérêts sont avec le coup d’Etat, il est contre les sanctions de la Cedeao. On se rappelle aussi que Issoufou Mahamadou était, en mars 2012, le champion des sanctions extrêmes contre le Mali pour combattre le coup d’Etat du capitaine Sanogo. En août 2020, il était le seul chef d’Etat de la Cedeao, suite au putsch contre Ibrahim Boubacar Keita, à avoir proposé contre le Mali les mêmes sanctions prises contre le Niger le 30 juillet 2023. Comment comprendre son comportement si hostile à la Cedeao alors même que c’est son parti qui est victime d’un coup d’Etat au Niger ? Comme quoi Issoufou Mahamadou est un homme fidèle à ses principes !?

Imagine-t-on Zakari Oumarou, son fidèle, parcourir les départements de la région de Tahoua pour demander aux militants du PNDS de venir à Tahoua manifester contre la Cedeao et l’Uemoa si c’était Issoufou Mahamadou qui était victime d’un putsch militaire, et retenu en otage, privé de courant électrique à un certain moment ? Peut-on dire aujourd’hui que les camarades du PNDS sont solidaires entre eux ? Et que dire du comportement d’Issoufou Mahamadou à l’égard de Bazoum, son épouse Hadiza et ses enfants ?

Autant dire que le très fier d’être surnommé ‘’lion’’ est finalement aller à Canossa, disent les militants du PNDS fidèles au président Bazoum. Il a longtemps nié les faits mais comme les criminels ont tendance à revenir sur le lieu du crime, l’ex président Issoufou a franchi le Rubicon non seulement en s’affichant avec la junte mais aussi en apportant de l’eau au moulin de celle-ci pour juger et condamner son ami Mohamed Bazoum. Pire, aujourd’hui Issoufou Mahamadou et son petit monde disent au monde entier à peu près ceci :  Bazoum n’est qu’un terroriste et il mérite bien ce qui lui est arrivé. C’est vraiment le monde à l’envers lorsqu’on constate que Issoufou Mahamadou affiche publiquement son idylle avec les putschistes au détriment de son héritage politique.

Aux premières heures du putsch, les labousannistes avaient eu comme reflexe de réclamer la peau d’Issoufou Mahamadou qui serait l’alpha et l’oméga des 12 ans de la gouvernance du PNDS-Tarayya. A la grande colère des Nigériens sur sa gestion autocratique, il vient d’aggraver son record dans ses rapports avec les hommes. Après ce qu’il vient de perpétrer contre Mohamed Bazoum qui, finalement, pourra désormais lui faire confiance ? C’est la conjonction de tous ces faits qui font d’Issoufou Mahamadou un homme clivant qui a trop usé et abusé de ses semblables. Réussira-t-il à dribler la junte militaire pour obtenir sa transition de courte durée et rempiler ? Telle est désormais la tâche herculéenne de T3.

Elh. M. Souleymane

L’Autre Républicain du jeudi 18 juillet 2024

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