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12 octobre, 2024
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Message à la Nation du général Tiani : Le quotidien des nigériens passé sous silence…

Le chef de la junte, le général Abdourahamane Tiani, a livré un message à la Nation, ce 25 juillet, veille du premier anniversaire de sa prise du pouvoir. Un message à la Nation est, par essence, une occasion solennelle au cours de laquelle le premier responsable de l’Etat s’adresse à ses concitoyens sur leurs préoccupations du moment. Il doit être en interrelation avec ses concitoyens. C’est pourquoi, il doit mettre à profit cette occasion pour indiquer de nouvelles orientations stratégiques et dégager des perspectives pour le pays. Qu’en est-il du message du général Tiani du 25 juillet ?

Deux axes peuvent être retenus pour comprendre ce message. Le premier axe a porté sur la rengaine que les nigériens connaissent presque par cœur depuis le 26 juillet 2023 : le coup d’Etat a été perpétré parce que la situation sécuritaire du pays se dégradait progressivement, et la mauvaise gouvernance économique et sociale avait cours. Le coup d’Etat était censé apporter des réponses à ces deux maux cruciaux. En une année de gestion, ces réponses ont-elles été apportées ? Le Niger est-il devenu un havre de paix, de sécurité et de bonne gouvernance ?

Le deuxième axe a porté sur ce qui apparait comme le bilan de la junte. A y voir de très près, le bilan n’a porté que sur du symbolique avec la dénonciation des accords de défense et de sécurité avec la France, les Etats-Unis et le Bénin, le renvoi de l’ambassadeur de France, le retrait du Niger du G5 Sahel et de la CEDEAO, la suspension des droits de diffusion de deux médias français à savoir RFI et France 24, la dénonciation de la convention fiscale entre la France et le Niger, la création de la Commission de lutte contre la délinquance économique, financière et fiscale, l’abrogation de la loi relative au trafic illicite des migrants. A ces mesures symboliques s’ajoute le lancement du programme grande irrigation dont les contours et les premiers résultats sont passés sous silence.

Ce sont là les hauts faits d’armes de la junte comme exposés par le général Tiani lui-même. Ces mesures ont-elles amélioré le quotidien des nigériens ? La réponse est sans doute non.

Des attentes insatisfaites…

On s’est attendu légitimement, du reste, à ce que le général Tiani donne des orientations par rapport au démarrage de la transition, et qu’il annonce des mesures pour réconcilier les nigériens avec la libération des détenus politiques qui croupissent injustement dans nos prisons. Le pays a besoin de décrispation et de tourner le dos à une forme d’ostracisme qui touche certains compatriotes pour faire face aux défis qui sont les siens aujourd’hui.

On s’est attendu à ce qu’il annonce que l’indépendance de la justice sera désormais une réalité, les droits et libertés des citoyens garantis surtout qu’il a accusé le régime du président Mohamed Bazoum d’avoir sacrifié les libertés individuelles et collectives. Pourtant, le régime Bazoum était un modèle d’ouverture et de démocratie : détente avec la société civile et les partis de l’opposition dont les droits sont désormais reconnus, le chef de file de l’opposition est devenu une institution de la République, les libertés de la presse, d’opinion et de manifestation reconnues et garanties, l’indépendance de la justice reconnue puisque le président Bazoum a décidé de ne plus être président du Conseil Supérieur de la Magistrature au nom du sacro-saint principe de séparation des pouvoirs, etc.

On s’était attendu à ce qu’un bilan exhaustif tiré de la réalité des théâtres d’opérations soit dressé pour que les nigériens comprennent mieux la montée en puissance de nos Forces dont a parlé le général Tiani. Il aurait dû rassurer ses concitoyens, chiffres à l’appui, que la situation sécuritaire actuelle est nettement meilleure à ce qu’elle était avant le 26 juillet 2023. Il aurait nous dire que les capacités opérationnelles de nos Forces se sont accrues en un an, qu’aucun groupe terroriste ne dispose de base en territoire nigérien. Il aurait dû avoir un mot pour nos otages constitués de six militaires capturés par les groupes terroristes dans la zone des trois frontières, du préfet militaire du département de Bilma, de deux gendarmes dont le commandant de brigade et de deux gardes nationaux kidnappés par le groupe rebelle, le Front Patriotique pour la Justice (FPJ). Ces otages sont entre les mains des terroristes et des rebelles depuis au moins deux mois, pour les premiers, et un mois pour les seconds. Avons-nous enregistré des militaires otages avant le 26 juillet 2023 ?

On s’était attendu à ce que le général Tiani annonce l’abrogation de l’ordonnance N°2024-05 du 23 février 2024 portant dérogation à la législation relative aux marchés publics, aux impôts, taxes et redevances et à la comptabilité publique, une ordonnance avec effet rétroactif sur les marchés publics des Forces de Défense et de Sécurité et des villas d’hôtes qui contredit les engagements de la junte sur la transparence et la reddition des comptes.                                 

En le faisant, il aura prouvé aux nigériens qu’il a entendu leur cri de cœur. Cette ordonnance est l’exemple vivant de la mauvaise gouvernance que le CNSP voudrait combattre. On ne peut promouvoir ce qu’on a dénoncé, cela va de soi.

On attendait le général sur le volet social surtout que le quatrième axe de sa vision porte sur les réformes sociales. Il n’a rien dit sur la cherté de la vie (l’opération vente de riz de 25 kg à 13.500 F à Niamey alors qu’il était à 11.000 F avant le coup d’Etat a tourné court). Certains produits alimentaires ont connu une hausse de 100% en un an. Par moments, la pénurie s’y est installée. Rien n’a été dit sur l’école avec les examens de fin d’année, la santé, l’accès aux vivres et aux aliments bétail pendant cette période de soudure, etc.

Rien sur les pertes d’emplois enregistrés depuis le coup d’Etat, dans les ONG, les structures de coopération bilatérale, les établissements hôteliers, l’administration publique et les collectivités territoriales avec le renvoi des agents contractuels, etc. Nombre de ces contractuels n’ont pas été mis dans leurs droits à cette date. Pourtant, dans l’ordonnance qui organise les pouvoirs publics pendant la période de transition, le CNSP a réaffirmé son attachement à l’Etat de droit qui suppose la primauté du droit, et le respect des droits des citoyens. La pratique dément formellement ces professions de foi. Cette situation a plongé de très nombreux pères et mères de famille dans la précarité et l’incertitude du lendemain.

Une transition qui ne démarre pas

Rien n’a été dit sur la période de transition, son agenda, sa feuille de route, la mise en place de ses organes, en dehors de l’annonce une fois de plus réitérée de la tenue du forum national dit inclusif. Pourrait-il être inclusif alors que les partis politiques sont toujours suspendus et le président Bazoum est toujours privé de liberté ainsi que certains compatriotes détenus en raison de leur proximité avec ce dernier ? On peut toutefois se féliciter de la liberté provisoire que le juge a accordée, ce lundi 29 juillet, à quatre ministres du gouvernement Bazoum en détention durant 1 an pour les trois, et 6 mois pour le quatrième.

La transition du CNSP peine à démarrer. Dans l’un de ses tout premiers messages à la Nation, le général Tiani a indiqué que la période de transition ne doit pas excéder trois ans. On peut alors s’interroger : trois ans à partir de quand ? A partir du 26 juillet 2023 ? Ou à partir de la période que le fameux forum national va indiquer ?

L’ordonnance qui organise les pouvoirs publics pendant la période transition a prévu des organes comme le parlement de transition, l’Observatoire national de la communication et l’Observatoire national des droits humains. Ces organes attendent d’être installés. Leur existence dans le champ institutionnel du pays sera le gage du démarrage de la transition. Par conséquent, cela va préfigurer le démarrage du processus de retour à l’ordre constitutionnel au Niger. Il est clair que jamais les nigériens n’ont fait le deuil de la démocratie parce que seul le système démocratique, malgré ses imperfections, permet aux citoyens d’être associés à la gestion de leurs propres affaires. Ce qui est loin le cas d’un régime d’exception.

La rédaction   

L’Autre Républicain du jeudi 1er aout 2024

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