Après trois jours d’intenses négociations, un communiqué conjoint a été signé entre le ministère de l’Éducation nationale, de l’alphabétisation, de l’enseignement professionnel et de la promotion des langues nationales avec les responsables syndicaux du secteur de l’éducation et de formation, mercredi 4 décembre dernier. Ce communiqué a très vite suscité des espoirs parmi les enseignants. A l’analyse, on se rend compte que ce communiqué ne comporte aucune décision concrète susceptible de répondre aux revendications de longue date des enseignants. Au contraire, il se base sur des promesses vagues et des perspectives floues, laissant entrevoir une nouvelle fois la volonté de jouer la montre sans solution immédiate.
Il convient de souligner que le gouvernement semble se limiter à des annonces sans effet immédiat. Le communiqué évoque la création d’un comité interministériel de négociations, censé statuer sur les 52 points de revendications des syndicats. Cependant, ce comité, dont l’existence même demeure une promesse, n’apporte aucun engagement tangible sur les sujets majeurs, comme l’amélioration des conditions de travail des enseignants, la question de leur rémunération, ainsi que celle de recrutement des contractuels.
Une telle formulation ne fait que repousser les décisions et accroit l’incertitude quant à la capacité du gouvernement à prendre des mesures concrètes dans l’immédiat. Le gouvernement, en dépit de ses engagements, n’a jusqu’ici présenté aucune solution à la hauteur des attentes des enseignants. Le Premier ministre Ali Mahamane Lamine Zeine a certes clarifié les raisons des manquements passés, notamment concernant le recrutement des contractuels en 2024, mais sa déclaration sur la priorisation de l’éducation à partir de 2025 reste floue et difficilement crédible, au regard de la situation budgétaire actuelle. Le ministre de l’Économie et des Finances a reconnu la crise de trésorerie qui frappe l’administration publique, une situation qui rend les promesses d’une reprise substantielle de recrutement et de paiement des rappels de salaires encore plus difficiles à tenir.
Le gouvernement semble jouer une stratégie de dilatoire, cherchant à gagner du temps tout en maintenant une apparence de dialogue et d’engagement. Le comité interministériel annoncé semble avant tout un moyen d’ajourner les décisions qui s’imposent, et ce, sous couvert de discussions futures. Si l’on en croit le communiqué, ce comité pourrait intervenir dans un délai très vague, ce qui ne permet aucun engagement ferme, ni calendrier précis pour une mise en œuvre effective des mesures promises. En effet, ce comité n’a pas vocation à résoudre immédiatement les problèmes des enseignants mais plutôt à « statuer » sur les revendications. Une telle formulation témoigne d’une démarche purement consultative, sans prise de décision ferme.
Derrière cette absence de solutions immédiates, il est légitime de se demander pourquoi les syndicats ont choisi de lever le préavis de grève à ce moment-là ? Selon les responsables syndicaux, lors de l’Assemblée Générale tenue le 6 décembre au siège du SYNACEB, ils ont annoncé leur décision de suspendre l’appel à la grève, en invoquant une « sincérité » qu’ils auraient perçue dans le regard du Premier ministre.
Cependant, une telle lecture semble naïve, voire illusoire. Les militants de base des syndicats sont en droit de se demander quelle crédibilité accorder à des promesses qui n’ont pas été suivies de mesures concrètes dans le passé ? On se rappelle qu’en janvier 2024, un budget de plus de 17 milliards destiné au recrutement des enseignants contractuels avait été inscrit, mais aucun effet tangible n’a été observé. Il est difficile de croire que cette fois-ci sera la bonne, surtout lorsqu’on sait que depuis sa formation, en août 2023, le gouvernement a procédé à la réduction de la masse salariale en mettant fin à de nombreux contrats des travailleurs contractuels.
En jouant sur l’attente et la patience des syndicats, l’objectif semble être de minimiser les perturbations dans le système éducatif, tout en retardant la prise de mesures concrètes face à la crise dans le secteur de l’éducation et de la formation.
La signature d’un accord avant la fin de l’année 2024, comme évoqué dans le communiqué, doit être un test : s’il ne se traduit pas par des engagements réels, il pourrait bien prouver que ce communiqué n’était qu’une nouvelle tentative d’endormir les enseignants, sans solution pour l’avenir.
Mahamadou Tahirou