Une transition? Pourquoi faire quoi? N’est-ce pas une transition démocratique, la première d’ailleurs du genre qu’a connue le Niger il y a seulement 2 ans? Aujourd’hui, un individu vient nous parler d’une transition militaire brutale de 3 ans alors que le pays ne connait aucune crise qui pourrait justifier une telle plaisanterie ? Jamais le Niger n’avait connu une stabilité aussi remarquable depuis son indépendance, sous aucun autre un régime comme c’est le cas sous magistère du président Mohamed Bazoum. D’ailleurs, ce dernier est le seul président du Niger qui, à la moindre étincelle de contestation, convie ses concitoyens pour anticiper ou desamorcer les crises à travers des médiations quasi systématiques.
Prenons les différents présidents qui se sont succédés au Niger pour apprécier sur la stabilité du pays à l’époque de chacun d’entre eux.
Le régime du président Diori. En plus de la crise politique très aiguë née de la forte résistance des militants de Sawaba, qui a engendré beaucoup de violences et même des morts, son régime a été confronté au premier soulèvement des touaregs en 1962. Le régime Diori a également connu des grèves répétitives des étudiants de l’université de Niamey sans oublier les sécheresses ayant conduit à des famines pour certains cas.
Le régime de Kountché a été confronté à la contestation des étudiants notamment celle de 1983 qui a été d’ailleurs violemment réprimée (allez-y demander au grand frère A Sekou, ce qui s’était passé ) et surtout à la famine de 1984. Kountché a aussi connu plusieurs mouvements d’opposants de cadres toubou et de touaregs réfugiés en Libye. Toujours sous le régime de Kountché plus précisément en 1979, quatre jeunes Toubous armés de kalanichkov, à dos de chameau dans les environs de Doubela au sud de Bilma, tinrent tête à l’armée du Niger pendant plusieurs jours en tuant plusieurs soldats avant d’être tués à leur tour. Le régime de Kountché a également connu une crise économique sans précédent qui a abouti entre autrement à l’adoption du très impopulaire programme d’ajustement structurel qui a vu le démantèlement de toutes les entreprises publiques et la perte de beaucoup d’avantages sociaux dont la gratuité des soins de santé pratiquée jusqu’à lors.
Le régime de Ali Saibou a été ebranlé par une très grave crise économique et sociale avec notamment la contestation des étudiants qui s’est soldée par la morts de 3 d’entre eux et aussi par la contestation venant des syndicats des travailleurs du Niger. Tout cela a conduit à la tenue de la conférence nationale souveraine qui a fini par déboucher sur l’avènement du premier régime démocratique.
Le régime de Mahamane Ousmane est celui qui a connu la première crise politique du Niger démocratique suite à une guéguerre entre le président et son premier ministre Hama Amadou qui étaient en cohabitation. Cela a conduit à la paralysie de l’administration et au blocage des institutions. Le régime de Mahamane Ousmane a aussi vu naître les premiers mouvements de rébellion armée Toubou et Touareg qui ont par la suite debouché sur des accords de paix signés avec les différents gouvernements.
Baré venu en saveur a très vite basculé dans la répression. Son régime a connu la plus forte contestation et résistance politique. Ce qui l’a contraint à voler les suffrages lors des élections de 1996 lorsqu’on vu des militaires courant avec des urnes en bandoulière. Le régime de Baré a également connu l’une des pires crises économiques suivie d’une très forte contestation sociale parce qu’incapable même de payer les salaires.
Le régime de Tanja a connu un semblant de stabilité mais dès l’entame du second quinquennat de celui-ci, le régime a vu naître la seconde rébellion touareg celle du MNJ. À partir de 2007 déjà les prémisses d’une dictature se firent sentir et le pays bascula dans une crise politique grave suite au « tazatché » c’est à dire la recherche du 3ème mandat qui a vu la démolition de tout l’arsenal institutionnel du Niger.
Le régime du président Issoufou, à peine arrivé, a vu naître le phénomène du terrorisme chez les voisins du Niger notamment au Mali puis au Nigéria. Cela a eu des répercussions très graves sur la sécurité du pays avec comme conséquence des attaques meurtrières contre nos forces de l’ordre notamment celles de Chinagoder, Inatess, Tilloa ou Bosso dont les preneurs d’otage se sont prévalues pour justifier leur aventure, par ailleurs sans lendemain. Le régime du président Issoufou a aussi connu des fortes tensions politiques pour le moins non justifiées de la part d’une opposition ontologiquement factueuse.
Si j’ai tenu à rappeler ces quelques séquences de crises qu’ont connues les diffrents présidents qui se sont succédés au Niger, c’est moins pour justifier les coup d’États survenus ou non à leur époque que pour mettre en lumière les germes potentiels qui pourraient éventuellement en être les causes.
Pour le cas du régime du président Bazoum, rien de tout cela. La situation d’insécurité qui sévissait depuis 2013 a été contenue. Mieux, la sécurité du pays a connu une nette amélioration avec le retour des populations déplacées dans leurs villages d’origine tant à Tillabery qu’à Diffa et moins d’attaques et de morts que pendant les années antérieures à son arrivée au pouvoir. Sur tous les autres plans les indicateurs sont au vert. Aucune manifestation contre lui, aucune crise économique, pas même de grève de travailleurs parce que les salaires sont payés le 25 du mois, le pays présente en 2022 un taux de croissance économique de 11,9% soit la plus forte de l’Afrique, la bonne gouvernance est au rendrez-vous à travers une lutte résolue contre corruption avec l’incarceration de dizaines de présumés coupables dont la plupart appartiennent au parti du président. Tout le pays est en chantier. Le seul arrêt des travaux très avancés du barage de Kandadji de plus 700 milliards, consécutif à la prise d’otage doit être perçu comme un drame national. Sur le plan politique par exemple aucune tension politique n’est perceptible, pas même de déclaration de l’opposition, le Conseil National du Dialogue Politique (CNDP) a renoué avec les sessions. Mieux, sous le magistère du président Mohamed Bazoum et suite à ses directives, la majorité a même attribué à tous partis politiques présents à l’assemblée nationale donc y compris ceux de l’opposition des postes de conseillers au niveau de cette institution. Cette inclusivité n’a tout simplement jamais a été vue ni au Niger ni même ailleurs en Afrique. C’est pour dire qu’il y a rien qui puisse expliquer cette crise provoquée à dessein pour dérouler un agenda personnel à plus forte raison justifier une transition militaire brutale.
À contrario, depuis la prise d’otage du président de la république Mohamed Bazoum et de sa famille, la sécurité s’est dégradée avec pas moins de huit attaques meurtrières en trois semaines faisant des dizaines de morts civils et militaires, l’économie est à plat, plus de 75 mille contractuels de l’État n’ont pas encore perçu leur salaire du mois de juillet, tous les chantiers structurant sont aux arrêts.
Alors, transition pour quoi faire ? Pour encore trahir? Pour que des bidasses reviennent encore prendre en otage un président élu en cours de mandat et nous ramener à un éternel recommencement ?