La Lutte traditionnelle nigérienne est-elle en train de perdre de tout son goût, de toute sa saveur ? Allons-nous craindre une mort lente de ce sport considéré comme Roi et le plus populaire dans notre pays ? En tout cas, ce qui s’est passé au soir du dimanche 2 juin dernier dans l’arène Salma Dan Rani de Dosso, au terme d’une décision jugée infondée lors de la 2ème demi-finale de la 2ème édition de la Coupe du Ministre de la Jeunesse, des Sports, des Arts et de la Culture, ayant opposé les lutteurs Rabé Oumarou de Zinder à Bello Illa de Tahoua, a inquiété plus d’un acteur de ce sport vecteur d’unité nationale et de cohésion sociale. En effet, après plus d’une heure 30 minutes d’un combat largement dominé par Rabé Oumarou (le plus combatif d’ailleurs) où son adversaire d’en face a déjà écopé de 3 avertissements dont 2 verbalement pour non combativité, la Fédération Nigérienne de Lutte (FENILUTTES) sans pour autant consulté le Directeur National de la Médecine Sportive, Docteur Tchiwaké Adamou, pour donner son avis sur ce combat, a tenu une réunion express avec les différents Présidents des Ligues Régionales sur la conduite à tenir. Ces derniers suggèrent à la FENILUTTES d’accorder 10 minutes de bonus aux 2 lutteurs. Et si aucun d’eux ne tombe, alors ils seront tous les 2 « disqualifiés ». Ce qui suppose, en d’autres termes, qu’il n’y aura pas de finale à cette Coupe du Ministre des Sports organisée pour honorer et célébrer le Roi des arènes en titre, le gladiateur de Dosso Issaka Issaka. Ainsi donc, à l’issue des 10 minutes de bonus, aucun des 2 lutteurs n’est tombé. Et la sanction la plus douloureuse comme un couperet tombe : Ils sont tous les 2 disqualifiés. Certes les juges-arbitres ont accompli leur boulot, mais cette décision de disqualifier les 2 lutteurs est incompréhensible sur le plan sportif. Il faut le dire tout net. Comment un tournoi d’envergure nationale se joue sans pour autant disputer la finale ? C’est la 2ème fois dans l’histoire de la Lutte traditionnelle depuis 1975 qu’une telle situation se reproduise. Déjà au Sabre national de 2013 tenu à Niamey et qui a vu l’intronisation du nouveau Roi Alio Salao de Zinder dans le bureau du Ministre des Sports de l’époque, ce sont là aussi les lutteurs de la 2ème demi-finale qui opposait Yacouba Adamou de Niamey et Moussa Abdoulaye de Maradi qui ont été disqualifiés.
A Dosso, si Bello Illa a écopé de 3 avertissements, synonymes de défaite, ce n’était pas le cas de Moussa Abdoulaye, en 2013, qui avait clairement refusé de lutter, sans écoper d’avertissement à l’époque.
Organiser un tournoi sans pour autant disputer la finale, la fédération a failli dans sa mission. Et pour enfoncer le clou de l’amateurisme, Chaibou Ardji de Maradi qui est qualifié pour la finale à l’issue de la 1ère demi-finale où il a terrassé Aminou Ibrahim de Tahoua, n’a donc plus d’adversaire pour la finale. Il a été déclaré par le Ministre des Sports le Colonel-Major Abdrahamane Amadou vainqueur de ce tournoi et empoche la somme de 1.500.000 de francs. Aminou Ibrahim qui a déjà été terrassé en demi-finale, se voit gracieusement offrir la 2ème place à la surprise générale des acteurs. En effet, selon le Code de la Lutte, Aminou Ibrahim doit figurer à la 4ème et les 2 lutteurs disqualifiés et qui ne sont pas tombés, devraient normalement être 2ème ex-æquo.
Nombreux se posent la question de savoir pourquoi le Ministre des Sports, présent à la compétition, n’a pas ordonné à ce que les 3 avertissements écopés par le lutteur Bello Illa soient exécutoires ? Pourquoi le Directeur National de la Médecine Sportive, pourtant présent dans l’arène, n’a pas été consulté pour donner son avis médical si la 2ème demi-finale pourrait être reporté le lendemain matin ? Pourquoi un lutteur tombé en demi-finale se retrouve à la 2ème place ? La confusion dans nos arènes doit s’arrêter. Ce qui s’est passé à Dosso ne doit plus se répéter au risque de faire perdre à notre Sport-Roi toute son essence.
Oussou Falalou
L‘Autre Républicain du jeudi 6 Juin 2024