Le coup d’État du 26 juillet 2023, mené par le général Tiani et ses compagnons d’armes, a été officiellement présenté par ses auteurs comme une nécessité salvatrice, visant à mettre un terme à la déliquescence sécuritaire et à la mauvaise gouvernance dans le pays. Un peu plus d’un an après, on se rend compte qu’il s’agit là d’un simple prétexte pour s’emparer du pouvoir.
En effet, les voix dissidentes se font de plus en plus entendre, dénonçant cette dérive en même temps que celles des soutiens de la junte pour légitimer l’intrusion des hommes en kaki dans l’arène politique. Cependant, il est loisible de déceler les manipulations orchestrées par des individus qui cherchent, par tous les moyens, à protéger leurs propres intérêts, au détriment de la véritable démocratie et du bien-être du peuple nigérien. Une analyse rigoureuse des événements et des motivations sous-jacentes s’impose pour éclairer la situation actuelle et envisager un avenir plus serein pour le pays.
Dans son premier message à la nation livré le 28 juillet 2023, le général Tiani a solennellement promis de rétablir la sécurité et de combattre la corruption, dénonçant le régime de Bazoum pour avoir permis l’émergence d’une corruption endémique qui a profité à une élite au détriment du peuple. Cependant, un an après l’instauration du pouvoir militaire, la réalité présente un tableau inquiétant. Loin de rétablir l’ordre et la sécurité, la junte semble s’enliser, ce qui exacerbe ainsi la vulnérabilité du pays face aux menaces ennemies.
Les critiques dirigées contre la junte et le gouvernement semblent être étouffées par un certain nombre d’intellectuels et de commentateurs qui, pour des motifs divers, s’érigent en défenseurs d’une situation indéfendable. En effet, certains d’entre eux, dans un élan d’opportunisme manifeste, avancent l’idée que le Niger est en train de s’orienter vers un nouveau modèle de développement. Ce dernier serait prétendument fondé sur une rupture avec les valeurs occidentales, au profit d’un rapprochement avec des puissances moins scrupuleuses en matière de droits humains. Ces discours, bien que séduisants à première vue, visent avant tout à apaiser les craintes d’une population vulnérable, qui, face à une précarité chronique, pourrait être tentée d’accepter n’importe quel changement, même au détriment des principes démocratiques qui garantissent leur liberté et leur dignité. Cette attitude pose une question essentielle sur l’avenir du pays : peut-on réellement bâtir un modèle de développement durable sur des fondations aussi fragiles, où les sacrifices sur l’autel de la démocratie sont justifiés par une promesse de prospérité ? En fin de compte, il est impératif d’évaluer la viabilité de tels discours et de promouvoir un développement qui respecte les droits fondamentaux, plutôt que de céder aux sirènes d’un populisme dangereux.
Un aspect particulièrement troublant de la situation actuelle, marquée par ce coup d’État, réside dans le silence assourdissant de l’ancien président Issoufou Mahamadou. Bien qu’il se présente publiquement comme un fervent défenseur de la démocratie, son choix délibéré de ne pas agir pendant de nombreux mois après le coup d’État soulève de nombreuses questions. Son intervention tardive, qui n’est survenue que sous la pression exercée par le Comité Mo Ibrahim, a jeté le doute sur sa loyauté au processus démocratique. En se référant au « Mythe de Sisyphe », il semble avoir pris conscience de l’absurdité de son engagement contre les valeurs démocratiques.
La gestion des finances publiques sous le régime de la junte suscite des inquiétudes croissantes. En effet, les mécanismes d’attribution des marchés publics se caractérisent par une absence de transparence alarmante, ce qui compromet l’intégrité du processus et favorise l’émergence de conflits d’intérêts. L’adoption de l’ordonnance scélérate 2024-05, datée du 23 février 2024, symbolise cette dérive en officialisant l’opacité dans l’exécution des contrats publics. Ce cadre légal défaillant ouvre la voie à des abus systématiques et à une gestion peu scrupuleuse des fonds publics. Cette situation soulève des questions fondamentales sur la gouvernance et l’éthique au sein de l’administration publique, et il est impératif d’envisager des réformes substantielles pour restaurer la confiance des citoyens et assurer une gestion saine des ressources nationales.
La question qui se pose alors est : où va le Niger ? En examinant la situation actuelle du pays, il devient évident que les signes d’un effondrement économique et social sont de plus en plus prononcés. Les promesses de sécurité et de bonne gouvernance faites par le général Tiani tardent à se matérialiser.
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C’est un devoir pour la société civile, les intellectuels intègres et les acteurs politiques responsables de rappeler sans relâche aux Nigériens que, malgré ses imperfections et ses défis, la démocratie demeure le meilleur mode de gouvernance. Elle offre aux citoyens la possibilité d’exercer leurs droits et leur liberté, tout en leur permettant de participer activement à la gestion du pouvoir par le biais de représentants élus.
Mahamadou Tahirou
L’Autre Républicain du jeudi 22 Août 2024