Et de deux. Après le syndicat unique de la santé et de l’action sociale (SUSAS) qui a organisé une grève, largement suivie, la semaine dernière, c’est au tour des regroupements des syndicats d’enseignants d’arrêter le travail, les 18 et 19 novembre derniers.
Les syndicats, qui ont très tôt adhéré au discours souverainiste de la junte en renonçant à leurs revendications, sont revenus à leur vocation première à savoir la défense des intérêts matériels, professionnels et moraux de leurs militants. Ils ont finalement compris que le soutien aveugle aux autorités en place est antinomique à la défense des intérêts des adhérents. L’idylle semble progressivement prendre fin. Comme disent les Haoussa, les syndicats semblent enfin avoir compris que « shayi rouwa né « ; en d’autres termes, le thé préparé n’est que de l’eau. Tout semble indiquer que c’est la fin de l’état de grâce pour la junte.
Selon nos sources, le SUSAS n’a pas encore été reçu par le ministre de la Santé publique. Quant aux syndicats enseignants qui avaient sollicité l’arbitrage du chef de l’Etat, le général Tiani, ils n’ont finalement été reçus que par son directeur de cabinet. Ce, pour éviter que les syndicats ne mettent leur menace de boycott de la rentrée scolaire du 28 octobre à exécution. Le directeur de cabinet, qui aurait reconnu la justesse des revendications, avait promis de rendre compte au président du CNSP.
Pour les syndicats enseignants, les revendications minimales portent sur le recrutement des contractuels à la Fonction publique et le paiement des incidences financières. Une autre préoccupation porte sur l’organisation des concours professionnels. Selon un conseiller de l’enseignement primaire, les concours d’accès au cours d’inspectorat tardent à être organisés, pour la 2è année consécutive. Pendant ce temps, certains fonctionnaires perdent un droit pour limite d’âge. La même préoccupation est soulevée par les dirigeants du SUSAS. Faute d’organiser les concours professionnels, des agents de santé font le deuil de la progression de leur carrière professionnelle, en raison de la limite d’âge.
Les syndicats ont bien choisi le moment pour poser des revendications à incidences financières. En effet, le gouvernement est en train de préparer la loi de finances 2025. Quel meilleur moment que celui-là pour que leurs doléances soient programmées dans cette loi de finances. Ils savent que toute dépense non prévue dans la loi de finances ne peut être exécutée au cours du prochain exercice budgétaire.
Les Centrales syndicales se mettent de la partie
On ne saurait expliquer cette posture non dialogique du gouvernement avec des syndicats qui se sont compromis, à la limite, pour lui permettre de gérer les affaires publiques à sa guise, depuis le 26 juillet 2023. Mais les syndicats peuvent se satisfaire des messages de soutien de leurs Centrales syndicales.
Dans un message de soutien à ses syndicats affiliés, la Confédération Démocratique des Travailleurs du Niger (CDTN) dit suivre « avec une attention particulière la situation conflictuelle qui prévaut dans le secteur de l’éducation, caractérisée par une injustice et des travers administratifs divers » avant d’apporter son « soutien indéfectible » aux syndicats dans « le cadre de la sauvegarde de leurs acquis et de la défense de leurs intérêts ».
Pour sa part, la Confédération Nigérienne du Travail (CNT) a déploré qu’« à la date d’aujourd’hui, le gouvernement de transition n’a pas fait place au dialogue avec les syndicats engagés dans cette lutte, gage d’une stabilité sociale, en violation flagrante des dispositions de l’ordonnance n°96-009 du 31 mars 1996 fixant l’exercice du droit de grève au Niger ». C’est pourquoi, la CNT apporte « son soutien indéfectible et inconditionnel aux enseignantes et enseignants du Niger » et « réaffirme son ferme engagement à accompagner ses affiliés jusqu’à la satisfaction de leurs revendications ».
Quant à l’Union Syndicale Progressiste des Travailleurs (USPT), une autre Centrale syndicale, qui « ne saurait condamner une grève légitime », elle a tenu à rappeler « au CNSP qu’il aurait négocié avec des Nigériens qui ont pris des armes contre la stabilité nationale, à plus forte raison rendre possible la bonne gouvernance sociale, à travers des réponses pour l’exécution d’un protocole d’accord… ».
Il est indéniable que les syndicats sont sortis de la logique de la « participation responsable » comme celle qu’on a connue dans les années 1980 ; la participation responsable est cette option faite par les syndicats, à l’époque, de renoncer à leurs mandats pour devenir des succursales du régime en place. Seize mois après l’avènement du CNSP, les syndicats renouent enfin avec leur vocation première. Le gouvernement l’a-t-il compris ?
La rédaction
L’Autre Républicain du jeudi 21 novembre 2024