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6 décembre, 2024
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Mali : Le réquisitoire de Choguel contre la junte !

Il avait fait usage de sa double casquette, en ce samedi 16 novembre, à l’occasion d’un meeting géant à Bamako. Choguel Maïga s’est adressé aux milliers de ses supporters en tant que président du comité stratégique du Mouvement du 05 juin-Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP), un mouvement politique, mais aussi Premier ministre de la junte, au pouvoir depuis 4 ans. En convoquant ce meeting, depuis déjà plusieurs semaines, Choguel poursuit, entre autres objectifs, la clarification de la situation politique de son pays, et la formulation des propositions pour réorienter la transition.

En battant le rappel de ses troupes dans une salle archicomble, Choguel veut montrer au chef de la Transition, le général Assimi Goïta, qu’il a une grande proximité avec le peuple. En rappelant, lors de son discours, que c’est avec le concours du M5 que la rectification de l’ex CNSP, la junte militaire, a eu un écho réel dans le pays, il voulait montrer qu’il a sa part dans la gestion de l’Etat au même titre que les militaires. C’est dire qu’il n’est pas à cette place de Premier ministre par effraction. Il jouit de la même légitimité que les militaires. C’est en vertu de cette disposition d’esprit qu’il a prononcé un grave réquisitoire contre la junte. Au nom du principe de redevabilité et de reddition des comptes, prétend-il. Car, ce qu’il ne voulait pas qu’on retienne de lui, c’est son silence alors que la situation économique, sociale et sécuritaire est volatile.

« L’essentiel pour moi, c’est de ne pas être accusé plus tard de m’être tu sur la vérité, sur les risques et menaces qui pèsent actuellement sur la Transition, en un mot, d’avoir manqué à mon devoir de redevabilité », clame-t-il. Il y a quelques mois, se rappelle-t-on, un de ses conseillers a été embastillé pour avoir dénoncé les travers de la gestion de la transition. Il en était de même pour l’économiste Etienne Fakaba Sissoko qui croupit en prison depuis au moins 8 mois.

On retient que c’est la première fois que Choguel tire à balles réelles contre les dirigeants militaires de la Transition même si par cynisme, il veut épargner le général Goïta. A-t-il appris sa révocation prochaine de son poste pour oser une telle sortie au vitriol ? Voudrait-il obliger le chef de la junte a lui restituer ses pouvoirs de Premier ministre ? En attendant d’être mieux fixé sur les réelles motivations de cette intervention, 3 ans et demi après sa nomination, on retient le caractère retentissant de ses propos.

La boite de Pandore

« De nombreux Maliens, avaient le net et persistant sentiment que sur la Transition malienne plane un véritable spectre de la confusion, de l’amalgame. Ce spectres’accompagne d’un corollaire constitué par un véritable risque de remise en cause des résultats de la lutte héroïque et de la marche victorieuse du peuple malien. Pire, et il n’est pas excessif de le soutenir, nous nous trouvons face à un risque regrettable et inimaginable il y a seulement trois (3) ans, de retour programmé en arrière », confesse-t-il. C’est pourquoi, il préconise ceci : «aujourd’hui, il y a un grand besoin de créer un vrai électrochoc, afin de corriger et sauver ce qui peut l’être ».

Pour lui, sauver ce qui encore peut l’être, c’est de le respecter en tant que Premier ministre et de clarifier la date de la fin de la transition. En effet, celle-ci aurait dû prendre fin le 26 mars 2024. Mais contre toute attente, cette date a été repoussée sine die sans qu’il n’y ait un débat au sein du gouvernement. Le Premier ministre l’a appris à travers les médias.

L’impression qui se dégage est que la durée de la transition demeure un tabou..« Aujourd’hui encore, il n’existe aucun débat sur la question, le Premier ministre est réduit à se contenter des rumeurs de la presse ou à une interprétation hasardeuse des faits et gestes du Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. Le gouvernement n’a aucune information sur le programme ni le plan d’actions de l’AIGE (Autorité Indépendante de Gestion des Elections) ; or la création et la mise en place de cet organe font partie des exigences majeures du peuple malien pour la réalisation du Mali nouveau, le Mali Kura »..

Pour Choguel Maïga, son pays est loin de la gouvernance vertueuse que les thuriféraires du régime tentent de vanter. « Tout se passe dans l’opacité totale, à l’insu du Premier ministre. J’ai le courage et l’honnêteté intellectuelle de le reconnaître tout en le déplorant vivement. Ce n’est nullement à ma personne qu’un préjudice se trouve porté. Après tout, je ne suis que l’humble serviteur d’une cause que je considère comme sacrée :la promotion d’un Mali nouveau, du Mali Kura, débarrassé des anciennes pratiques ».  

L’opacité pour Choguel Maïga, c’est aussi la reconnaissance officielle accordée à 100 nouveaux partis politiques entre 2021 et 2023, laissant entrevoir une manœuvre de rajouter à la confusion et de disposer d’instruments manipulables lorsque les élections seront organisées. Au profit de qui, c’est là toute la question.

Manifestement, le Premier ministre est à bout mais ne s’avoue pas vaincu. C’est sans doute pourquoi, il n’envisage pas de rendre le tablier. S’il ne démissionne pas de lui-même, les soutiens de la junte veulent le pousser vers la porte de sortie. Ils demandent à visages découverts son limogeage pur et simple.

Le collectif pour la défense des militaires (CDM) a tenu une conférence ce mardi 19 novembre pour exiger entre autres la démission du Premier ministre pour « haute trahison ». Plusieurs autres associations et associations qui soutiennent la transition ont demandé que des dispositions soient prises pour mettre fin à « cette cabale ».

Choguel Maïga a ouvert la boite de Pandore qu’aucun autre artifice ne pourrait refermer. Il reste à savoir si sa sortie musclée va déboucher sur la première et grande crise politique de la transition malienne. Une hypothèse plausible lorsqu’il sera démis de ses fonctions. Et si on le garde à son poste, il sortira plus fort que jamais surtout face à certains membres de la junte qui tentent de lui faire de l’ombre.

La rédaction

L’Autre Républicain du jeudi 21 novembre 2024

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