A l’ère du retour des coups d’Etat en Afrique en général et au Sahel en particulier, il y’a lieu de repenser l’Etat et le contrat social avec les citoyens.
A tort ou à raison, beaucoup d’observateurs estiment que les coups d’Etat ne sont que la conséquence des lacunes, des imperfections et des problèmes d’adaptabilité de la démocratie libérale à certaines réalités africaines. Pour notre part, nous adhérons sans réserve à la thèse selon laquelle : « la démocratie est un idéal universellement reconnu et un objectif fondé sur des valeurs communes à tous les peuples qui composent la communauté mondiale, indépendamment des différences culturelles, politiques, sociales et économiques »[1].
En tant que mode de gouvernement, la démocratie a, certes, des principes et des exigences, mais ne déroge pas à l’influence des facteurs politiques, économiques, sociaux et culturels d’où l’émergence de certains crises et conflits. Malgré l’apparition des contradictions susceptibles de la remettre en cause, la démocratie demeure le meilleur moyen d’atteindre les objectifs de paix et de sécurité, et reste le seul système politique apte à se corriger lui-même[2].
La démocratie est irréversible en Afrique, mais elle est perfectible à travers les réformes profondes de l’Etat. Dans le cas du Niger, nous estimons qu’une telle réforme passe avant tout par une réorganisation de l’armée. Faisant partie intégrante du processus de construction de l’Etat, l’armée a tout à gagner en se projetant dans une posture républicaine. Chaque coup d’Etat militaire porte un coup à l’armée alors même qu’elle doit conserver son unité institutionnelle et ses capacités opérationnelles pour faire face aux nouveaux types de conflits dont le terrorisme et la criminalité transnationale. En outre, il est nécessaire de créer les conditions de la professionnalisation, la rationalisation et la modernisation de l’armée afin qu’elle puisse jouer pleinement et efficacement son rôle de défense de la patrie, de préservation de la paix et de la sécurité, loin des enjeux politiques et politiciens. Pour y parvenir, nous considérons qu’une réforme de l’armée est nécessaire autour des points ci-après :
- dissoudre la Gendarmerie Nationale, les Sapeurs-Pompiers et la Protection Civile au sein de la Police Nationale pour en faire la Police Nationale du Niger (PNN) avec une composante de police judicaire, une composante de protection civile et une composante de maintien de l’ordre et répression du grand banditisme ;
- dissoudre la Garde Nationale au sein des Forces Armées Nigériennes (FAN) pour donner naissance aux Forces Armées du Niger (FANI) ;
- dissoudre le corps de la Garde Présidentielle tout en créant les conditions d’assurer la Sécurité Présidentielle par une Unité d’Elite de la composante protection civile de la Police Nationale du Niger ;
- supprimer le poste de Chef d’Etat Major Particulier du Président de la République ;
- informatiser la Gestion des Ressources Humaines et l’Intendance Militaire , y compris la gestion du carburant, des hôpitaux militaires , du Génie Militaire, de l’Artillerie, de l’Armée de l’Air et de l’Administration Intérieure des Corps des troupes ;
- adopter une loi de programmation militaire pour éliminer les dépenses fantaisistes et inopportunes qui ne reflètent pas les vrais besoins ;
- soumettre le passage aux grades d’officiers supérieurs à des concours et bannir l’attribution politique des grades (exceptionnels) qui sont susceptibles de favoriser le clientélisme au sein de l’armée ;
- créer les conditions de formation professionnelle et continue des militaires dans les facultés des universités et les grandes écoles ;
- rétablir le service militaire obligatoire afin de permettre à l’institution militaire de disposer en permanence de compétences qui couvriront une bonne partie des besoins en ressources humaines ;
- renforcer les capacités de l’école militaire supérieure et créer en marge une école polytechnique militaire ouverte aux militaires et aux civils sur concours ;
- renforcer les capacités de l’Etat-major des Armées avec l’appui d’experts civils dans certains domaines spéciaux (par exemple les psychologues, informaticiens, traducteurs, analystes des données sécuritaires …) ;
- associer le Chef d’Etat-Major des Armées et le Commandant de la Police Nationale du Niger aux processus décisionnels dans les domaines de la défense et de la sécurité nationales ;
- renforcer les mécanismes de Contrôle Démocratique des Armées ;
- adopter une doctrine militaire nigérienne (DOMINI)
- mettre en place un Centre Interarmées des Renseignements Militaires (CIRMIL) rattaché au Cabinet du Ministre de la Défense ;
- légiférer sur les tentatives de coups d’Etat et les coups d’Etat et créer les conditions d’un plein fonctionnement de la justice militaire sans interférence du politique.
Garba Abdoul Azizou
Ancien Directeur Adjoint du Centre National d’Etudes Stratégiques et de Sécurité (CNESS) du Niger
[1] DEMOCRACY_PR_f.pdf (ipu.org)
[2] Ibid.