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10 octobre, 2024
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INTERVIEW EXCLUSIVE : Maman WADA exhorte les membres de la Coldeff à obéir aux lois pour ne pas obéir aux hommes !

« On ne peut pas séquestrer un Président élu et sa famille et de surcroit indéfiniment », déclare

Maman WADA : Nous maintenons ce que nous avons dit le 10 décembre 2023 à l’occasion de la célébration du 75ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. En effet, on ne peut pas séquestrer un Président élu et sa famille et de surcroit indéfiniment. Si on reproche au Président des choses, on le présente devant un juge qui décidera d’engager des poursuites, en respectant la présomption d’innocence et toutes les garanties de la défense. Je dois rappeler que le Niger à adhérer à tous les Pactes Internationaux relatifs aux Droits de l’Homme et les militaires se sont engagés à respecter tous ces traités et accords internationaux souscrits par l’Etat du Niger. Il n’y a pas encore d’arguments convaincants pour le maintenir dans cette situation de détention arbitraire. En plus, il a gagné son procès auprès de la Cour de Justice de la CEDEAO. Il faut s’y conformer.

L’Autre Républicain :  S’agissant de la restriction des libertés civiles et politiques, vous avez déploré également l’interpellation des citoyens ‘’ en dehors des procédures légales’’ en dépit de ‘’l’adhésion du CNSP à tous les traités et accords auxquels le Niger a librement souscrit’’. Après la levée des sanctions de la CEDEAO, selon vous la junte ne doit-elle pas lâcher du lest pour apaiser le climat sociopolitique du pays ?

Maman WADA : En 2024, on ne peut pas interpeller ou arrêter un citoyen pour ses opinions divergentes. Le progrès se construit à partir de la divergence des opinions, de leurs richesses et surtout de leur expression. Il faut se méfier de l’unanimisme, de la flatterie et du culte de la personnalité. C’est dangereux !

Nous avons poussé un ouf de soulagement à la levée des sanctions de la CEDEAO. Nous avons mesuré les difficultés que vivent les populations du Niger suite à ces sanctions notamment celles qui sont en relation avec le Nigeria, pays avec lequel nous partageons 1500 km de frontière, et le Bénin. Les relations avec ces deux pays sont multiformes et sans commune mesure. Nous partageons presque tout ensemble. A cela, il faut ajouter la situation des ressortissants nigériens dans les pays de la CEDEAO. La levée des sanctions est une très bonne chose qu’aucun nigérien ne doit bouder.

Maman WADA est philosophe de formation. Il est titulaire d’un CAPES en philosophie obtenu à l’INSE de Ouagadougou et d’un Master II en philosophie à l’Université Abdou Moumouni de Niamey. Il a été Rapporteur de la Commission des Affaires Economiques et Financières du Conseil Consultatif National pendant la Transition de 2010. Il a suivi plusieurs formations dans le domaine des droits humains et de promotion de la gouvernance. Titulaire du diplôme spécialisé en Droits de l’Homme de l’IIAP de Paris, il est Expert Gouvernemental sur Evaluation Pays de la mise en œuvre de la convention des Nations-Unies et a participé à cet effet à l’Examen des Iles kribati, l’Examen de l’Afrique du Sud et à l’Auto Evaluation du Niger. A travers l’entretien qui suit, il décrypte l’affaire des 1578 kg d’or, l’approche de la Coldeff dans la lutte contre la corruption, la détention du président Bazoum et des dignitaires de son régime.

L’autre Républicain : Après le scandale des 1 578 kg d’or nigérien qui aurait quitté l’aéroport de Niamey et saisi à l’aéroport d’Addis-Abeba, en Éthiopie, la réaction de l’Association Nigérienne de Lutte contre la Corruption section de Transparency International ne s’est fait pas attendre. Après la réaction du Chef de l’Etat, le général Abdourahamane Tiani, peut-on dire que cette affaire est désormais renvoyée aux calendes grecques ?

Maman WADA : Merci l’Autre Républicain de l’opportunité que vous nous donnez pour parler de la question du trafic d’or en général et du scandale de l’or d’une quantité de 1578 kg à l’Aéroport International Diori Hamani de Niamey en particulier. Cette question reste toujours dans l’actualité. Elle n’est pas du tout renvoyée aux calendes grecques. Nous sommes à cheval là-dessus et nous avons préparé le dossier pour une plainte contre X devant les tribunaux compétents. Nous y travaillons avec notre avocat et bientôt nous irons déposer la plainte. Vous pouvez être sûrs que nous allons approfondir cette question et irons jusqu’au bout. Je dois aussi vous préciser que nous sommes en possession de l’étude menée par l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractive au Niger en novembre 2022 avec la pleine participation du Ministère des Mines du niveau central au niveau déconcentré, des personnes ressources et des organisations de la Société Civile. En résumé, nous allons saisir les tribunaux pour cette affaire d’or, objet de tous les scandales. Les citoyens nigériens doivent voir clair, ils veulent savoir ce qui s’est passé et à qui appartient cet or qui quitte le Niger, toujours pour atterrir à Doubaï

L’Autre Républicain : Après avoir lancé un appel aux organisations de la société civile de se mobiliser pour exiger la lumière sur la situation des 1 578 kg d’or, vous avez également annoncé l’intention de l’ANLC/TI-Niger ‘’de porter cette affaire d’or devant les tribunaux compétents’’. Où se situe votre démarche très attendue par l’opinion publique sur cette question ?

Maman WADA : C’est un devoir pour nous de lancer un appel aux organisations de la Société Civile, en particulier celles qui œuvrent dans le domaine de la promotion de la bonne gouvernance au Niger. Mais quel que soit l’intérêt porté par les OSC à cette affaire, nous allons porter cette question de trafic d’or devant les tribunaux en accord avec notre conseil. Nous sommes là-dessus et vous le saurez très bientôt. Nous sommes dans notre rôle d’exiger la transparence, la redevabilité, l’intégrité et la responsabilité dans la gestion des ressources minières. C’est notre contribution citoyenne pour une lutte efficace contre les trafics illicites qui sont révélateurs de grande corruption.

L’Autre Républicain : Dans la lutte contre la corruption, l’Association Nigérienne de Lutte contre la Corruption est un partenaire qui travaille sans complaisance dans ce domaine. Quelle appréciation faites-vous du travail de la Commission de Lutte contre la Délinquance Economique, Financière et Fiscale (COLDEFF) ?

Maman WADA : A la création de la Commission de Lutte contre la Délinquance Economique, Financière et Fiscale (COLDEFF) nous avons bien donner l’avis de l’Association Nigérienne de Lutte contre la Corruption. A cette occasion, nous avons dit qu’elle n’est pas une organisation de lutte contre la corruption et les infractions assimilées. C’est plutôt une commission de recouvrement des avoirs publics qu’on pense avoir été spoliés par des agents publics ou des responsables politiques. Le domaine de la prévention et de la répression de la corruption et des infractions assimilées n’est pas pris en charge par la COLDEFF. Il y a des pratiques de pots-de-vin dans plusieurs secteurs de la vie nationale que la COLDEFF ne peut pas combattre. Il y’a des examens et concours et surtout des examens de fin d’année qui auront lieu dans quelques mois et ne seront pas contrôlés par la COLDEFF parce qu’ils ne relèvent pas de son champ d’action. Autres choses concernant la COLDEFF, c’est que selon l’ordonnance qui l’a créée permet de transiger et que l’action publique peut s’éteindre en cas d’entente. De ce point de vue, il y a rupture d’égalité des citoyens devant la loi. De même, en cas de confiscation des biens des mis en cause, la COLDEFF empiète sur les compétences de la justice. La COLDEFF rejette le droit à la défense des mis en cause, droit reconnu universellement et consacré par les instruments juridiques internationaux ratifiés par le Niger. Enfin n’étant pas conforme à la convention des Nations-Unies contre la Corruption et n’ayant pas de Convention de Coopération avec les autres commissions de lutte contre la corruption, la COLDEFF ne peut récupérer les avoirs spoliés et placés dans les pays de résidence de ces commissions. Ce serait encore difficile pour elle de bénéficier de la coopération internationale pour enquêter dans les paradis fiscaux.

L’Autre Républicain :  L’objectif de la COLDEFF est très noble, au regard de votre expérience que conseillez-vous aux membres de cette commission pour réussir leur mission ?

Maman WADA : La COLDEFF doit scrupuleusement respecter le droit à la défense des personnes mises en cause. Le respect des droits de l’Homme en la matière est fondamental. Il faut aussi éviter de jouer le rôle de la justice. Si les deux conditions ne sont pas respectées, les possibilités de récupérer les avoirs confisqués en cas de recours auprès des tribunaux sont presque garanties. Enfin, la COLDEFF doit régulièrement renforcer les capacités de ses membres, condition sine qua none pour atteindre des résultats efficaces.

L’Autre Républicain : L’un des griefs faits à la COLDEFF c’est une sorte de deux poids deux mesures où certains dossiers importants ne semblent pas être la priorité de la COLFEFF. Avez-vous une réaction à ce sujet ?

Maman WADA : Aucun dossier ne doit connaitre les faveurs des membres de la COLDEFF. Tous les citoyens civils et militaires sont égaux devant la loi. Mais il faut respecter les exigences de la loi notamment la présomption d’innocence et le droit à la défense. Ils ne doivent pas se laisser instrumentaliser pour protéger certaines personnes et harceler d’autres. On obéit à la loi pour ne pas obéir aux hommes.

L’Autre Républicain :  Le 10 décembre 2023 à l’occasion de la célébration du 75ème anniversaire de la Déclaration Universelle de Droits de l’Homme vous avez déclaré : « En séquestrant le président élu, Mohamed Bazoum, son épouse et leur enfant à peine sorti de la minorité civile, le CNSP viole les dispositions du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques auquel le Niger a adhéré le 07 mars 1986 ». Mohamed Bazoum et son épouse continuent d’être séquestrés par les autorités militaires aux commandes du pays, quel commentaire vous suscite cette situation ?

Maman WADA : Nous maintenons ce que nous avons dit le 10 décembre 2023 à l’occasion de la célébration du 75ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. En effet, on ne peut pas séquestrer un Président élu et sa famille et de surcroit indéfiniment. Si on reproche au Président des choses, on le présente devant un juge qui décidera d’engager des poursuites, en respectant la présomption d’innocence et toutes les garanties de la défense. Je dois rappeler que le Niger à adhérer à tous les Pactes Internationaux relatifs aux Droits de l’Homme et les militaires se sont engagés à respecter tous ces traités et accords internationaux souscrits par l’Etat du Niger. Il n’y a pas encore d’arguments convaincants pour le maintenir dans cette situation de détention arbitraire. En plus, il a gagné son procès auprès de la Cour de Justice de la CEDEAO. Il faut s’y conformer.

L’Autre Républicain :  S’agissant de la restriction des libertés civiles et politiques, vous avez déploré également l’interpellation des citoyens ‘’ en dehors des procédures légales’’ en dépit de ‘’l’adhésion du CNSP à tous les traités et accords auxquels le Niger a librement souscrit’’. Après la levée des sanctions de la CEDEAO, selon vous la junte ne doit-elle pas lâcher du lest pour apaiser le climat sociopolitique du pays ?

Maman WADA : En 2024, on ne peut pas interpeller ou arrêter un citoyen pour ses opinions divergentes. Le progrès se construit à partir de la divergence des opinions, de leurs richesses et surtout de leur expression. Il faut se méfier de l’unanimisme, de la flatterie et du culte de la personnalité. C’est dangereux !

Nous avons poussé un ouf de soulagement à la levée des sanctions de la CEDEAO. Nous avons mesuré les difficultés que vivent les populations du Niger suite à ces sanctions notamment celles qui sont en relation avec le Nigeria, pays avec lequel nous partageons 1500 km de frontière, et le Bénin. Les relations avec ces deux pays sont multiformes et sans commune mesure. Nous partageons presque tout ensemble. A cela, il faut ajouter la situation des ressortissants nigériens dans les pays de la CEDEAO. La levée des sanctions est une très bonne chose qu’aucun nigérien ne doit bouder.

 Réalisée par Elh. M. Souleymane

L’Autre Républicain N°004 du jeudi 7 mars 2024

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