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10 octobre, 2024
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An I du CNSP : La junte face à elle-même !

Un an déjà que la junte est au pouvoir dans notre pays. Un an, ça se fête, semblent dire la junte et ses soutiens. L’anniversaire sera festif malgré le contexte sécuritaire très préoccupant et le climat social délétère marqué par la perte d’emplois et la cherté jamais égalée de la vie.

Au terme d’une ordonnance signée par le chef de la junte, le général Abdourahamane Tiani, la date du 26 juillet est désormais proclamée fête nationale. Pour la junte, cette date est le symbole de la souveraineté et de l’indépendance de notre pays. Est-ce le cas dans le quotidien des nigériens ? Les nigériens sont-ils devenus subitement souverains et indépendants, en l’espace seulement d’une année ? Dans quels domaines ? Autant de questions que l’on peut se poser et qui expliquent le fossé énorme qui existe entre les professions de foi et la réalité.

La souveraineté et l’indépendance, ça se fête. Pendant une dizaine de jours, l’esprit sera à la fête. Sous la supervision du ministre en charge de la culture, porte-parole du CNSP, les régions ont été instruites de réchauffer des anciens ballets des années 1980. Elles seront présentées à Niamey, pendant la période du 26 juillet (jour anniversaire de l’avènement du CNSP) au 3 août (anniversaire de l’indépendance du Niger). Certaines sources indiquent que plusieurs artistes viendront de l’extérieur du pays pour donner davantage d’éclat à la fête. Les organisateurs ont décidé de mettre les petits plats dans les grands. Quelle est l’enveloppe mobilisée pour ces festivités ? Le CNSP qui a fait le pari de la transparence et de la redevabilité doit pouvoir informer les nigériens sur le coût réel de cette fête, qui intervient dans un contexte sécuritaire et social particulièrement préoccupants. D’autres associations qui soutiennent la junte organiseront des concerts payants. L’esprit ne devrait pas être à la fête. Il aurait fallu honorer la mémoire de toutes ces victimes du terrorisme et compatir à la souffrance des salariés qui ont perdu leur emploi et de tous ceux qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts.

La sécurité et la gouvernance au plus mal

Un an après la remise en cause de l’ordre démocratique, la situation sécuritaire et la gouvernance, les deux prétextes avancés pour justifier le coup d’Etat, se sont dégradées. On attend que le général Tiani, dans son message à la Nation du 25 juillet, fasse un bilan exhaustif. On attend qu’il donne le vrai tableau sur l’état de la Nation, un an après sa prise du pouvoir.

Une rapide évaluation de la situation sécuritaire permet de se rendre compte que les attaques contre les Forces de Défense et de Sécurité et les populations civiles se sont accrues, les groupes terroristes et criminels ont étendu leur territoire d’influence, et le nombre de morts et de blessés ainsi que celui des déplacés internes ne font que croitre.

Les pertes d’emplois se succèdent plongeant ainsi des salariés dans la tourmente. Le dernier cas en date est le licenciement de 184 contractuels de l’hôpital général de référence de Niamey. Ils sont médecins, infirmiers, manœuvres et autres auxiliaires qui n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. Ils ont subi le même sort que les milliers de contractuels de l’administration publique, des collectivités territoriales ainsi que des agents servant dans les ONG, les hôtels et autres structures de coopération bilatérale, etc. Aucune évaluation du nombre de nigériens qui ont perdu leur emploi depuis le 26 juillet 2023 n’a été faite. SI elle a été réalisée, elle aurait donné la mesure de la misère sociale vécue dans les ménages.

En seulement une année d’exercice du pouvoir, sous l’ère CNSP, la gouvernance est malheureusement sur béquilles. Les faits sont là pour alerter les citoyens sur l’inclinaison rampante à la mauvaise gouvernance. Qu’en est-il de l’affaire de 1.400 kilogrammes d’or nigérien retrouvé, comme par hasard, à Addis-Abeba en transit pour Dubaï ? Qu’en est-il de la fameuse Ordonnance N°2024-05 du 23 février 2024 portant dérogation à la législation relative aux marchés publics, aux impôts, taxes et redevances et à la comptabilité publique, une ordonnance avec effet rétroactif sur les marchés publics des Forces de Défense et de Sécurité et des villas d’hôtes qui contredit les engagements de la junte sur la transparence et la reddition des comptes ?

Qu’en est-il des 160 véhicules acquis à la vitesse de l’éclair, semble-t-il sur les ressources mobilisées par le Fonds de Solidarité pour la sauvegarde de la patrie, sans appel d’offres connu du grand public ? Qui en sait grand-chose de ce que fait ce Fonds qui a aménagé dans un compartiment de l’ex Ministère des Finances, remis à neuf pour l’occasion ?

Qu’en est-il de l’avance-prêt de 400 millions de dollars consentie par la Chine remboursable sur une petite année avec un fort taux d’intérêt de 7% ? L’échéance pourrait-elle être tenue avec la suspension par le gouvernement nigérien de l’exportation du brut et l’arrêt momentané des activités de la CNPC pour raisons de sécurité ? Qu’en est-il de la vente de 150 millions de litres de gasoil nigérien à Electricité du Mali (EDM) dont les Nigériens ignorent tout des conditions ? Sans l’indiscrétion du bruyant Premier ministre malien Choguel Maiga qui a annoncé le prix d’achat « amical » du litre fixé à 328 francs CFA, on ne saura pas ce qui s’est effectivement passé.

On a bien envie d’entendre le général Tiani sur tous ces sujets qui continuent à défrayer la chronique, et qui font interroger les nigériens sur les réelles intentions du CNSP et sa capacité à tenir ses engagements initiaux.

Des engagements…pour le public

Un de ces engagements, c’est le respect des droits humains conformément aux instruments internationaux. Quid de l’Ordonnance n°2023-02 du 28 juillet 2023 portant organisation des pouvoirs publics pendant la période de transition ? En son article premier, cette Ordonnance indique que « le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie réaffirme son attachement aux principes de l’Etat de droit et de la démocratie pluraliste ». A ce titre, le CNSP « …garantit, en outre, les droits et libertés de la personne humaine et du citoyen tels que définis par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 et la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de 1981… ». Ces deux instruments internationaux font obligation aux gouvernants de respecter les droits humains et les libertés publiques et individuelles comme les libertés d’opinion, d’expression, de la presse, etc.

Si les dispositions de cette ordonnance lient les tenants du pouvoir, pourquoi le président Mohamed Bazoum et son épouse vont-ils continuer à être gardés sous haute surveillance à la résidence présidentielle depuis 12 mois ? Pourquoi empêcher à ses avocats le droit de le rencontrer même après la levée de son immunité par la Cour d’Etat dans des conditions contestables en raison du refus de cette juridiction d’entendre les arguments de la défense ? Pourquoi plusieurs personnalités ayant servi sous la mandature du président Mohamed Bazoum sont privées de liberté et gardent prison à Kollo, Say, Filingué, Birni N’gaouré, Ouallam, Koutoukalé et Niamey ? Presque tous sont poursuivis pour atteinte à la sûreté et complot contre l’Etat. Comment ce chef d’accusation peut-il tenir la route lorsque certains des prévenus ont été arrêtés au même moment que le président Bazoum ?

Contacté par nos soins, un juriste qui a requis l’anonymat a fait le décryptage suivant : « Sauf que toute l’affaire repose sur un papier non authentifié et une supposée action qui n’a pas connu de début d’exécution. Et cela non pas parce qu’elle aurait été empêchée ou même éventée. Les présumés auteurs ou co-auteurs n’ont pas mis leur supposé plan en exécution. Et personne ne les en a empêché. Où est donc le crime pour lequel on poursuivrait même les militaires incriminés ? Y avoir pensé et y avoir renoncé de leur propre chef ? Encore qu’il faudrait prouver que le papier est authentique ! »

Dans cet imbroglio, rappelons que le ministre de l’Intérieur Hamadou Adamou Souley a été arrêté au moment même où le coup d’Etat se déclenchait. Il en est de même des autres détenus qu’ils soient ministres, députés, agents administratifs ou de sécurité, etc.

Un autre engagement est relatif à la tenue du forum national. « Le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie s’est engagé à convoquer un Forum National Inclusif pour faire le diagnostic de la situation du pays née de la mal gouvernance des régimes passés. Il proposera des réformes nécessaires pour le futur avec une feuille de route pour la transition et un programme stratégique d’actions pour la refondation de l’Etat. Ces assises seront bientôt convoquées », avait dit le général Tiani, il y a plusieurs mois. Depuis le forum régional d’Agadez, tenu il y a 7 mois, plus rien. Les autres régions n’ont pas tenu leurs réunions qui devraient déboucher sur le forum national.

En un mot comme en cent, on se rend compte que les engagements pris ne le sont que pour le public car ce qui préoccupe la junte, c’est la quête effrénée de légitimité aux plans international et national.

La rédaction

L’Autre Républicain du jeudi 25 juillet 2024

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