‘’Sai bango ya tsage kadangare ke ratsa chi’’, autrement dit il faudrait qu’un mur soit fendillé pour être traversé par un lézard, aimait rabâcher, en son temps, l’ancien président du PNDS, Issoufou Mahamadou. C’était conscient de l’adversité pendant la longue traversée de désert du PNDS que son président d’alors avait, comme un prédicateur, rappelé constamment aux camarades les vertus de la fidélité, de l’unité du parti et de la cohésion de ses membres. Après le coup de Jarnac du 26 juillet 2023, tout se passe comme si l’unité du PNDS-Tarayya a vécu. La triste réalité de ce parti, c’est que deux clans se dessinent aujourd’hui : le clan Issoufou et le clan Bazoum. Pourquoi le PNDS a fait profil bas après le putsch ? Pourquoi certains leaders de ce parti ont préféré aller à Canossa en affichant leur idylle avec la junte qui a renversé leur propre régime ? Quelles sont les conditions d’une union sacrée ? Éléments de réponse d’une approche dialogique ou les occasions perdues de dialogue au PNDS-Tarayya.
A l’opposition comme durant les 12 années au pouvoir, les militants du PNDS, les grands leaders comme les camarades de base, ont su résister au démon de la division, aux brimades, aux chantages et aux manœuvres d’achat de conscience ou concassage, comme qui dirait. Certains ont résisté aux postes juteux dans les gouvernements d’alors juste dans l’optique de lézarder, concasser le PNDS. C’est un rappel, Bazoum Mohamed, entre autres, a refusé des offres on ne peut plus alléchantes de la part des adversaires du parti. Il avait dit niet à Mahamane Ousmane qui a voulu le coopter comme Premier ministre en remplacement de son camarade Issoufou Mahamadou tout comme il avait résisté à la demande du général Ibrahim Baré Mainassara de l’accompagner dans sa tentative du hold-up électoral. Certains militants ont subi stoïquement les 12 ans du PNDS au pouvoir. Ils sont restés dans les rangs et le respect des principes du parti. Pourtant dans la gestion du pouvoir, c’était de notoriété publique que les leaders du PNDS faisaient la part belle aux alliés ou adversaires politiques sur leurs propres militants. Pire, il y a des militants du PNDS totalement sacrifiés à l’autel de la realpolitik. Ceux-là gardent espoir et ont toujours la fierté d’être presque religieusement des militants de ce parti envers et contre tout.
C’est dire que le PNDS, c’est le résultat de cette lutte méticuleuse et glorieuse dans l’unité et la cohésion qui a consisté à surmonter épreuves et contradictions internes. En d’autres termes, les conflits, les mécompréhensions, les luttes de positionnement et autres ambitions personnelles, bien gérés, constituent une sorte d’oxygène pour la survie du parti. Autant la société humaine ne saurait se passer des conflits, autant un parti politique qui n’est qu’une association d’individus aussi divers et variés ne saurait vivre en harmonie ad vitam aeternam.
Mais le plus important, la meilleure précaution pour éviter le clash ou la désintégration du corps social c’est de rester attaché aux valeurs, et à l’idéal qui unit et de disposer des mécanismes efficaces de règlement de ces antagonismes. C’est jusqu’ici le vrai secret du PNDS. La recette gagnante qui le mettait à l’abri de la sclérose tant souhaitée par ses pourfendeurs. Autant dire que tant qu’on reste fidèle aux principes, toutes les contradictions qui surgiront ne peuvent être que secondaires, et donc faciles à résoudre.
Si le PNDS-Tarayya s’est révélé être le ‘’projet politique le plus viable’’ au Niger pour paraphraser l’ex président Issoufou Mahamadou, c’est pour la simple et bonne raison que ce parti est fondé sur des valeurs. Au PNDS, nul ne saurait prospérer avec un esprit régionaliste, tribaliste, raciste ou grégaire. Cette vérité ne vaut pas seulement que pour le PNDS, elle est aussi valable pour les autres partis politiques. Ceux d’entre eux qui pensaient se servir de l’ethno-régionalisme pour se réaliser en ont eu pour leurs comptes.
La posture du PNDS après le putsch
A l’annonce du coup d’Etat, le mercredi 26 juillet 2023, il y a eu une réaction spontanée des militants roses convaincus de la nécessité de préserver l’ordre constitutionnel, ce qui est dans la droite ligne du PNDS-Tarayya. Les femmes du PNDS avaient également réagi à travers une déclaration, à cette occasion, le siège du parti a été pris d’assaut par la foule labousaniste. Tout a été saccagé, des femmes violentées, des véhicules caillassés, bref tout était bouleversé tant la violence était inouïe, créant ainsi un précédent dangereux dans le pays. La Mouvance pour la Renaissance du Niger (MRN), la majorité présidentielle, avait publié une déclaration de principe. Le PNDS-Tarayya sous la houlette de son président Foumakoye Gado avait fait une série de communiqués très engagés pour dénoncer la forfaiture du 26 juillet et défendre l’ordre républicain. Entre-temps, Foumakoye a été mis aux arrêts avec les autres ex dignitaires de la 7ème République. C’est après cette arrestation de Foumakoye Gado que le PNDS-Tarayya avait basculé dans son accompagnement au coup d’Etat. Deux communiqués contradictoires, un signé par le Vice-président du parti Hassoumi Massoudou et l’autre par le secrétaire général Kalla Ankourao avaient annoncé la ligne de démarcation : le premier dénonce la démolition des institutions républicaines et l’ordre constitutionnel tout en demandant le rétablissement du président de la République élu, et le second fait profil bas en prenant clairement de liberté par rapport aux valeurs et principes du parti. Ce communiqué réactionnaire signé par le secrétaire général datant du 15 septembre 2023 corroboré par un tweet d’Issoufou Mahamadou a usé et abusé de la délibération du Présidium du PNDS. Ce qui a eu pour conséquence, un contre communiqué signé par le Vice-président du parti. Cela prouve à suffisance le clash, la rupture au sein du Présidium où certains ont décidé de s’acoquiner avec la junte en prônant la realpolitik, et d’autres de rester fidèles aux principes du parti. Pour la postérité, ces camarades porteurs d’eau de la junte ont eu la responsabilité historique de trahir le noble projet de société qu’est le PNDS-Tarayya. Dans ce glissement ou revirement, Issoufou Mahamadou a été une pierre angulaire. Là, il n’est plus question du rôle qu’il aurait joué en amont dans la réalisation du coup de Jarnac du 26 juillet 2023. Il est plutôt question ici du respect de la ligne historique du parti. Nul doute, une aile du PNDS a adhéré au putsch, elle est complice du laxisme observé par ce parti. Ceux-là ne sont pas seulement accusés par des mal-pensants. Ils ont posé des actes à travers leurs structures créées, des médias acquis à leur cause pour anéantir tout élan de lutte conforme à la ligne du parti. Comme des brebis galeuses, le dialogue est conditionné à leur retour dans les rangs. Il n’y a pas d’approche dialogique possible sans le respect du fil conducteur du parti. Ils étaient hier anti coups d’Etat d’ici et d’ailleurs, mais ils sont complices du coup d’Etat au Niger qui s’est produit ‘’sous un ciel tranquille’’, comme dirait l’autre. Très malheureusement, aujourd’hui, ils se retrouvent dans une impasse. La situation sécuritaire du pays mise en avant pour perpétrer le coup s’avère être un argument fallacieux tout comme la bonne gouvernance n’est pas au rendez-vous.
La condition pour recoller les morceaux au PNDS
C’est un rappel, le choix de Bazoum comme candidat du PNDS a été un moment de frictions au PNDS-Tarayya. L’actuel Vice-président Hassoumi Massoudou avait même perdu de sa superbe. Issoufou Mahamadou, président de la République en son temps, avait sévi avec vigueur en limogeant Massoudou de son poste de ministre des Finances. Avec le recul, cette attitude d’Issoufou en dit long sur sa certitude de pouvoir faire et défaire le destin de ses camarades. Juste une parenthèse.
Mais au niveau des militants, comme par le passé avec T3, Bazoum était le candidat naturel du parti. Qui plus est, le président Bazoum est un leader qui incarne les valeurs du parti, c’est pourquoi d’ailleurs il a été coopté comme candidat du parti avec l’appui décisif de T3. C’est un fait.
Machiavel, le Galilée de la politique, avait considéré qu’il y a nécessairement des forces favorables au changement, à la révolution tout comme il y a toujours eu des forces rétrogrades, hostiles aux réformes et au changement. Aux commandes de l’Etat, Mohamed Bazoum s’est comporté en réformateur. Ce qui n’a pas été du gout de quelques-uns au sein du parti.
Dans le processus de démocratisation de notre pays, on peut aisément situer les différentes forces politiques au Niger à savoir le camp des réactionnaires et celui des progressistes. Mais contre toute attente, depuis le coup d’Etat du général Tiani, Issoufou Mahamadou se trouve dans le camp des forces rétrogrades. On ne cesse de le rappeler, T3 était un farouche adversaire des putschistes d’ici et d’ailleurs. Tout le monde est consterné par sa posture actuelle et surtout son silence assourdissant face au sort de son camarade et ami Mohamed Bazoum mais aussi de son héritage politique. Nous l’avons dit plus haut, Issoufou Mahamadou a joué un rôle primordial pour que son aile accompagne la junte. Aujourd’hui, les analystes savent que T3 a rendu un grand service à la junte. Et pour ce service rendu, la junte lui est redevable sans aucune considération et référence à ce qui se serait passé en amont entre lui et la junte ou Tiani. Dans cette optique, comment envisager un dialogue au sein du PNDS ? Comment recoller les morceaux entre les deux ailes ainsi créées à savoir l’aile Issoufou et l’aile Bazoum ?
Contrairement à ceux qui pensent que le PNDS-Tarayya est la ‘’chose’’ d’Issoufou Mahamadou, les militants savent que ce parti est une association on ne peut plus démocratique. Du reste, Issoufou Mahamadou et Mohamed Bazoum ont dit clairement à diverses occasions comment à la création de ce parti ils se sont rencontrés. C’est dire qu’au PNDS-Tarayya, le paternalisme a des limites. Pour un parti de gauche, le centralisme démocratique caractérisé par la « liberté de discussion » et l’« unité d’action », comme l’écrivait Lénine, est la voie royale de prise de décision. Nul ne saurait s’arroger la paternité de ce parti au détriment des autres camarades. En d’autres termes, la souveraineté appartient à la base, aux instances du parti qui peuvent sanctionner tout celui qui serait en porte-à-faux avec les textes du parti, quel qu’il soit. En vertu de ce principe, il y aura de l’électricité dans l’air le jour où les camarades se retrouveront en face pour laver le linge sale en famille. Certes, le consensus avait primé en temps de paix au sein du parti mais désormais les choses ne se passeront plus comme avant. Ceux qui auraient été pris en défaut d’avoir contribué à la déconstruction des institutions républicaines doivent s’attendre à des sanctions. Et c’est connu, l’heure est aux suspicions et aux accusations de certains membres de l’establishment. Ceux qui les accusent doivent apporter des preuves, quitte à eux de se défendre. Ce débat aura lieu tôt ou tard ou le mur déjà lézardé se cassera en deux gros morceaux.
Les occasions perdues du dialogue c’est le fait que l’aile Issoufou Mahamadou au lieu de plaider pour la libération de Bazoum et son épouse, n’a fait que l’enfoncer en le traitant de terroriste et d’apatride. C’est dire que pour qu’il y a dialogue ou une sorte d’union sacrée, il va falloir que les brebis galeuses reviennent dans les rangs en se conformant au fil conducteur du parti. L’unité du parti prônée par Issoufou Mahamadou ne doit pas être une unité de façade qui vise à demander aux ‘’enfants du camp Bazoum’’ de cesser de le trainer dans la boue pendant que par internautes et médias interposés, ses sbires traitent Bazoum de tous les noms d’oiseaux sauvages. Disons-le tout net : si Issoufou Mahamadou a besoin de l’unité du PNDS-Tarayya, il doit se reprendre en s’engageant dans le combat pour la restauration de la démocratie. Il se trouve à mille lieues de la trajectoire historique du PNDS, il doit se ressaisir pour rejoindre le train en marche. Sinon le face à face avec les Bazoum et Massoudou sera synonyme de douche froide. Ce jour-là, il y aura comme qui dirait de l’électricité dans l’air.
Elh.M. Souleymane
L’Autre Républicain du jeudi 25 juillet 2024