‘’25 LETTRES AU PRÉSIDENT MOHAMED BAZOUM Philosophe, prisonnier et résistant’’, c’est le titre d’un ouvrage collectif qui paraitra le lundi prochain. L’initiative a été coordonnée par Geneviève Goëtzinger, ancienne journaliste et directrice générale de Radio France internationale (RFI), désormais communicante, et Mamadou Ismaïla Konaté, ex-ministre malien de la justice. Cette action interpelle le monde entier face au silence assourdissant des leaders politiques et des contre-pouvoirs au Niger sur le sort réservé au Président Bazoum pris en otage par une junte anachronique. Le livre préfacé par Jean-Pierre Olivier de Sardan honore le combat du Président Bazoum pour le triomphe du processus démocratique nigérien. Comme Socrate condamné abusivement à boire la ciguë pour corruption de la jeunesse, Mohamed Bazoum fait montre de dignité et de courage en dépit de tous les risques y compris le sacrifice ultime.
Dans un dossier de presse dont une copie est parvenue à L’Autre Républicain on peut lire : “Vingt-six personnalités africaines se mobilisent pour appeler à la libération de l’ancien chef de l’État nigérien Mohamed Bazoum, toujours emprisonné au sein du palais présidentiel depuis qu’il a été renversé, en juillet 2023 (AI du 18/04/24). Elles s’apprêtent dans ce cadre à publier un livre le 2 décembre aux éditions Karthala, intitulé 25 lettres au président Mohamed Bazoum. Parmi les signataires de l’ouvrage figurent trois anciens premiers ministres : Moussa Mara (Mali), Pascal Affi N’Guessan (Côte d’Ivoire) et Martin Ziguélé (Centrafrique).
Deux ex-ministres maliens des affaires étrangères, Tiéman Hubert Coulibaly et sa successeure, Kamissa Camara (actuellement chargée du Sahel au sein du think-tank américain United States Institute of Peace) ont aussi pris part à l’initiative. Tout comme l’ancien ambassadeur du Niger à Washington, Mamadou Kiari Liman-Tinguiri, et l’ex-maire de Dakar, Khalifa Sall.
Plusieurs avocats, universitaires et figures de la société civile et du monde de la culture ont aussi été associés au projet. Certains ont en commun d’avoir côtoyé Mohamed Bazoum lorsqu’il était ministre de Mahamadou Issoufou et membre de l’Internationale socialiste”.
Selon les auteurs, “pour lutter contre le risque de l’oubli, l’autre nom de l’abandon, 26 personnalités politiques, publiques et de la société civile ont décidé de s’adresser directement à lui. Ils sont femmes et hommes pour la plupart africains, du monde politique, de la culture, du droit et de la justice, ayant ou non des liens avec Mohamed Bazoum. Tous ont en commun une conviction et un engagement résolu en faveur de la démocratie, de l’État de droit et des droits humains”.
Leurs lettres sont diverses, à l’image de ceux qui prennent la plume. Chaque lettre est un message unique, qui reflète un caractère, une sensibilité. Avec émotion, colère aussi, certains auteurs évoquent ce qui leur semble essentiel, des souvenirs, des moments heureux, des combats partagés, leur chagrin devant la souffrance d’un frère. L’exercice prend alors une dimension consolatrice. Certains autres sont plus analytiques et se projettent dans l’avenir. Entre les lignes, s’esquisse le portrait de celui auquel les missives sont dédiées, un être de principes, authentiquement démocrate, soucieux de progrès, pétri de valeurs et de convictions.
Ces lettres réunies en un même ouvrage sont autant de messages puissants que de manifestions de soutien à l’homme et au combat qu’il incarne désormais, celui du droit contre la force, celui de la démocratie contre la régression. Face au temps qui passe, inexorablement, ces écrits se veulent un cri d’alarme, une alerte et un appel urgent à sa libération.
Dans l’avant propos, les initiateurs du projet à savoir Geneviève Goëtzinger et Mamadou Ismaïla Konaté renseignent : “Ce livre est le fruit d’une rencontre, autour de Mohamed Bazoum, du combat pour sa libération, contre l’oubli qui guette au fil du temps qui passe, contre une forme de passivité, d’indifférence, pour maintenir la flamme.
Cette rencontre s’est d’abord faite sur la toile. Nous y avons partagé un engagement, une indignation, des analyses, à l’occasion de spaces souvent, parfois de débats sur des médias plus classiques, plateaux de télévision, studios radio, presse écrite. Nous défendions l’homme et à travers lui l’incarnation de la démocratie nigérienne. Nous étions l’un et l’autre émus par l’incroyable courage de ce démocrate intransigeant, la singularité de sa posture, sa détermination à ne pas démissionner, à ne pas transiger sur des principes fondamentaux”.
Au delà du Président Bazoum, les initiateurs de cet ouvrage ont une pensée aux autres détenus et au peuple nigérien en général face à cette épreuve à lui imposée depuis le 26 juillet 2023. “Nous n’oublions évidemment pas que le Président Bazoum n’est pas la seule victime du calvaire que traverse le Niger. Le peuple paie un lourd tribut à cette forfaiture. Certains de ses proches sont condamnés à l’exil, parfois même déchus de leur nationalité nigérienne et devenus apatrides. D’autres sont en prison depuis de longs mois : détenus politiques, civils et militaires”, s’exclament Geneviève Goëtzinger et Mamadou Ismaïla Konaté.
Pour sa part Jean Olivier-Pierre de Sardan, dès l’entame de sa préface, a bien voulu faire la mise au point suivante : “Ces vingt-cinq lettres de personnalités en particulier africaines mais pas seulement, adressées au Président Mohamed Bazoum toujours détenu par les militaires qui ont pris le pouvoir il y a plus d’un an, sont extraordinairement diverses, dans leurs styles, dans leurs perspectives, dans leurs témoignages, dans leurs analyses, dans leurs formats, dans leurs sensibilités, dans leurs contenus. On ne saurait donc voir en ce livre qui les réunit une quelconque orthodoxie, une quelconque ligne politique, une quelconque idéologie. Aucune consigne, aucune concertation, aucun mot d’ordre, aucun calibrage n’ont en effet présidé à leur écriture. Chacun a rédigé son texte seul avec lui-même, avec ses propres choix, son propre vécu, ses propres certitudes, ses propres inquiétudes ou ses propres indignations. On voit ainsi des divergences mineures ou notables s’esquisser ici ou s’exprimer là, et c’est tant mieux. Chacun parle pour son compte. Cette diversité est bienvenue. Cela donne un livre inclassable, un objet littéraire non identifié. Et pourtant un fil rouge traverse tous ces propos. C’est le sort dramatique de Mohamed Bazoum, la sidération face à sa détention, le sentiment d’une injustice incroyable, et le respect pour l’homme politique comme pour l’homme tout court, qui constituent ce fil rouge.”
L’anthropologue émérite, connu pour sa rigueur scientifique après avoir rappelé sa divergence avec le PNDS-Tarayya, le parti de Mohamed Bazoum à travers sa “Lettre à mes amis du PNDS”, fait ce témoignage sur Bazoum : “Mais j’ai toujours gardé une réelle estime pour sa personne. Tous ceux qui l’ont connu et qui m’ont parlé de lui ont toujours fait état de son intégrité, de son sens du devoir, de sa culture, de sa compétence, de son engagement pour son pays, voire de son idéalisme. Les lettres de ce volume le confirment abondamment, avec conviction, et parlent de lui, selon les cas, avec émotion, pudeur, véhémence, amitié, nostalgie, respect, et même espoir. Il faut remercier Mamadou Konaté et Geneviève Goëtzinger d’avoir eu la superbe idée de les solliciter pour les réunir dans ce recueil”.
Rappelons qu’en septembre dernier, un colectif international de personnalités parmi lesquels figurent des Prix Nobel avaient écrit une tribune pour demander la libération du Président Bazoum. “Il est urgent que les responsables politiques africains et internationaux prennent eurs responsabilités et agissent pour obtenir la libération immédiate de Mohamed Bazoum et le rétablissement de l’ordre constitutionnel au Niger”, écrivent-ils. Un confrère écrivait récemment que “Mohamed Bazoum et son épouse sont un exemple de ténacité, d’endurance, de refus de capituler. Il y a en un une farouche détermination à retser fiers et debout même dans les moments les plus éprouvants de leur vie”. L’Histoire retiendra ses Héros, n’en déplaisent à ceux qui voudraient les rabaisser.
La rédaction
L’Autre Républicain du jeudi 28 novembre 2024